Intervention de Alain Milon

Réunion du 12 novembre 2012 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2013 — Discussion générale

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Le Gouvernement a qualifié d’« historique » l’accord sur les dépassements d’honoraires, accord qui revient en fait à conserver un secteur optionnel qui ne dit pas son nom.

Comme, dans votre majorité, des voix se sont élevées pour critiquer cet accord, vous avez accepté un amendement à l’Assemblée nationale pour limiter l’exercice libéral à l’hôpital sans aucune concertation avec les syndicats de médecins hospitaliers. Or vous avez confié, il y a tout juste un mois, une mission à Dominique Laurent, membre du Conseil d’État, afin d’examiner le cadre dans lequel se pratiquent les dépassements d’honoraires à l’hôpital public.

La « logique » suivie est la même que celle qui est à l’œuvre pour le rapport Gallois : pour donner des gages à vos amis politiques, vous interdisez ou réfutez par avance des mesures utiles uniquement parce qu’elles vous ont été proposées ou pourraient l’être !

En matière d’accès aux soins sur l’ensemble du territoire, nous sommes tous d’accord sur le constat : dans certaines zones, obtenir un rendez-vous avec un spécialiste peut prendre des mois, et seul un généraliste sur trois partant à la retraite trouve un remplaçant.

Vous proposez la création d’un praticien local de médecine générale pour lutter contre la désertification médicale. Nous nous interrogeons sur la mise en œuvre de cette proposition : quels critères permettront précisément de mesurer l’insuffisance d’offre médicale ? Pouvez-vous nous donner une carte précise des zones concernées ?

En outre, il nous semble prématuré de créer une nouvelle incitation à l’installation alors que l’ensemble des mesures existantes n’est pas encore connu par la grande majorité des internes

Qui plus est, vous ne tenez pas compte des travaux de la Haute Assemblée et de sa commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire. En effet, un groupe de travail sur la présence médicale sur l’ensemble du territoire a été mis en place depuis le mois de juin dernier et doit rendre ses conclusions, à propos des « déserts médicaux » notamment, au début de l’année prochaine.

Je tiens à souligner que l’Association nationale des étudiants en médecine de France, qui a été auditionnée dans ce cadre, a rappelé l’inefficacité des mesures coercitives et la nécessité du développement de structures pluridisciplinaires, comme les maisons de santé.

En revanche, nous soutenons l’élargissement du contrat d’engagement de service public, mis en place en 2009, sous le gouvernement précédent, à d’autres professionnels de santé, notamment aux chirurgiens-dentistes.

Concernant l’hôpital, nous vous rejoignons sur la suppression de la convergence tarifaire, même si nous préférerions parler de suspension plutôt que d’abrogation pour suivre les recommandations du rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, sur le financement des établissements de santé, rapport que j’ai eu l’honneur de présenter avec mon collègue Jacky Le Menn.

En effet, la mise en place d’une tarification liée à l’acte thérapeutique pratiqué conduit, instinctivement, à l’idée que le financement doit être égal quels que soient le lieu ou les modalités d’exercice, l’acte étant censé être le même et le patient soigné de manière identique. Or des différences fondamentales existent, entre l’ensemble des établissements de santé en France, en ce qui concerne les modes de prise en charge, les contraintes d’organisation, le coût des personnels ou encore la capacité à programmer l’activité.

Mon collègue René-Paul Savary interviendra plus particulièrement sur le volet médico-social, mais je souhaite d’ores et déjà indiquer que nous présenterons un amendement visant à suspendre la convergence tarifaire jusqu’en 2018.

Je précise que nous avions déposé un amendement ayant pour objet la suppression de la convergence tarifaire dans le médico-social, notamment dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ainsi que dans les unités de soins de longue durée, et j’aurais aimé connaître l’avis de Mme Touraine sur celui-ci puisqu’elle avait déposé un amendement à l’objet identique l’an dernier à l’Assemblée nationale. Malheureusement, notre amendement a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution…

Je souhaite réaffirmer que l’instauration, par le précédent gouvernement, du jour de carence sur les arrêts maladie à l’hôpital ne doit pas être remise en cause. En effet, avec la diminution de l’absentéisme de courte durée, et donc une meilleure organisation du travail pour les personnels, cette réforme a atteint son objectif : une meilleure qualité de soins. Elle a en outre permis aux établissements de faire des économies, que la Fédération hospitalière de France estime entre 60 millions et 75 millions d’euros.

