Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 12 novembre 2012 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2013 — Discussion d'un projet de loi

Marisol Touraine :

de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, par mon propos, qui complète celui de mon collègue Jérôme Cahuzac, je souhaite attirer votre attention sur les enjeux des politiques de retraite, de santé et de famille que nous vous proposons dans ce premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la mandature.

Avec ce texte, qui marque une inversion par rapport à la politique menée au cours des années précédentes, le Gouvernement a l’ambition de répondre à une attente, à savoir la réhabilitation de l’expression « protection sociale », très dévoyée ces derniers temps. D’aucuns ont parlé à n’en plus finir de « rupture », une rupture non seulement avec le passé, mais également avec les fondements de notre contrat républicain et les valeurs dominantes de notre pays. En son nom, de très nombreuses régressions ont été justifiées.

Une régression sociale d’abord, lorsqu’un nombre croissant de nos concitoyens rencontrent des difficultés financières pour faire face aux aléas de la vie, à la vieillesse ou à la maladie.

Une régression quant à nos valeurs fondatrices ensuite, lorsque le discours sur l’assistanat devient un leitmotiv et sert surtout d’alibi pour ébranler les piliers de notre système de protection.

Une régression politique, enfin, lorsque le renoncement à notre modèle social semble masqué par des choix tactiques, qui n’ont pas été soumis à nos concitoyens.

Le bilan du dernier quinquennat est sans appel. Les droits sociaux n’ont cessé de reculer et – Jérôme Cahuzac l’a indiqué – la dette a atteint un niveau record. La situation des Français est doublement détériorée : ils doivent maintenant payer plus alors qu’ils sont moins bien protégés.

Le recul des droits sociaux s’est traduit non seulement par une réforme injuste des retraites qui a frappé en particulier celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt, mais aussi par la limitation de l’accès aux soins et l’affaiblissement du niveau de protection de nos concitoyens.

En quoi consiste la facture dont nous avons hérité ? Un déficit cumulé de 90 milliards d’euros sur le seul dernier quinquennat, déficit qui pèse sur les choix que nous devons aujourd'hui effectuer.

Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale marque une inversion radicale des priorités : nous faisons le choix, assumé, de ne pas faire porter d’efforts nouveaux sur les assurés. Alors même que nous sommes confrontés à une double exigence – faire les économies que requiert la situation budgétaire difficile de notre pays et apporter de nouvelles réponses sociales aux attentes de nos concitoyens –, nous avons donc choisi de ne pas demander aux assurés de renoncer à des droits ou à des protections.

Je le dis sans ambages, pour nous, la protection sociale est non pas un fardeau, mais un atout dans la compétition internationale. Puisque nous sommes engagés depuis quelque temps dans un débat sur la compétitivité de l’économie française, je tiens à répéter en cet instant de manière extrêmement forte que, même si notre compétitivité a incontestablement reculé au cours des dernières années, le niveau de notre protection sociale constitue une manière de renforcer l’attractivité de la France et la situation des salariés. Au fond, c’est la certitude d’être protégés qui permet à nos concitoyens de prendre des risques et qui, au niveau collectif, garantit un système de solidarité important.

La ligne d’horizon du projet de loi de financement de la sécurité sociale, c’est bien le renforcement de la protection des Français.

Protéger les citoyens consiste d’abord à donner à chacun d’entre eux la garantie d’avoir accès aux soins sans obstacle financier, social ou territorial.

La progression de l’ONDAM, c'est-à-dire des dépenses de santé et d’assurance maladie, pour 2013 a été fixée à 2, 7 %. Je sais que l’annonce de ce taux, dont le niveau est supérieur à celui de 2, 5 % arrêté auparavant, a suscité de nombreuses discussions. De la sorte, nous voulons marquer la priorité que nous donnons à la santé. Par rapport à 2012, ce sont ainsi 4, 6 milliards d’euros supplémentaires qui seront investis pour la santé de nos concitoyens. La croissance des dépenses consacrées à l’hôpital sera par ailleurs strictement équilibrée avec celle des soins de ville, soit légèrement moins de 2 milliards d’euros dans les deux cas. Enfin, 650 millions d’euros supplémentaires seront affectés au secteur médico-social.

