Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la troisième fois en deux ans, la Haute Assemblée est amenée à examiner à séance publique une proposition de résolution européenne portant sur des questions propres à l’outre-mer.
Après s’être prononcé sur les conséquences des accords commerciaux signés par l’Union européenne en 2011, puis sur la réforme de la politique commune de la pêche en juillet dernier, le Sénat s’apprête aujourd’hui à prendre position sur des sujets capitaux pour l’avenir des RUP.
La Commission européenne a en effet publié ses propositions portant sur le nouveau cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020. Elle a également présenté en juin dernier une communication sur la stratégie de l’Union pour les RUP. Enfin, l’échéance du 1er juillet 2014 approche, et elle est cruciale pour l’octroi de mer.
Certains jugeront peut-être que notre débat est inutile puisque les deux propositions de résolution présentées avant moi par nos collègues Roland du Luart et Georges Patient font consensus au sein de notre assemblée.
Il n’en est rien à mes yeux. Les dernières avancées obtenues à la fin du mois d’octobre au conseil des ministres européen sur la réforme de la politique commune de la pêche l’illustrent. La mobilisation de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, que j’ai l’honneur de présider, et le vote, en juillet dernier, d’une résolution européenne dans ce même hémicycle ne sont pas étrangers aux résultats obtenus par le Gouvernement à Bruxelles.
Je ne reviendrai pas sur le détail des deux propositions de résolution européenne, la première, initiée par la délégation à l’outre-mer, et la seconde, déposée par la commission des affaires européennes : leur contenu vous a été excellemment présenté par leurs auteurs.
La commission des affaires économiques les a adoptées à une large majorité, après avoir cependant modifié la proposition de résolution déposée par la commission des affaires européennes.
En tant que rapporteur, j’ai sollicité les présidents des quatre conseils régionaux d’outre-mer. Ces derniers m’ont fait parvenir des contributions écrites - elles figurent en annexe de mon rapport –, qui illustrent la parfaite harmonie existant entre les deux propositions de résolution et la position des quatre présidents.
Je souhaite cependant formuler plusieurs observations au nom de la commission des affaires économiques.
Premièrement, les négociations sur le cadre financier pluriannuel de l’Union sont d’une importance capitale pour nos RUP. La politique de cohésion est en effet vitale pour ces régions, qui ont bénéficié, pour la période de 2007 à 2013, d’une enveloppe de 3, 2 milliards d’euros.
Comme la Commission européenne l’indique elle-même dans sa communication de juin dernier, les RUP sont un atout pour l’Union européenne. Il est donc indispensable, ainsi que l’indiquent les deux propositions de résolution, que l’Union européenne passe des paroles aux actes, notamment en maintenant l’allocation spécifique à son niveau actuel et en assouplissant la concentration thématique, afin que les fonds structurels puissent effectivement contribuer à l’investissement dans les infrastructures dont ces régions ont besoin.
Je note que les représentants des acteurs socioprofessionnels ultramarins et ceux des professionnels de l’industrie et de l’agriculture des Canaries sont sur la même ligne. Ils ont en effet alerté leurs autorités nationales sur la nécessité de maintenir le niveau de l’allocation spécifique.
Je me félicite, par ailleurs, de la volonté du Président de la République, exprimée ce week-end en Pologne, de préserver la politique de cohésion.
Deuxièmement, les deux propositions de résolution s’appuient sur le constat maintes fois établi par les représentants des RUP de la prise en compte insuffisante par l’Union européenne des réalités de ces régions.
Un outil juridique existe pourtant : l’article 349 du TFUE. Je l’ai dit mais je le redis, cet article est pour moi le Graal des régions ultrapériphériques ! Il reste cependant largement virtuel, car, comme le souligne Serge Letchimy, président du conseil régional de Martinique, la Commission européenne en fait une interprétation très restrictive.
