Intervention de Alain Milon

Réunion du 12 novembre 2012 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2013 — Discussion générale

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale est sans doute le moment le plus important de notre session parlementaire en matière de définition de notre protection sociale et de détermination de son financement. Malheureusement, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 proposé par le Gouvernement est à l’image du projet de loi de finances pour 2013, c’est-à-dire bien léger : il prévoit peu de mesures structurantes et de nombreuses hausses des prélèvements.

À l’origine de ce projet de loi, il y a une utopie ou une tromperie, celle des hypothèses de croissance et des prévisions de recettes. Alors que le contexte économique actuel est particulièrement morose pour la France et pour l’économie européenne, le Gouvernement s’appuie sur des hypothèses macroéconomiques irréalistes, voire fausses. Il prévoit ainsi pour l’année 2013 une augmentation de 0, 8 % du PIB et une hausse de la masse salariale de 2, 3 %. Pour mémoire, la plupart des économistes font aujourd’hui des prévisions sensiblement inférieures, entre 0, 2 % et 0, 6 % de croissance pour 2013.

Par ailleurs, le projet de loi qui nous est présenté prévoit de fixer l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, à 2, 7 %. Cette orientation nous semble non seulement contraire aux recommandations de la Cour des comptes, qui préconisait de s’en tenir à 2, 5 % – cela aurait permis de respecter cet indicateur, comme c’est le cas depuis deux ans –, mais aussi aux engagements internationaux de la France, notamment au traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, que nous avons ratifié voilà quelques jours et qui nous incite à maîtriser nos dépenses publiques. Ce n’est pas dans de telles conditions que nous pourrons réduire le déficit de la France à 3 % de notre PIB !

Ce projet de loi manque d’une vision d’ensemble, d’une ligne cohérente qui en ferait l’acte fondateur de mise en œuvre de la solidarité nationale émanant d’un gouvernement en fonction depuis six mois. Il pouvait être l’occasion d’engager des réformes structurelles sur le plan tant du financement que du fonctionnement de la sécurité sociale. Au lieu de quoi, ce texte est dépourvu de ligne directrice.

Vous êtes rattrapés, sinon débordés, par l’urgence et la gravité de la situation économique du pays. Il ne faut plus « prendre le temps de décider », comme le disait le Président de la République en septembre dernier ; il faut agir pour conjuguer la compétitivité des entreprises et la protection de notre modèle social, dont M. Hollande reconnaissait l’importance dans son discours d’ouverture de la conférence sociale de juillet dernier.

Vous avez attendu le rapport sur la compétitivité de M. Gallois, tout en précisant que celui-ci n’engagerait que son auteur… Et tandis que vous vous apprêtiez à faire tomber, au travers du projet de loi de finances pour 2013, une pluie d’impôts sur les entreprises et les épargnants sans véritablement réduire la dépense publique, voilà que vous prenez la direction opposée en reconnaissant enfin que le coût du travail pose un problème. Or il n’est pas possible, dans la période que nous traversons, de faire preuve d’hésitation et d’approximation.

Je rappelle que, selon un rapport du Trésor de 2011, les cotisations sociales patronales représentent 43, 75 % du salaire brut en France, c’est-à-dire plus du double de ce qu’elles coûtent en Allemagne, soit 21, 03 %, et que le financement de la protection sociale repose à 53 % sur les salaires en France, contre 47 % en Allemagne où la fiscalité, notamment la TVA, est plus importante.

Je rappelle encore que les taux de chômage et de croissance sont incomparablement plus favorables en Allemagne qu’en France, et que nous aurions grand tort de ne pas nous inspirer de solutions qui ont fait leurs preuves à l’étranger.

En décidant d’instaurer la TVA sociale, le gouvernement précédent voulait mettre à contribution les importations qui font concurrence aux produits français du fait d’une main-d’œuvre à bon marché. Un de vos tout premiers réflexes a été de la supprimer, sans rien prévoir pour la remplacer. Vous voilà donc bien embarrassés : vous savez qu’il s’agissait d’une bonne mesure, mais vous ne pouvez pas la réintroduire sans vous ridiculiser. Alors, vous faites appel à M. Gallois pour trouver des solutions alternatives, des mesures qui auraient les mêmes effets que la TVA sociale, sans qu’il s’agisse pour autant de la TVA sociale.