Dans le même temps, comme l’a rappelé Jérôme Cahuzac, nous prévoyons d’allouer 1, 5 milliard d’euros de recettes supplémentaires à l’assurance maladie grâce, notamment, à la mise en place de taxes comportementales et à la suppression de niches sociales. Voilà, là encore, un signe de la priorité que constitue la santé des Français pour le Gouvernement.

Protéger les Français, c’est également assurer la pérennité de notre système de retraites par répartition. La consolidation de ce système nécessite de garantir le contrat entre les générations, lequel est aujourd'hui – il faut bien le dire – peu lisible et relativement incertain pour les plus jeunes. Alors qu’ils sont âgés de trente ou de trente-cinq ans, certains d’entre eux se demandent s’ils pourront continuer à bénéficier de la solidarité nationale et collective une fois arrivés à l’âge de la retraite.

L’une des exigences qui s’imposent à nous, c’est d’apporter, grâce aux mesures que nous vous proposons, une visibilité durable à nos systèmes de retraite, afin de garantir aux Français qu’ils peuvent compter sur la solidarité nationale.

Or la réforme de 2010, qui devait résoudre toutes les difficultés, a, en réalité, profondément fragilisé notre système de retraite. Si aucune mesure n’avait été prise depuis notre arrivée aux responsabilités, le déficit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse s’élèverait aujourd'hui à 10, 2 milliards d’euros. Nous le ramènerons à 6, 6 milliards d’euros, en consacrant 7 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour l’année 2013, ce qui est un signe de nos priorités, de notre engagement et de notre volonté.

Le Fonds de solidarité vieillesse et les différents régimes de retraite bénéficieront d’une partie des recettes nouvelles. Le financement de la politique de lutte contre la perte d’autonomie sera complété par la cotisation que nous souhaitons instaurer sur les retraites et qui concernera les retraités qui sont aujourd'hui imposables.

Je tiens à le dire, je suis pleinement consciente des difficultés auxquelles sont aujourd'hui confrontés les conseils généraux dans la mise en œuvre de la politique en faveur des personnes âgées. C'est la raison pour laquelle, à l’occasion d’une rencontre avec les membres de l’Association des départements de France, le Président de la République a annoncé la création d’un fonds de soutien exceptionnel aux départements qui connaissent des difficultés financières, doté de 170 millions d’euros.

Pour le long terme, lors de cette même rencontre, il a été décidé d’engager une concertation entre, d’un côté, le Gouvernement et, de l’autre, les conseils généraux pour déterminer les modalités d’un financement pérenne et durable de l’ensemble des allocations universelles. Nous pensons aux allocations dédiées au handicap – Marie-Arlette Carlotti les évoquera certainement –, mais évidemment aussi à l’allocation personnalisée d’autonomie.

À partir du moment où le Gouvernement fait le choix, affirmé et assumé, de ne pas faire reposer sur des assurances privées ou sur la capacité privée des Français la responsabilité de la prise en charge de la perte d’autonomie et, en fin de parcours, de la dépendance, c’est par un mode de financement solidaire qu’il faut envisager la réforme de la prise en charge de la perte d’autonomie.

Qui dit solidarité dit contribution de l’ensemble de nos concitoyens, dès lors que leurs revenus le leur permettent. C’est dans cet esprit que nous avons souhaité les mettre à contribution, y compris les retraités, en tout cas, et j’insiste sur ce point, ceux d’entre eux qui sont imposables.

L’assainissement financier des régimes de retraite n’est pas une fin en soi, même si nous devons garder à l’esprit cette exigence. Il nous revient aujourd’hui de réparer des injustices qui touchent certaines catégories de retraités. C’est pourquoi le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de permettre aux travailleurs non salariés agricoles de bénéficier de points de retraite gratuits en compensation des périodes d’invalidité et de maladie et de donner aux travailleurs de l’amiante le droit de prendre leur retraite à soixante ans, quel que soit leur régime.

De façon plus générale, l’année 2013 sera déterminante pour garantir l’avenir de nos retraites. En consolidant les différents régimes, nous posons dès aujourd’hui, comme l’a rappelé Jérôme Cahuzac, les bases d’une concertation à venir avec les partenaires sociaux.

Protéger les Français, c’est encore donner la priorité à la famille. Dominique Bertinotti reviendra sur ce point dans quelques instants. Je tiens à le redire, la défense de la famille n’appartient à aucune formation politique. Les choix qui ont été effectués ces dernières années montrent d’ailleurs bien qu’elle n’est pas le monopole de l’actuelle opposition.

