Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames les ministres, mes chers collègues, s’agissant de la branche vieillesse, ce PLFSS s’inscrit clairement dans la continuité des décisions prises l’été dernier avec un double objectif : remédier aux insuffisances des régimes de retraite en matière d’équité et amorcer le redressement de l’assurance vieillesse.
Le décret du 2 juillet 2012 a ainsi élargi aux personnes ayant commencé à travailler avant 20 ans la possibilité de partir à la retraite à 60 ans lorsqu’elles ont cotisé une carrière complète. Il s’agit d’une première mesure de justice ; elle est largement financée.
Parallèlement, dès cette année, grâce à la loi de finances rectificative du 16 août 2012, le déficit du régime général d’assurance vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, sera réduit de près de 1 milliard d’euros par rapport à ce qu’il aurait été en l’absence de mesures correctrices.
Le PLFSS poursuit dans cette voie : l’année prochaine, la branche vieillesse, FSV compris, bénéficiera au total d’environ 7 milliards d’euros de recettes supplémentaires, compte tenu des mesures adoptées au cours de l’été dernier et de celles des lois financières pour 2013.
Ce surcroît de recettes fera plus que compenser la croissance des prestations d’assurance vieillesse, qui restera très soutenue.
Le déficit de la branche retraite, tous régimes de base confondus, sera ainsi ramené à 5, 4 milliards d’euros en 2013, contre 7, 1 milliards d’euros en 2012. Celui du FSV sera réduit à 2, 6 milliards d’euros, contre 4, 1 milliards d’euros en 2012.
Contrairement à l’an passé, où nous avions d’ailleurs manifesté nos inquiétudes à ce sujet, le PLFSS pour 2013 apporte également des réponses aux difficultés financières croissantes d’autres régimes de retraite de base que le régime général. Je pense à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL, à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales, au régime de retraite des exploitants agricoles et au régime spécial de retraite des industries électriques et gazières. Ils se verront attribuer plus de 1 milliard d’euros de recettes supplémentaires en 2013.
En outre, ce PLFSS comporte de nouvelles mesures d’équité en faveur de certains assurés. Il prévoit notamment de renforcer les droits à la retraite des exploitants agricoles qui ont été contraints d’interrompre leur activité pour cause de maladie ou d’infirmité graves. Il améliore aussi les modalités d’attribution des pensions de réversion pour les professions médicales et dans le régime de retraite des marins. Nous pouvons nous en féliciter.
Ces évolutions positives étant soulignées, je souhaite néanmoins formuler trois observations.
La première porte sur les perspectives pluriannuelles de l’assurance vieillesse après 2013.
Contrairement aux effets attendus de la réforme des retraites de 2010, ces perspectives font apparaître une nouvelle détérioration des comptes de la branche à partir de 2014. En l’absence de mesures correctrices nouvelles, les déficits de la branche vieillesse passeraient de 5, 6 milliards d’euros en 2014 à 7, 9 milliards d’euros en 2017 pour l’ensemble des régimes obligatoires de base. En 2017, la branche vieillesse représenterait ainsi plus de 85 % du déficit consolidé de l’ensemble des régimes de base. Le poids des déficits de l’assurance vieillesse mis à la charge de la Caisse d’amortissement de la dette sociale se maintiendrait donc à un niveau très élevé.
Ces perspectives confirment, si besoin était, la nécessité de définir de nouvelles évolutions structurantes pour le retour à l’équilibre des comptes de l’assurance vieillesse. Elles ne préjugent donc pas des décisions qui seront prises à l’issue de la concertation prévue au premier semestre de 2013.
Deuxième observation, la place de la solidarité et le rôle du FSV dans notre système de retraite feront inévitablement partie des thèmes des réflexions qui seront engagées dès le début de l’année prochaine dans la perspective d’une réforme globale.
L’un des objectifs de la constitution du FSV était d’isoler clairement les avantages à caractère non contributif et de leur garantir un financement adapté par des impôts généraux bien identifiés.
Cependant, le FSV a été maintenu dans une situation de déficit durable au cours des dernières années et son financement est devenu à la fois insuffisant, instable et illisible.
Cette situation déstabilise les mécanismes de solidarité mis en place au profit des assurés dont les parcours professionnels sont les moins favorables.
Or, compte tenu des tendances démographiques et économiques, le financement des avantages non contributifs successivement mis à la charge du fonds engendrera des dépenses croissantes au cours des prochaines années. Comme l’a récemment indiqué la Cour des comptes, l’arrivée à l’âge de la retraite d’un nombre croissant de personnes ayant eu des carrières incomplètes pourrait contribuer à augmenter le nombre de personnes éligibles, en particulier, à l’allocation de solidarité aux personnes âgées.
En outre, le FSV a surtout servi à réduire artificiellement les déficits des régimes d’assurance vieillesse, notamment depuis 2011, lorsque lui a été transférée la charge d’une partie des dépenses jusqu’alors engagées par le régime général et les régimes alignés pour le financement du minimum contributif.
Enfin, ma dernière observation porte sur les craintes que nous avions formulées à l’occasion de la réforme des retraites de 2010. Elles se sont, hélas ! confirmées.
Je pense d’abord à la prise en compte de la pénibilité au titre du droit à la retraite. Si l’on en juge d’après le maintien de fortes inégalités d’espérance de vie entre catégories socioprofessionnelles, celle-ci constitue un enjeu de grande importance en matière d’équité.
Cependant, comme nous le redoutions, les critères réglementaires de mise en œuvre de la retraite pour pénibilité se sont révélés trop restrictifs et le nombre de demandes très inférieur aux prévisions. À la mi-octobre, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, recensait moins de 5 500 demandes de retraite pour pénibilité : nous sommes loin – très loin ! – des 30 000 demandes annuelles que prévoyait le précédent gouvernement.
Ensuite, le volet « prévention » de la pénibilité ne donne pas toute satisfaction. L’obligation de négocier des accords de prévention de la pénibilité ne s’applique pas aux entreprises comptant moins de 50 % de leurs effectifs exposés à des facteurs de risque.
Je pense enfin, plus généralement, à la situation des seniors.
Les mesures d’âge contenues dans la réforme de 2010 avaient pour ambition, au-delà de l’objectif de dégager des ressources supplémentaires pour les régimes de retraite, d’améliorer le taux d’emploi des seniors. C’était d’ailleurs l’une des conditions du retour à l’équilibre ; on conviendra qu’elle est loin d’avoir été remplie.
Dans ce contexte, la suppression par le précédent gouvernement de l’allocation équivalent retraite, l’AER, n’a pu qu’accroître les situations de grande précarité parmi les demandeurs d’emploi les plus âgés lorsqu’ils arrivent en fin de droits. Des évolutions devront donc nécessairement intervenir rapidement.
Telles sont, monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, les principales observations sur l’assurance vieillesse que Christiane Demontès, rapporteur, souhaitait formuler à l’occasion de l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. §