Qu’est-ce que cela donne ? Manifestement peu préoccupé par la cohérence de son action, le Gouvernement renonce au choc de compétitivité proposé dans ce rapport et nous propose, à la place, une mesure technocratique de crédit d’impôt dont les premiers effets n’interviendront qu’à partir de 2014. Dans une démonstration éclatante de ses propres contradictions, il assure le financement de cette mesure par une hausse de la TVA, alors que le candidat Hollande disait de la TVA sociale proposée par le précédent gouvernement qu’elle était injuste, inefficace et même inconséquente sur le plan du soutien de l’activité économique.

Il n’est pas sûr que la hausse que vous nous proposez soit meilleure puisqu’elle est générale et pénalise des secteurs économiques sensibles, alors que notre TVA sociale était ciblée sur les importations concurrentes des produits français.

Les Français jugeront.

Les Français, justement, que voient-ils ?

Rien, car le Gouvernement refuse de s’aider de tous les travaux menés par le gouvernement et la législature précédents.

Rien, car le Gouvernement perd du temps en missions et commissions diverses alors que les décisions doivent être prises immédiatement.

Rien, car le Gouvernement leur expose ses contradictions. Il parle de concertation à qui veut l’entendre, mais défend un projet de loi qui, je le rappelle, a recueilli les avis défavorables de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, de la Caisse nationale des allocations familiales, de la Caisse nationale d’assurance vieillesse et de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale.

Ce PLFSS ne prévoit aucune réforme structurelle et abandonne celles qui, mises en place précédemment, étaient en mesure d’assainir durablement les comptes de la sécurité sociale.

En l’absence de propositions concrètes pour une réforme en profondeur de la sécurité sociale, le Gouvernement fait le choix du dogmatisme fiscal, celui du « tout impôt ».

Les taxes inscrites à hauteur de 3, 4 milliards d’euros sont économiquement néfastes. En effet, leur disproportion par rapport au faible effort d’économies prévu est de nature à peser très lourdement sur l’ensemble des Français, sur le travail et sur l’économie. Elles ne permettront pas de réaliser dans de bonnes conditions l’équilibre des comptes publics et pourraient même le compromettre en décourageant l’activité.

Je rappelle que la Cour des comptes, dans un rapport dont vous n’avez, là non plus, pas tenu compte, avait suggéré un partage 50/50 entre augmentations des recettes fiscales et économies dans la dépense publique.

À ces préconisations de bon sens, vous préférez une avalanche de taxes. Certaines, en particulier, ont pour effet d’augmenter le coût du travail et portent donc préjudice au financement de la sécurité sociale, que vous prétendez pourtant protéger.

Au-delà, au travers des mesures que vous prenez, vous pointez un doigt injustement accusateur sur les citoyens français concernés par des situations particulières.

Il s’agit des entrepreneurs, dont les cotisations vont augmenter de 2 % à 3 %, même sous le régime d’auto-entrepreneur, qui encourage l’initiative individuelle et nourrit la croissance.

Il s’agit des travailleurs indépendants, commerçants, artisans et professions libérales, sur qui vous allez faire peser une hausse des cotisations de 1, 3 milliard d’euros, au risque de décourager l’accès aux professions de l’artisanat.

Il s’agit aussi, au risque de développer le travail clandestin, des particuliers employeurs, qui ne pourront plus déclarer qu’au réel leur employé, dans les secteurs tant de l’aide à domicile que des services à la personne.

Il s’agit enfin de l’industrie pharmaceutique, qui fait partie des domaines d’excellence de l’industrie française et à laquelle vous allez faire payer 1 milliard d’euros de taxes supplémentaires.

Nous aurons, évidemment, l’occasion de revenir sur ces mesures au cours de l’examen des articles et de la défense de nos amendements.

J’en viens à la branche maladie.

Dans ce domaine comme dans les autres, je ne peux qu’exprimer mon incrédulité en constatant l’absence de toute ligne cohérente dans les dispositions proposées. Au lieu de poursuivre l’effort de réforme engagé par le gouvernement précédent, vous supprimez des mesures majeures sans prévoir la moindre réforme structurelle. L’abrogation du secteur optionnel, par l’article 42 du projet de loi, constitue à cet égard une illustration sans équivoque.

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