Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 25 février 2010 à 14h30
Récidive criminelle — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

De surcroît, quoi qu’on en dise, vous faites un amalgame avec la maladie mentale, ce que les psychiatres réfutent. Ils refusent en effet de se voir assigner un rôle de contrôle social, une mission à mille lieues de leurs obligations thérapeutiques !

Vous procédez au même amalgame, qu’on le veuille ou non, entre soins et sanctions pénales. Ce texte fait du soin obligatoire une sanction pouvant, in fine, être punie d’enfermement. Fort heureusement, notre rapporteur, suivi par la majorité, n’a pas accepté que ce soit le juge qui prescrive le traitement inhibiteur de libido en lieu et place du médecin, lui-même contenu dans un rôle d’informateur.

Encore une fois, ce projet de loi débattu sous l’effet d’événements dramatiques sera une loi d’affichage, mais, comme je l’ai dit la semaine dernière, non moins dangereuse pour autant, car elle crée une illusion – c’est la raison pour laquelle je m’inquiète pour les victimes –, celle que le risque zéro existe, ce qui, concrètement, conduit à reléguer définitivement un certain nombre de populations en fonction d’un risque supposé.

Cela m’amène à la seconde raison pour laquelle nous nous opposons à ce texte.

Cette loi n’était absolument pas assortie d’études d’impact, notamment d’évaluations non seulement des véritables mesures de prévention mais aussi des dysfonctionnements et problèmes d’application des lois qui ont été votées précédemment.

Le long temps de la peine, puisqu’il est ici question de quinze ans de réclusion criminelle minimum, n’est pas utilisé pour la prévention de la récidive. Les détenus qui ont été condamnés pour des crimes sexuels, pour des violences graves, ont souvent un parcours complexe, des problèmes psychologiques sérieux. Ils ont besoin d’être encadrés, autrement dit non pas seulement contrôlés, mais pris en charge dès leur entrée en détention par des personnels compétents et en nombre suffisant. Or, je le redis, la médecine pénitentiaire, notamment en psychiatrie, est dans un état désastreux.

De même, tous les dispositifs susceptibles de favoriser la réinsertion demeurent dramatiquement insuffisants. Hélas, nous ne pouvons attendre de la loi pénitentiaire, ni du budget de l’administration pénitentiaire, tourné vers l’enfermement, pas plus que de celui de la santé publique, encadrés les uns et les autres par la révision générale des politiques publiques, qu’ils contribuent à une quelconque amélioration de la situation.

Cette situation est la même, et pour cause, à la sortie de prison. Pour s’en convaincre, il suffit de lire le rapport que le Président de la République a commandé à M. Vincent Lamanda. On y voit que nous ne manquons pas, loin s’en faut, de dispositifs suffisamment coercitifs pour prévenir les risques de récidive, mais que les moyens pour les mettre en œuvre font cruellement défaut ; on pense notamment au suivi socio-judiciaire.

Pour nous, ces recommandations ou ces constats du Premier président de la Cour de cassation sont vraiment à prendre en compte avec sérieux.

Il faut des moyens pour la justice, notamment pour les secrétariats des services de l’application des peines, afin d’éviter les retards dans le traitement des dossiers. Aujourd’hui, de nombreuses juridictions manquent de personnels et sont même en état de cessation de paiement plusieurs mois avant la fin de l’année.

Il faut augmenter le nombre des conseillers d’insertion et de probation pour permettre des suivis renforcés et un accompagnement adapté à chaque condamné.

Il faut plus de médecins coordonnateurs et un renforcement des moyens dont sont dotés les services médico-psychologiques. À l’heure actuelle, les injonctions de soins ne peuvent être mises en place de façon satisfaisante dans plus de la moitié des juridictions !

On nous demande de voter des lois comportant toujours plus d’injonctions de surveiller, de soigner et de suivre les personnes coupables de crimes, alors que, nous le savons pertinemment, les moyens dédiés à leur mise en œuvre ne seront pas au rendez-vous. Et cette future loi n’échappera pas à la règle. Une telle fuite en avant pénale n’est plus possible !

Quant à l’application des lois, permettez-moi d’évoquer deux événements dramatiques qui se sont produits alors même que nous examinions ce projet de loi en première lecture.

La semaine dernière, une jeune femme a été poignardée par son ex-compagnon. Celui-ci avait été condamné à quatre mois de prison avec sursis, peine assortie d’une interdiction d’entrer en contact avec la jeune femme et d’un contrôle judiciaire. Qu’allons-nous devoir encore voter pour qu’une telle situation ne se reproduise pas ? Le fait de durcir la peine encourue aurait-il empêché ce meurtrier de tuer sa victime, laquelle, je le rappelle, avait déposé plainte à plusieurs reprises au commissariat, en vain ?

Il a fallu un véritable harcèlement – j’emploie ce mot à dessein – des associations de femmes, soutenues par quelques parlementaires de gauche, pour que soient enfin prises en compte les violences faites aux femmes.

Toujours la semaine dernière, trois détenus se sont suicidés. L’un d’entre eux se trouvait en quartier de haute sécurité, tandis qu’un autre n’avait que seize ans ! Là aussi, quelles sont donc les causes de ces drames ? Au regard de la loi pénitentiaire que nous avons adoptée récemment, quelle réponse entendez-vous apporter au triste record que nous détenons en matière de suicides en prison ?

Monsieur le ministre, nous attendons une mobilisation du Gouvernement, que vous représentez ici aujourd’hui, et de l’ensemble des parlementaires, ainsi que des administrations concernées et des moyens dont elles disposent. Je le répète, cela suffit ! Je serais d’ailleurs tentée d’appeler les parlementaires à faire la grève de l’examen des lois pénales tant que nous légiférerons pour les médias. Nous voterons donc contre ce texte.

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