Dans ce contexte, on ne peut que saluer l’initiative que vous avez prise en septembre dernier, monsieur le ministre, lors de la conférence des présidents des régions ultrapériphériques, visant à mettre en place un cadre global approprié pour les interventions communautaires dans les RUP.
Il s’agit, pour reprendre les termes utilisés par Pedro Solbes Mira dans son rapport, d’obtenir « l’utilisation adéquate et systématique » de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Le POSEI, dont tout le monde, y compris la Commission européenne, reconnaît le bilan positif, doit ainsi retrouver la dimension plurisectorielle qui était sa vocation initiale.
En approuvant, je l’espère, ces deux propositions de résolution, le Sénat vous apportera, monsieur le ministre, un soutien utile dans votre démarche.
Troisièmement, s’agissant de la politique commerciale, la proposition de résolution européenne initiée par la délégation sénatoriale à l’outre-mer reprend la position exprimée à plusieurs reprises par la Haute Assemblée.
Il est indispensable d’appeler à la cohérence des politiques de l’Union européenne. En effet, comment admettre que la politique commerciale soit totalement déconnectée des autres politiques sectorielles, telles que la politique agricole commune ou la politique commune de la pêche ? Comment accepter son impact potentiellement dévastateur sur les petites économies ultramarines ? Nos outre-mer sont en effet les victimes collatérales des accords commerciaux conclus par l’Union européenne avec des pays de leur environnement régional.
J’indique d’ailleurs à l’intention de nos collègues de l’Hexagone que cette problématique concerne l’ensemble du territoire national, notamment s’agissant de l’agriculture.
Quatrièmement, enfin, je souhaite revenir sur l’avenir de l’octroi de mer.
La commission des affaires économiques a en effet modifié sur ce point la proposition de résolution déposée par la commission des affaires européennes.
Permettez-moi tout d’abord de citer quelques chiffres.
L’octroi de mer, qui, je vous le rappelle, est un régime fiscal très ancien et propre aux départements d’outre-mer, représente, pour les collectivités territoriales des départements d’outre-mer, plus de 1 milliard d’euros de recettes par an, soit près du tiers des recettes des communes de ces départements.
C’est pourquoi l’échéance du 1er juillet 2014, qui correspond à la fin de l’autorisation de ce régime dérogatoire par l’Union européenne, constitue un enjeu majeur pour nos collectivités territoriales ultramarines.
Je regrette d’ailleurs, et je le dis en dehors de tout esprit partisan, que les précédents gouvernements ne se soient pas mobilisés davantage sur ce dossier au cours des dernières années. En revanche, je me réjouis que le nouveau gouvernement ait pris ce dossier à bras-le-corps.
La commission des affaires économiques a voulu réaffirmer clairement la position retenue en 2009 par la mission commune d’information outre-mer sur la situation des départements d’outre-mer, que j’ai eu l’honneur de présider, et qui correspond au souhait exprimé par les élus domiens à l’occasion des états généraux de la démocratie territoriale : l’octroi de mer doit être pérennisé, au-delà du 1er juillet 2014.
Ainsi modifiée par la commission des affaires économiques, la proposition de résolution sur le financement des RUP constituera, si elle est adoptée, un soutien de poids au Gouvernement pour les discussions à venir avec la Commission européenne.
Nous comptons sur vous et votre détermination, monsieur le ministre, pour que le Gouvernement présente à la Commission européenne un dossier solide et non lacunaire. En retour, vous pouvez compter sur nous, même si nous restons vigilants.
En conclusion, la commission des affaires économiques vous invite, mes chers collègues, à voter ces deux propositions de résolution. J’espère que la Haute Assemblée les adoptera à l’unanimité, démontrant ainsi une nouvelle fois son attachement à nos outre-mer.
L’objectif est clair : il s’agit, pour reprendre les termes de Rodolphe Alexandre, président du conseil régional de la Guyane, de contribuer à « une Europe plus pragmatique, plus efficace, davantage au fait des préoccupations réelles des populations de ses régions ultrapériphériques et soucieuse d’y apporter des réponses adaptées ».