Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 12 novembre 2012 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2013 — Discussion d'un projet de loi

Marisol Touraine :

Je voudrais remercier chaleureusement les rapporteurs de leurs observations et de leurs analyses constructives de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

Monsieur Caffet, le Gouvernement partage votre conviction que nous devons faire en sorte que les comptes sociaux s’inscrivent dans la trajectoire de rétablissement des comptes publics que nous avons définie. C’est une démarche exigeante, mais elle n’est nullement contradictoire avec la recherche de la justice. C’est précisément parce que nous voulons mettre l’accent sur la justice et mieux répondre aux attentes que nous sommes particulièrement attentifs à la nature des dépenses engagées. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit tant par M. Caffet que par M. Daudigny sur la nécessité, pour répondre aux nouveaux besoins liés au vieillissement de la population et à l’amélioration des thérapies, de nous montrer extrêmement exigeants à cet égard, étant donné l’évolution spontanée des dépenses, notamment en matière d’assurance maladie. Cela passe par la mise en place de réformes de fond : un certain nombre d’entre elles sont prévues dans le présent PLFSS, d’autres ont été annoncées, s’agissant notamment des retraites.

Monsieur Daudigny, vous avez dit à juste titre que le déficit des comptes sociaux est une anomalie et qu’il est difficilement explicable et justifiable que nous transmettions aux générations futures une dette tenant au fonctionnement de notre sécurité sociale.

Ces propos, que vous aviez d’ailleurs déjà tenus dans cette enceinte l’année dernière, ont été entendus par le Gouvernement. En effet, les mesures du « contre-PLFSS » que vous aviez présenté à l’époque ont inspiré, je tiens à le dire, la loi de finances rectificative de cet été : je pense en particulier à la suppression des exonérations pour les heures supplémentaires, à l’augmentation du forfait social ou encore au renforcement de la taxation des stock-options.

Nous nous sommes également inspirés de vos propositions de l’an passé pour ce qui concerne l’intégration dans l’assiette des cotisations d’une partie des dividendes que peuvent se verser les travailleurs indépendants installés en société. Cette mesure est inscrite dans le présent PLFSS.

Enfin, nous avons aussi tenu compte des préconisations que vous aviez formulées, dans le cadre d’un rapport de la MECSS, sur l’évolution nécessaire du financement de l’hôpital. Les travaux que mène le Sénat sont donc pris en compte par le Gouvernement avec une attention particulière.

Nous aurons l’occasion de revenir, dans la suite de la discussion, sur l’intérêt présenté par la mise en place d’une fiscalité comportementale. Vous avez marqué votre préoccupation en la matière. Il nous faudra déterminer comment mettre en œuvre de telles politiques de santé publique, mais nous partageons la volonté de faire en sorte que les mesures financières du PLFSS s’inscrivent dans cette perspective : il n’y a pas, d’un côté, le financement, et, de l’autre, la santé publique ; les deux dimensions sont liées.

Monsieur le rapporteur général, vous avez consacré de longs développements à la politique du médicament, qui représente en effet un enjeu important. À cet égard, je partage votre sentiment : nous devrons simplifier les dispositifs de taxes et de prélèvements, car ils sont peu lisibles et peu compréhensibles, tant pour les assurés que pour les entreprises. Pour autant, vous le savez, un certain nombre de rapports de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et de l’Inspection générale des finances, l’IGF, indiquent qu’il existe des marges de manœuvre en matière de médicament et de biologie. Il s’agit simplement de les utiliser efficacement.

Je fais mienne l’analyse selon laquelle l’industrie pharmaceutique représente un atout pour notre pays. Elle constitue une source de développement et de croissance tout à fait importante. Je ne trahirai aucun secret en disant que les responsables mêmes de ce secteur économique estiment qu’il est temps de s’engager de manière plus résolue dans l’exploration de nouvelles perspectives, notamment en matière de biomédicaments. On ne peut pas en rester au développement des médicaments « classiques », il faut défricher de nouveaux territoires, à l’instar d’autres pays qui ont pris de l’avance sur nous dans ce domaine. Il s’agit là d’un enjeu majeur au regard de notre capacité de développement. À nos yeux, la compétitivité des laboratoires pharmaceutiques repose non pas uniquement sur les tarifs de remboursement, mais aussi sur leur capacité d’innovation et de recherche. Ce n’est pas en maintenant artificiellement des prix élevés pour des médicaments anciens qui rencontrent beaucoup de succès auprès des malades que nous garantirons dans la durée le maintien de la compétitivité de ce secteur.

