Intervention de Henri de Raincourt

Réunion du 25 février 2010 à 14h30
Récidive criminelle — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est soumis a pour objectif d’amoindrir le risque de récidive criminelle.

Ce projet de loi, qui a été l’objet de débats denses, est l’aboutissement d’un travail parlementaire très constructif. À cet égard, je salue la qualité du travail réalisé par le Sénat, qui a permis d’aboutir à un texte équilibré, notamment pour ce qui concerne les seuils de peine pour un placement sous surveillance judiciaire et sous surveillance de sûreté. Je tiens tout particulièrement à remercier le président de la commission des lois et le rapporteur de leur contribution appliquée à l’élaboration d’un texte commun à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Le projet de loi répond à une double finalité.

Premièrement, il s’agit de compléter, après la décision du Conseil constitutionnel, la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Le rapport du Premier président de la Cour de cassation, M. Vincent Lamanda, a permis d’identifier des pistes d’amélioration du dispositif, qui ont été intégrées.

Deuxièmement, il s’agit de renforcer la protection de nos concitoyens contre les criminels dangereux.

Face aux risques que font peser certains criminels, nos compatriotes attendent de l’État qu’il sache aussi les protéger. C’est ainsi que le texte prévoit des réponses ciblées pour certains criminels qui présentent un risque grave de récidive. Il faut réduire leur dangerosité, non seulement pour autrui, bien sûr, mais aussi pour eux-mêmes.

Le Gouvernement estime que ce projet de loi répond pleinement à ces objectifs.

Ce texte, outre le fait qu’il consolide les mesures de sûreté prévues dans la loi du 25 février 2008 et garantit un meilleur suivi des criminels dangereux en dehors de la prison, a été enrichi par le travail parlementaire, qui nous a permis d’aboutir à un dispositif équilibré.

Le projet de loi garantit l’effectivité des mesures de sûreté et assure un meilleur suivi des criminels dangereux.

Il transpose dans la loi les préconisations du rapport du Premier président de la Cour de cassation pour satisfaire deux objectifs : clarifier les conditions de placement en rétention de sûreté et renforcer l’efficacité des mesures de surveillance de sûreté.

Le placement en rétention de sûreté supposera que l’intéressé ait été en mesure de bénéficier, pendant sa détention, d’une prise en charge médicale, sociale ou psychologique adaptée. La mesure de rétention de sûreté n’interviendra que dans le cas où un renforcement des mesures de surveillance apparaîtra insuffisant pour prévenir la récidive.

L’aide juridique sera garantie aux personnes placées en rétention de sûreté ; ces dernières pourront ainsi bénéficier de l’assistance d’un avocat.

Au demeurant, les possibilités de placement sous surveillance de sûreté seront étendues. Ainsi, la surveillance de sûreté pourra intervenir à l’issue d’une surveillance judiciaire ayant accompagné une libération anticipée ou directement à la sortie de prison.

Si une personne est condamnée à une peine de prison pendant l’exécution des mesures de surveillance ou de rétention, celles-ci ne seront que suspendues, et pourront reprendre leur cours à l’issue de l’exécution de la peine.

Des personnes remises en liberté dans l’attente d’une procédure de révision pourront également être placées sous surveillance de sûreté.

De nouvelles mesures nous permettront d’aller plus loin dans le suivi des criminels dangereux. Plusieurs dispositions du texte vont dans ce sens.

Ainsi, le projet de loi renforce le suivi médico-judiciaire des délinquants et criminels sexuels.

Si, dans le cadre du suivi socio-judiciaire, le condamné est soumis à une injonction de soins, tout refus du traitement anti-libido pourra conduire à une réponse immédiate.

Le non-respect de l’injonction de soins pourra être sanctionné soit par l’incarcération, si la personne exécute sa peine en milieu ouvert ou si elle est sous surveillance judiciaire, soit par le placement en rétention de sûreté, si elle est sous surveillance de sûreté.

Le projet de loi garantit également une meilleure protection des victimes.

Aujourd’hui, quand les services de police ou de gendarmerie constatent la violation d’une interdiction de s’approcher de la victime, ils n’ont aucun moyen légal pour intervenir. Avec cette nouvelle loi, il leur sera permis d’interpeller l’intéressé et, si le juge de l’application des peines l’estime nécessaire, de le déférer devant celui-ci éventuellement aux fins d’incarcération.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les débats parlementaires et l’examen du texte en commission mixte paritaire ont permis d’aboutir à un texte tout à fait équilibré ; c’est en tout cas l’opinion du Gouvernement : l’Assemblée nationale et le Sénat ont amélioré le projet de loi en y ajoutant des dispositions novatrices ; des solutions équilibrées ont été confirmées par la commission mixte paritaire.

L’Assemblée nationale a d’abord enrichi le texte de nouvelles dispositions.

Pour renforcer l’efficacité du travail des policiers et des gendarmes, le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles a été modernisé par une interconnexion avec le fichier des personnes recherchées.

Renforcer l’information des magistrats améliorera ainsi le traitement judiciaire des criminels dangereux.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a également adopté un amendement créant un dossier unique de personnalité comprenant l’ensemble des expertises psychiatriques, psychologiques et autres enquêtes sociales réalisées dans le cadre d’une procédure pénale ou lors de l’exécution d’une mesure de sûreté.

De même, les mesures de sûreté et les décisions de surveillance judiciaire seront inscrites au casier judiciaire. L’autorité judiciaire doit avoir connaissance de ces éléments lorsqu’elle poursuit ou juge une personne qui a fait l’objet d’une telle mesure.

L’examen du texte au Sénat et en commission mixte paritaire a, en outre, permis d’aboutir à l’élaboration de ce bon texte.

L’information des services enquêteurs a tout d’abord été renforcée.

En effet, la première des mesures de prévention contre la récidive, c’est de savoir où se trouvent les sortants de prison. Les assemblées ont prévu la communication aux services de police et de gendarmerie de l’identité et de l’adresse des criminels dangereux sortant de prison. Après débats, c’est le seuil de trois ans d’emprisonnement prononcé qui a été choisi pour permettre cette communication, ce qui, à nos yeux, constitue un point d’équilibre satisfaisant.

Par ailleurs, l’information du juge de l’application des peines sera assurée par une meilleure circulation de l’information : le médecin traitant informera de l’arrêt d’un traitement le médecin coordonnateur, qui lui-même avertira la juge, lequel en tirera toutes les conséquences. En cas d’indisponibilité du médecin coordonnateur, le médecin traitant pourra informer directement le juge de l’application des peines du refus ou de l’interruption du traitement intervenu contre son avis.

C’est une avancée importante dans le sens de la circulation de l’information. En tout cas, cela permet de réunir un large consensus ici, au Sénat, et entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Enfin, le Sénat a encadré de garanties le nouveau dossier unique de personnalité avec, notamment, la création d’un délai de conservation maximal des données.

Le Gouvernement veut saluer les nouveaux équilibres qui ont pu être atteints par le travail très précis, très minutieux et très responsable des deux assemblées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en renforçant la circulation de l’information, le projet de loi va dans le sens d’une véritable chaîne de l’application des peines, dans laquelle médecins et magistrats ne sont pas en opposition, mais, au contraire, se complètent.

Il n’appartient pas au juge de soigner, ni au médecin de juger, mais l’échange entre tous les acteurs ne peut qu’améliorer le fonctionnement du suivi des condamnés, et donc assurer une meilleure lutte contre la récidive.

C’est le sens du projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui et de la politique pénale que le Gouvernement entend conduire. Je vous remercie d’y participer si activement et si efficacement.

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