En revanche, nous sommes opposés à l’article 43 ter sur les modes de facturation des actes de biologie médicale à l’hôpital. Cet article prévoit de revenir à une facturation par les laboratoires de « seconde intention », c’est-à-dire, pour l’essentiel, les laboratoires de biologie médicale des CHU effectuant pour l’extérieur des analyses très spécialisées, généralement cotées en B hors nomenclature, directement auprès des patients.

Cette disposition réintroduit un déséquilibre public-privé du fait des règles de facturation imposées aux hôpitaux et de l’éloignement vis-à-vis du patient. En outre, elle est en contradiction avec l’esprit de l’ordonnance Ballereau, qui prévoit un dossier biologique unique sous la responsabilité du laboratoire de biologie médicale préleveur.

Je veux par ailleurs vous alerter, mesdames les ministres : le service de médecine de l’adolescent du CHU de Bicêtre, reconnu nationalement et internationalement, est menacé par le départ de son chef de service et par un nouveau projet de spécialité médicale qui pourrait porter préjudice à sa spécificité.

Cet exemple concret renvoie plus généralement à la question de l’approche particulière qui doit prévaloir quant à la santé des adolescents. Aussi pouvez-vous nous donner de plus amples informations sur les projets concernant le service de la médecine de l’adolescent du CHU de Bicêtre et nous rassurer quant à la préservation de ce type d’approche médicale ?

Je souhaite également vous alerter à propos d’un projet de décret résultant de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

Il reste essentiel que, conformément à ce que nous avions voté, les Français soient bien informés en matière de liens d’intérêt entre les médecins et des laboratoires pharmaceutiques. Or le Gouvernement prépare, semble-t-il, un projet de décret qui va à l’encontre de cette nécessaire information des patients. Malgré la volonté claire du législateur, ce projet de décret ne met en effet pas en œuvre l’obligation pour les industriels de transmettre toutes les conventions conclues avec les médecins, en particulier les contrats d’experts et d’orateurs.

Dans ces conditions, comment le Gouvernement compte-t-il encourager la transparence voulue par le législateur et donner à l’Ordre des médecins les moyens d’accomplir sa mission de contrôle ?

Enfin, le Gouvernement a sans doute été interpellé par les professionnels de la biologie médicale !

Ceux-ci nous ont fait part de leur inquiétude face à la baisse des tarifs de la biologie médicale, que le PLFSS entend imposer pour la septième année consécutive. Ces dispositions ne sont pas de nature à rassurer les laboratoires de petite taille, notamment dans des zones de faible démographie médicale. Je rappelle qu’en France les laboratoires de biologie médicale emploient 45 000 personnes réparties sur 4 000 sites.

Il conviendrait plutôt de prendre en compte le coût réel des laboratoires et de renforcer leur rôle dans la prévention de façon à mieux informer les patients et à réaliser des économies pour le système de santé. Il nous semble nécessaire de raisonner sur l’ensemble de la chaîne médicale, sans se limiter au strict point de vue comptable.

Pour conclure, je veux dire que cette préoccupation comptable est la seule à l’œuvre dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont ne se dégage aucune vision d’ensemble non plus qu’aucune mesure d’envergure ; en ressort uniquement l’obsession de limiter le déficit en recourant au matraquage fiscal.

Les médecins hospitaliers sont mécontents, les biologistes furieux, l’industrie du médicament est étranglée par les taxes et annonce des plans sociaux. C’est ainsi que vous réussissez l’exploit de vous mettre à dos toutes les catégories professionnelles en lien avec la protection sociale !

Qui plus est, vous n’êtes même pas sûrs de pouvoir vous rapprocher de l’équilibre tant toutes ces nouvelles taxes pourraient être contre-productives. Élargissement du forfait social, augmentation des cotisations sociales, hausse des cotisations des travailleurs indépendants, toutes les forces vives du pays vont y passer, et cela en pure perte ! En imposant aux artisans, aux commerçants et aux professions libérales plus de 1 milliard d’euros de cotisations supplémentaires en 2013, …

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