Intervention de Ronan Kerdraon

Réunion du 12 novembre 2012 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2013 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Ronan KerdraonRonan Kerdraon :

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, dans la continuité des propos de M. le rapporteur général, je veux saluer la triple ambition du Gouvernement : protéger les Français, alors que près d’un quart d’entre eux renoncent à se soigner faute de moyens, redresser les comptes de la sécurité sociale et réorganiser le système de protection sociale pour le rendre plus efficient.

Par là même, mesdames les ministres, vous affichez votre volonté d’assurer la pérennité de notre système de soins. La nouvelle majorité a choisi de jouer la carte de la solidarité ; je m’en félicite !

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 marque un effort important, dans un contexte économique et social particulièrement difficile.

Je veux apporter une précision concernant le champ d’activité qui m’a été confié : la loi de financement ne retrace chaque année qu’une partie de l’ensemble des crédits destinés au secteur médico-social, puisqu’il s’agit de l’ONDAM médico-social, c’est-à-dire de la contribution de l’assurance maladie au financement des établissements et services accueillant des personnes âgées et handicapées.

L’ONDAM médico-social affiche une progression plus soutenue que celle de l’ONDAM dans son ensemble et devrait s’établir l’année prochaine à 17, 11 milliards d’euros.

Le secteur médico-social est préservé : les dépenses d’assurance maladie qui lui sont destinées augmentent de 4 % par rapport à l’année 2012. Cette progression est de 4, 6 % dans le secteur des personnes âgées, où l’ONDAM s’élève à 8, 39 milliards d’euros, et de 3, 3 % dans celui des personnes handicapées, où il s’établit à 8, 72 milliards d’euros.

L’objectif global de dépenses, ou OGD, quant à lui, est porté à 18, 25 milliards d’euros, en hausse de 3, 7 % par rapport à 2012.

Sur les 650 millions d’euros de crédits supplémentaires alloués à l’OGD pour l’année 2013, 255 millions d’euros portent sur la reconduction des moyens existants, 147 millions d’euros seront dédiés à la médicalisation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, et 100 millions d’euros à la création de places nouvelles dans le cadre de la poursuite des plans entamés lors des législatures précédentes.

Je me félicite de l’évolution des crédits alloués au secteur, mais je tiens cependant à vous faire partager deux préoccupations.

Ma première préoccupation concerne les mesures, désormais récurrentes, de mise en réserve de crédits.

Conformément à la loi du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, 100 millions d’euros, portant essentiellement sur des aides à l’investissement, ont ainsi été gelés en 2011, puis en 2012, au sein du budget de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

L’an dernier, je m’étais déjà étonné que « le secteur médico-social ait supporté 20 % des mises en réserve de crédits alors qu’il représente moins de 10 % de l’ONDAM ».

J’avais d’ailleurs souligné qu’un tel gel constituait « une entorse au principe de fongibilité asymétrique voulant qu’au sein des enveloppes gérées par les ARS, les crédits médico-sociaux ne puissent être ponctionnés au profit du secteur sanitaire ».

Un premier progrès a été réalisé au titre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Mesdames les ministres, lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, vous avez présenté un amendement prévoyant que les mesures de gel prendront dorénavant la forme de minorations des tarifs, et non plus de mises en réserve de dotations budgétaires.

Tout en saluant cette disposition, qui va dans le bon sens, j’estime toutefois nécessaire d’aller plus loin. Je souhaite que l’ONDAM médico-social soit désormais exonéré de toute participation à la régulation de l’ONDAM dans son ensemble.

Ma seconde préoccupation porte sur la sous-consommation chronique de l’OGD, qui concerne essentiellement le secteur des personnes âgées.

Le bilan d’exécution du budget pour 2011 de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, montre ainsi un pourcentage de réalisation de l’OGD « personnes âgées » de 97, 2 %, soit une sous-consommation de crédits d’environ 245 millions d’euros, et de 270 millions d’euros si l’on prend également en compte les crédits destinés aux personnes handicapées.