Je ne reviens pas sur vos propos tout à fait pertinents sur la structure des prescriptions. Il est vrai qu’existe en la matière une spécificité française, sur laquelle il va nous falloir nous pencher. L’encadrement de la visite médicale et de la publicité, la modification des pratiques de prescription, la prescription selon la DCI sont pour nous des éléments à promouvoir, de même, évidemment, que la politique de substitution de médicaments génériques.

J’ai volontairement laissé de côté, dans mon propos liminaire, la problématique de la promotion, mais une question spécifique m’ayant été posée sur le sujet, j’indique que la taxe sur la promotion, telle qu’elle a été présentée par les députés, a pour objet de contribuer à la régulation de la prescription en modérant les dépenses de promotion de l’industrie pharmaceutique. Elle concerne donc exclusivement les médicaments et dispositifs médicaux remboursables.

Dans ce contexte, lorsque les laboratoires prennent en charge des frais de congrès, il est difficile de considérer que ces dépenses n’ont pas un caractère promotionnel, au moins en partie. En effet, ces manifestations sont des occasions privilégiées pour mettre en œuvre des politiques de promotion de certains dispositifs ou médicaments. Pour autant, il ne s’agit pas de prendre en compte l’ensemble des frais de congrès au titre de la promotion : ils ne le seront qu’à hauteur de 50%. Ainsi, par le jeu des abattements divers et variés prévus par le texte, la taxe sur la promotion n’aura qu’une incidence limitée, voire nulle, pour les petites et moyennes entreprises, particulièrement actives dans le secteur des dispositifs médicaux. D’après les simulations que nous avons réalisées à la suite du dépôt de l’amendement correspondant à l’Assemblée nationale, l’impact financier de l’intégration partielle des frais de congrès aux dépenses de promotion serait d’un peu moins de 10 millions d’euros. Si une telle mesure pouvait contribuer à réorienter les financements des entreprises pharmaceutiques vers la recherche et l’innovation, plutôt que vers la promotion, nous en serions bien évidemment satisfaits. Le montant en jeu est limité, mais il n’est pas insignifiant. Il est notamment prévu que cette somme vienne abonder un fonds permettant de financer les associations œuvrant en faveur de la démocratie sanitaire, c’est-à-dire, pour employer un vocabulaire compréhensible de tous, de la défense des droits des malades. Cela ne nous paraît pas inintéressant ; c’est la raison pour laquelle le Gouvernement a émis un avis favorable sur cet amendement d’origine parlementaire à l’Assemblée nationale.

Je le répète, j’ai la volonté de simplifier les taxes pesant sur les laboratoires pharmaceutiques. Nous avons engagé une étude sur ce point, des rapports ayant été demandés à l’IGAS et à l’IGF. Ils nous permettront de rendre plus lisible un dispositif qui apparaît pour l’heure un peu obscur.

Je veux indiquer à M. Kerdraon que j’ai été évidemment très sensible à l’appréciation d’ensemble qu’il a portée sur le volet médico-social de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui marque un engagement important, avec 650 millions d’euros de crédits supplémentaires et un taux d’évolution du sous-ONDAM maintenu à 4 %, mais qui est en réalité supérieur, compte tenu des compléments apportés.

J’ai bien entendu son observation sur la prise en compte de l’accompagnement du vieillissement de certaines catégories de la population et les difficultés que rencontreraient des associations assurant la prise en charge, notamment, des malades atteints d’Alzheimer et de leurs familles, qui ont le sentiment d’être confrontées à des procédures d’appel d’offres trop lourdes de la part des agences régionales de santé. Dans le cadre de la mise en place du prochain plan Alzheimer, lequel sera en réalité étendu à l’ensemble des maladies neurodégénératives, il est prévu une évaluation non seulement sur le fond, mais aussi sur la forme, afin de déterminer quelles mesures ont bien fonctionné, quels lieux d’accueil, quelles structures, quels dispositifs donnent satisfaction, comment faciliter la relation avec l’administration et valoriser les démarches qui sont efficaces, plutôt que d’en rester à une approche strictement administrative.

De manière générale, je souhaite que les agences régionales de santé puissent simplifier leur manière de travailler en relation avec les acteurs locaux. Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué les associations, mais je pourrais également parler des élus locaux, car je crois qu’on ne peut pas mener de politique territoriale sans lien fort avec l’ensemble des acteurs de terrain, c’est-à-dire les élus locaux, les associations, les représentants des patients dans les territoires, les établissements de santé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion