Ces deux dernières années, j’avais présenté, comme l’ancien rapporteur général Alain Vasselle, un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoyant une majoration de la CSG. Vous aviez, à l’époque, soutenu cette proposition, monsieur Daudigny. La CSG est, en effet, un impôt à très large assiette. Pourquoi ne pas avoir proposé son relèvement cette année, au lieu de cibler les retraités ou de taxer les buveurs de bière sous prétexte de santé publique ?
Le rapport Gallois a préconisé un choc de compétitivité à concurrence de 30 milliards d’euros, reposant sur une baisse des cotisations patronales et salariales, compensée par une hausse de deux points de la CSG. Vous faites le choix d’un crédit d’impôt et d’une hausse de la TVA : c’est à n’y rien comprendre, quand on sait que vous aviez crié haro sur la TVA « compétitivité » mise en place par Nicolas Sarkozy et que ce fut la première mesure que vous avez abrogée en arrivant au pouvoir !
Je ne vois pas de cap bien défini dans votre projet. Comment comptez-vous résoudre le problème de l’évolution des dépenses de santé, inéluctablement plus rapide que la progression du PIB ? Quelles décisions allez-vous prendre en matière de retraites face à l’allongement de la vie ? Quelle politique familiale allez-vous, très précisément, mettre en œuvre ? Quelle politique de santé allez-vous mener en termes d’accès aux soins ?
Autant de questions pour lesquelles je ne vois pas, pour l’instant, se dessiner de réponses tangibles dans ce PLFSS. Vous condamnez ce qui a été fait par le passé dans la première et la deuxième partie de celui-ci, mais vous utilisez les mêmes recettes dans la troisième ! Quant à la quatrième partie, pour m’en tenir essentiellement à la branche maladie, elle n’effleure même pas un certain nombre de problèmes, comme ceux des coopérations et complémentarités hospitalières ou du reste à charge des patients.
Après les 7, 2 milliards d’euros d’impôts nouveaux instaurés par la loi de finances rectificative, les quelque 20 milliards d’euros d’impôts supplémentaires inscrits dans le projet de loi de finances pour 2013, vous poursuivez dans la même voie en prévoyant, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, une augmentation des recettes à hauteur de 3, 4 milliards d’euros.
En matière de dépenses, disons-le, il n’y a en revanche rien de nouveau, si ce n’est un coup d’arrêt porté aux réformes structurelles engagées par la précédente majorité, avec la fin de la convergence tarifaire entre le public et le privé prévue par la loi HPST ou le report de l’application de la T2A.
Certes, la convergence tarifaire ne saurait être érigée en dogme, mais on ne peut ignorer le fait qu’une appendicectomie coûte jusqu’à quatre fois plus cher dans un centre hospitalier universitaire que dans une clinique. Je vous l’accorde, la comparaison est complexe, puisque les groupes homogènes de séjour, les GHS, en clinique, ne couvrent pas les honoraires, et qu’il existe des variantes dans les modes de prise en charge, mais ce revirement me paraît essentiellement politique.
Je m’interroge également sur l’opportunité de suspendre le passage à la T2A pour les hôpitaux locaux et les soins de suite et de réadaptation, aujourd’hui très coûteux dans le cadre d’un ONDAM fermé.
Par ailleurs, quelles sont les orientations du Gouvernement en matière de restructurations hospitalières ? Il s’agit non pas d’opérer des fusions ou des restructurations pour elles-mêmes, mais de mieux coordonner l’offre hospitalière sur la base d’un diagnostic de l’état sanitaire d’un territoire et, surtout, d’une exigence : la sécurité et la qualité des soins.
L’accident dramatique et regrettable survenu dans le Lot a relancé le débat autour des fermetures de maternités ou de services de chirurgie de proximité, mais nos concitoyens sont-ils prêts à accepter les risques liés au manque de pratique des médecins qui y exercent ou au manque d’équipements de pointe ?
La restructuration des hôpitaux permet une meilleure spécialisation, gage d’une sécurité accrue des soins. J’ajouterai que l’hôpital n’a pas vocation à être un lieu où convergeraient, par défaut, tous les problèmes, y compris sociaux, qui ne peuvent pas trouver de solution ou de réponse organisée. L’hôpital moderne est là pour fournir, au bon moment, un apport puissant de compétences cliniques et techniques.
Nos collègues Le Menn et Milon, dans leur rapport sur le financement des hôpitaux, ont proposé une tarification au parcours ; c’est une notion intéressante. Avec le développement des pathologies chroniques, qui représentent plus de 60 % des dépenses de santé, nous aurions sûrement intérêt à trouver un mode de tarification incitant à une prise en charge plus transversale entre l’hôpital, les soins de ville et le secteur médico-social, appuyée sur des formes d’exercice pluri-appartenantes et pluri-professionnelles.
Vous mettez en œuvre une expérimentation sur le parcours de santé des personnes âgées. Elle est bienvenue ; sans doute gagnerait-elle à être étendue à tous les patients.
Quant aux rémunérations forfaitaires que vous proposez pour la médecine de ville, je ne sais quoi en penser. Elles conduisent inéluctablement à réduire le système français de rémunération à l’acte qui a fait la qualité et la renommée de cette médecine. Plutôt que de réactualiser les cotations de certains actes ou consultations, notamment en chirurgie, vous préférez fonctionnariser la médecine.
Enfin, concernant l’ONDAM, vous proposez une augmentation de 2, 7 %, finalement proche de celles que vous aviez dénoncées ces dernières années. Pour contenir cette évolution tendancielle, vous ciblez essentiellement les soins de ville. Il y a, certes, des abus dans le secteur ambulatoire, dans le transport sanitaire, mais je crois qu’il y a aussi des marges d’économies dans le secteur hospitalier.
Pour conclure, je dirais que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale passe à côté de l’essentiel du sujet, qui est de mobiliser les assurés sociaux et les acteurs professionnels autour de réformes partagées. Vous leur demandez des efforts ; encore faut-il leur expliquer vers quels résultats tendent ces efforts. §