Il convient de relever que ce taux est toutefois en amélioration ces deux dernières années, puisqu’il était encore de 90, 6 % en 2007 et de 92, 2 % en 2008.

Mais il est à craindre que cette sous-consommation systématique ne crée une certaine méfiance à l’égard des taux d’augmentation de l’ONDAM et de l’OGD affichés chaque année au moment de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Il serait regrettable que ces hausses finissent par n’être perçues que comme des mesures d’affichage politique, sans retombées pleines et entières sur les structures qui en ont pourtant un besoin crucial.

Depuis plusieurs années, nombreux sont les rapports ou débats qui font apparaître les raisons de cette sous-consommation.

La principale est sans aucun doute la lourdeur de la procédure de délégation des crédits aux ARS, à laquelle on peut ajouter les décalages récurrents dans la réalisation des opérations d’investissement.

Un autre facteur de retard réside dans le processus de médicalisation des EHPAD. Il porte sur le partage, imposé par circulaire, des dépenses relatives aux aides-soignants et aux aides médico-psychologiques entre l’assurance maladie, à hauteur de 70 %, et les départements, à concurrence de 30 %.

Or un tel partage suppose « que toute augmentation des crédits de l’assurance maladie alloués à la médicalisation puisse être complétée au niveau nécessaire par les départements, ce qui, compte tenu de la situation financière de certains d’entre eux, peut s’avérer difficile ».

Seule la publication du décret d’application de l’article L. 314-2 du code de l’action sociale et des familles prévoyant une déconnexion des enveloppes soins et dépendance permettrait de sortir de cette impasse, mais ce texte est attendu depuis 2009…

Je veux également saluer la prolongation du plan Alzheimer, annoncée le 21 septembre dernier par le Président de la République François Hollande. J’observe toutefois que nombreux sont les acteurs du secteur qui regrettent la lourdeur des procédures d’appel à projets et la rigidité des cahiers des charges exigés par les ARS.

J’en viens maintenant à l’examen des principaux articles portant sur le secteur médico-social.

Deux d’entre eux ne lui sont pas directement rattachés, mais jettent les bases de la réforme de la prise en charge de la perte d’autonomie, tant attendue et annoncée pour l’année 2014.

L’article 16 traduit la réelle volonté du Gouvernement de mobiliser dès à présent les ressources nécessaires au financement de cette réforme.

L’article 41, quant à lui, tend à expérimenter de nouveaux modes d’organisation des soins, de façon à améliorer le parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie.

En autorisant des dérogations aux règles de facturation et de tarification pour le parcours de santé dans son ensemble, cette expérimentation devrait contribuer au décloisonnement des secteurs sanitaire et médico-social.

Au sein même du secteur médico-social, des marges de manœuvre existent pour mieux faire travailler entre eux les intervenants auprès des personnes âgées dépendantes.

Pour cette raison, la commission des affaires sociales a adopté un amendement portant article additionnel et tendant à demander au Gouvernement la remise d’un rapport au Parlement sur le dispositif des services polyvalents d’aide et de soins à domicile, les SPASAD. Je remercie Mme la ministre de nous avoir donné son accord tout à l’heure.

Alors que ces structures pourraient être les vecteurs d’une meilleure articulation entre les services intervenant auprès des personnes âgées dépendantes, elles n’ont jusqu’à présent fait l’objet d’aucune évaluation.

L’article 53 a pour objet de limiter à un an le délai dont disposent les établissements accueillant des personnes handicapées et tarifés au prix de journée pour émettre et rectifier leurs données de facturation à l’assurance maladie. Il s’agit d’une mesure technique, et de bonne gestion, destinée à assurer un meilleur suivi de la consommation des crédits alloués à ces établissements.

Cet article a suscité des craintes quant aux difficultés que pourrait soulever son application immédiate.

En effet, pour réceptionner les factures qui leur sont transmises, certaines caisses primaires d’assurance maladie exigent les notifications des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, relatives à la décision d’orientation de la personne accueillie dans l’établissement concerné. Or les délais de notification de ces dernières sont généralement longs, ce qui peut rendre très difficile le respect du délai d’un an.