Dès le mois de juillet dernier, nous avons pris la décision d’augmenter de 25 % l’allocation de rentrée scolaire. Cette mesure a bénéficié à 5 millions d’enfants et à 3 millions de familles. Dans le même esprit, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale tend à instaurer le tiers payant des dépenses de garde d’enfant pour les familles modestes.

Ce texte va également beaucoup plus loin, en reconnaissant l’égalité des droits. La famille doit accompagner les mutations de notre société. Si vous confirmez des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, mesdames, messieurs les sénateurs, sera créé un congé de paternité et d’accueil du jeune enfant pour ouvrir le congé de paternité à la personne qui vit avec la mère.

Au cours des années passées, le Gouvernement avait retiré 350 millions d’euros à la branche famille. À l’inverse, entre la loi de finances rectificative et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous vous proposons d’affecter 1 milliard d’euros de recettes supplémentaires à cette même branche.

Protéger les Français, c’est aussi les assurer contre les risques liés au travail.

La branche accidents du travail et maladies professionnelles présentera un excédent d’environ 300 millions d’euros en 2013, après avoir été déficitaire de 100 millions d’euros en 2012.

S’agissant plus particulièrement des travailleurs de l’amiante, un rapport me sera remis le 1er juillet 2013, lequel évaluera les voies d’accès à leur allocation de cessation anticipée d’activité, afin de leur rendre justice.

Protéger les Français, c’est enfin rendre réel et pleinement effectif l’accès aux droits.

À cet égard, le Gouvernement a fait le choix de renforcer l’attention qu’il porte aux problèmes rencontrés par les jeunes femmes dans le domaine de l’accès à la contraception.

Ainsi, le projet de loi que je vous présente aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, prévoit d’étendre le remboursement des moyens contraceptifs déjà remboursés, de manière à assurer une prise en charge à 100 % pour les mineures âgées de quinze à dix-sept ans révolus.

Il vise également à garantir la prise en charge à 100 % des interruptions volontaires de grossesse – les IVG – et, même si cela n’apparaît pas dans les dispositions du texte, l’ONDAM a été calculé en tenant compte de la revalorisation des actes d’IVG qui était demandée par les établissements et les professionnels de santé ; j’insiste sur ce point.

Au-delà, il s’agit pour nous d’engager des réformes de structure importantes, car nous avons le devoir de moderniser la protection sociale. En effet, nous devons faire face aux profondes évolutions que connaît notre société. Ainsi, le présent texte doit nous permettre de mieux relever les défis liés au vieillissement de la population et à l’évolution des pathologies, mais aussi de mieux répondre aux attentes des Français.

Le premier axe de la modernisation engagée consiste à renforcer notre politique d’économies.

Alors que certains nous accusent de matraquage fiscal, je tiens à rappeler de manière très claire que le PLFSS que nous présentons prévoit 2, 4 milliards d’euros d’économies, dont 1 milliard d’euros portera sur la politique du médicament, via la mise en avant de la place et du rôle des génériques. Par ailleurs, la rationalisation des achats et la maîtrise des dépenses nous permettront de réaliser 650 millions d’euros d’économies à l’hôpital.

Enfin, nous réaliserons le reste des économies – soit un montant comparable à celui des économies accomplies à l’hôpital – dans le domaine de la médecine de ville, grâce à une meilleure organisation des parcours et à la maîtrise médicalisée des dépenses.

Le deuxième axe de la modernisation consiste à diminuer progressivement le reste à charge pour les Français, soit la somme qui demeurera à leur charge après le remboursement de la sécurité sociale et, le cas échéant, des mutuelles.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement n’accepte pas qu’une part croissante de nos concitoyens soit amenée à renoncer à se soigner pour des raisons financières. Il est de notre responsabilité commune de permettre à chacun d’avoir accès à des soins de qualité au tarif opposable.

C’est d’ailleurs le sens de la négociation relative aux dépassements d’honoraires, laquelle a abouti, le 25 octobre dernier, à la signature d’un accord par la majorité des syndicats représentatifs. Grâce à ce dernier, les Français pourront, demain, être mieux soignés, mieux pris en charge et mieux accompagnés.

Tout d’abord, cet accord rend désormais impossibles les dépassements abusifs.

J’interviens à cette tribune alors que certains professionnels de la santé sont aujourd'hui mobilisés…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion