Intervention de Virginie Klès

Réunion du 25 février 2010 à 14h30
Récidive criminelle — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Virginie KlèsVirginie Klès :

Non, parce que M. About s’y est fermement opposé, ce dont je le remercie ! Le pire a ainsi été évité, comme je le disais, mais pas le mal : sur un sujet éminemment sensible, douloureux et complexe, des messages erronés ont été envoyés à l’opinion publique.

Vous-même, monsieur le ministre, venez de faire un lapsus en évoquant le refus du traitement anti-libido, alors qu’il s’agit de refuser une démarche dont le traitement anti-libido peut être une composante. Cela montre bien que la confusion persiste, y compris pour ceux qui participent à la discussion du texte.

On a donné à croire que la toute-puissance des sciences biologiques et médicales et de la technologie permettait de guérir, de punir et de protéger la société. On a créé la confusion entre malade, patient et délinquant, entre médecin et juge, à tel point qu’aujourd’hui nous sommes obligés de tenter de rectifier le tir, en rappelant que le rôle d’un médecin n’est pas de punir ou de protéger la société, que celui du juge n’est pas de guérir !

Ce texte suscite donc la confusion, ce qui est d’autant plus grave que sa vocation est davantage d’assurer un affichage à destination des médias et de l’opinion publique que de protéger la société.

Sur la méthode, ce débat est intervenu, une fois de plus, dans une période difficile, troublée par des faits divers horribles qui ont provoqué une émotion certes légitime. Nos discussions n’ont donc pu se dérouler dans le climat de sérénité nécessaire pour l’examen d’un tel texte. Les positions de tous les intervenants n’ont pas été rendues publiques. Je pense en particulier à ces responsables d’associations de victimes qui, ayant pris du recul, nous ont dit qu’il ne servait à rien d’enfermer à vie les agresseurs, envers lesquels ils n’éprouvaient pas de haine. Leur seule demande était que la société fasse le nécessaire pour que ces personnes ne récidivent pas. La parole de ces associations n’a pas été prise en compte, non plus que celle des magistrats, des professionnels ou des médecins qui nous ont avertis de l’inefficacité de ce texte. C’est plus que regrettable !

Vous en êtes resté à des constats très superficiels sur les circonstances immédiates de la récidive, sans vous pencher sur ses causes profondes. Or c’est à ce niveau que des leviers d’action pérenne et réellement efficace peuvent jouer. Pourquoi une personne récidive-t-elle, au-delà des circonstances factuelles ? On a réduit l’individu et son parcours de vie à un acte ultime, à un échec, dont on n’a pas recherché les causes.

Monsieur le ministre, connaissez-vous Yazid Kherfi ? Cet homme, ancien délinquant multirécidiviste, est aujourd’hui consultant en prévention de la délinquance. Il a pris un jour conscience qu’il était responsable de ses actes. Pourquoi ne s’appuie-t-on pas sur son expérience pour bâtir un projet de loi ? Pourquoi ne lui demande-t-on pas son avis, puisqu’il a réussi à s’en sortir ? De même, pourquoi n’étudie-t-on pas le cas de cet auteur de crimes particulièrement odieux qui, alors qu’il s’était réinséré dans un milieu social, familial et professionnel où il n’était pas stigmatisé, a récidivé très peu de temps après avoir déménagé et changé de travail ? C’est dans cette direction qu’il faut creuser pour découvrir les causes profondes de la récidive. Nous ne pourrons élaborer un texte efficace qu’en procédant à une telle analyse des échecs et des réussites. S’en remettre à l’action d’un juge de l’application des peines ou d’un médecin ne correspond pas à notre conception de la prévention de la récidive : l’objectif doit être d’amener l’individu à assumer la responsabilité de ses actes, à prendre conscience de leur portée.

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