Devant cette situation, le Gouvernement s’est engagé, à juste titre, à mettre en place des mesures d’accompagnement des établissements et des caisses primaires d’assurance maladie.

Afin de laisser à ces mesures le temps de produire pleinement leurs effets, la commission des affaires sociales a adopté un amendement tendant à reporter du 1er janvier au 1er juillet 2013 la date d’entrée en vigueur de l’article 53.

L’article 55 fixe, pour l’année 2013, le montant du plan d’aide à l’investissement financé par la CNSA à près de 50 millions d’euros. Sur la période 2006-2011, ce sont environ 1, 6 milliard d’euros qui ont été mobilisés pour accompagner 2 296 opérations d’investissement. Cet article permet à la CNSA de continuer dans cette voie, au service de la modernisation des établissements médico-sociaux. Je ne reviendrai pas sur les mesures de gel des crédits évoquées précédemment.

L’article 55 bis, inséré à l’Assemblée nationale sur l’initiative du Gouvernement, instaure un fonds de restructuration de 50 millions d’euros à destination des services d’aide à domicile, les SAAD.

Un premier dispositif doté de 50 millions d’euros a été créé par la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012. Ce montant est destiné à être versé en deux temps, cette année puis en 2013. Au mois de septembre dernier, 576 services d’aide et d’accompagnement à domicile avaient bénéficié de la première tranche.

Contrairement au premier fonds, alimenté à partir du budget de l’État, ce nouveau dispositif sera financé par un prélèvement effectué sur les réserves de la CNSA. Comme en 2012, il donnera lieu à la signature de conventions de financement pluriannuelles devant organiser le retour à l’équilibre pérenne des comptes des services concernés.

Ce fonds est indispensable dans l’attente d’une réforme plus profonde du secteur des SAAD, qui devra notamment porter sur leur tarification.

Or, en même temps qu’elle créait le premier fonds d’urgence, la loi de finances pour 2012 a autorisé des expérimentations sur ce sujet. Plusieurs conseils généraux se sont d’ores et déjà engagés dans de telles démarches ; je pense notamment à celui du Doubs, département cher à notre collègue Claude Jeannerot, ou à celui des Côtes d’Armor, présidé par le président de l’Assemblée des départements de France, M. Claudy Lebreton.

Afin que le nouveau fonds constitue un outil à part entière de restructuration du secteur, la commission des affaires sociales a adopté un amendement prévoyant que les conventions de retour à l’équilibre soient conclues en tenant compte, pour partie, de ces expérimentations.

L’année dernière, j’avais exprimé ma grande déception devant l’abandon du projet de réforme de la prise en charge de la dépendance par le gouvernement précédent, alors même que le débat national organisé au cours du premier semestre de 2011 avait permis de dégager les grandes lignes d’une telle réforme.

Aujourd’hui, je veux dire notre grande satisfaction qu’un projet de loi sur la prise en charge de la perte d’autonomie soit clairement annoncé pour l’année 2014.

Nombreux sont les enjeux, s’agissant notamment du reste à charge pour les personnes âgées dépendantes en établissement ou du vieillissement des personnes handicapées.

L’un d’entre eux me semble devoir être abordé plus spécifiquement dans le cadre de l’examen du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale : celui de la tarification dans les EHPAD.

Aujourd’hui, le processus de tarification au « GIR moyen pondéré soins » est encore loin d’être achevé. La tarification à la ressource prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 reste ineffective, faute de publication du décret nécessaire à sa mise en œuvre.

Enfin, l’expérimentation d’une modulation du forfait soins en fonction d’indicateurs de qualité et d’efficience, inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, demeure au point mort, faute, là encore, de la parution des textes réglementaires indispensables à sa mise en place.

Le sujet est complexe, mais force est de constater que le gouvernement précédent n’a pas fixé de cap clair pour une réforme pourtant essentielle. Ce chantier doit être repris.

Telles sont, mesdames les ministres, mes chers collègues, les observations que voulais vous présenter. §

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