Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma participation au débat de cet après-midi confirme, s’il en était besoin, l’intérêt sincère que portent tous les élus de l’Hexagone aux collectivités ultramarines. D’ailleurs, à considérer toutes les discussions les concernant auxquels j’ai pris part ici dans la période récente et aujourd’hui encore - réforme des ports d’outre-mer, régulation économique outre-mer, stratégie européenne pour les régions ultrapériphériques - je sens que les Lotois vont finir par se demander si je n’ai pas élu domicile outre-mer ! (Sourires.)
Le débat de cet après-midi sur la stratégie européenne pour les régions ultrapériphériques permet en tout cas de rappeler à nos compatriotes de métropole que chacune de ces régions, si éloignée soit-elle du continent européen, fait partie intégrante de la France et de l’Europe et contribue largement à leur dynamisme, à leur prospérité et à leur rayonnement.
Ce débat m’offre aussi l’occasion de saluer à cette tribune la mémoire d’un ancien président du Sénat : Gaston Monnerville. Né en Guyane de parents martiniquais, il fut, avant d’être sénateur du Lot pendant près de trente ans, député puis sénateur radical de Guyane.
C’est donc dans la continuité de cette histoire mêlée entre le Lot et l’outre-mer que j’inscris ma démarche.
Mes chers collègues, les deux propositions de résolution européenne soumises aujourd’hui à notre examen constituent une initiative bienvenue et un soutien précieux à l’action menée par le Gouvernement au niveau européen.
Cette initiative est bienvenue, car la crise économique et financière que connaît l’Union européenne est ressentie de façon particulièrement violente dans les régions ultrapériphériques.
Ces régions paient assurément un lourd tribut, puisque le chômage y progresse davantage qu’ailleurs, notamment parmi les jeunes de moins de vingt-cinq ans, qui sont touchés à plus de 60 %. Les entreprises y sont plus fragiles, certains secteurs économiques sont complètement atones et les équipements collectifs de base connaissent des retards massifs de mise aux normes. Enfin, comme chacun le sait, le PIB par habitant dans les régions ultrapériphériques est largement inférieur à la moyenne nationale.
Ce diagnostic n’est certes pas nouveau ; mais la crise a mis un peu plus en évidence les faiblesses structurelles des économies des régions ultrapériphériques ainsi que leur dépendance vis-à-vis de l’extérieur.
Le précédent gouvernement s’en est trop souvent tenu à une position quelque peu distanciée à l’égard des outre-mer, invoquant un nécessaire développement endogène ce qui, en réalité, ne servait qu’à masquer le désengagement de l’État.
La nouvelle majorité a ouvert des perspectives de changement qu’il faut saluer : je pense en particulier au projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer, que nous venons d’adopter pour lutter contre la vie chère.
Je pense aussi à l’action menée par le Gouvernement pour que les réalités des régions ultrapériphériques soient prises en compte dans la réforme en cours de la politique commune de la pêche.
Cette action a commencé à porter ses fruits puisque, lors du Conseil des ministres de l’Union européenne du 24 octobre dernier, le régime de compensation des coûts additionnels supportés par les pêcheurs et les aquaculteurs ultramarins en raison de leur éloignement a été étendu à l’ensemble des territoires ultrapériphériques, ce qui représente une avancée majeure.
Ces premiers résultats sont encourageants, mais les régions ultrapériphériques espèrent d’autres avancées.
Le marché unique est pour elles une fiction autant que la discontinuité territoriale est une réalité !
Après l’espoir suscité il y a un an par le rapport Solbes sur les régions ultrapériphériques européennes dans le marché unique, qui recommandait l’utilisation systématique du fameux article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, les lendemains ont vite déchanté.
En effet, la communication de la Commission européenne intitulée Les régions ultrapériphériques de l’Union européenne : vers un partenariat pour une croissance intelligente, durable et inclusive et ses propositions en matière de politique de cohésion sont très loin de répondre aux attentes concrètes de ces territoires.
Il y a bien le discours sur les atouts que représente l’outre-mer ; il y a aussi – fait nouveau – la reconnaissance explicite de leur diversité. Mais, au bout du compte, la Commission européenne n’évoque que très peu les nécessaires politiques de rattrapage et reste hostile à l’instauration d’instruments d’aide spécifiques.
Monsieur le ministre, dans les négociations des prochains mois, il va falloir faire preuve de persuasion pour inverser une telle tendance et obtenir un peu de souplesse !
Notre pays a la chance d’être présent à proximité de pays dits « émergents » : il y a là une occasion à ne pas manquer de développer le commerce avec le Brésil à partir de la Guyane, avec le bassin caribéen à partir des Antilles, avec l’Inde et l’Afrique du Sud à partir de La Réunion et de Mayotte, et avec la Chine à partir de nos îles pacifiques.
Tout doit donc être mis en œuvre pour développer les échanges au sein de ces zones géographiques. Pour cela, il faut, en premier lieu, desserrer l’étau des normes qui enserre les économies ultramarines : édictées à des milliers de kilomètres, ces normes ne prennent pas du tout en compte les spécificités de ces territoires.
Cet aveuglement contribue au renchérissement des produits et à ce que l’on appelle aujourd’hui « la vie chère ». Que ce soit pour la composition des carburants ou la construction, les normes conduisent à des aberrations. Mes chers collègues, imaginez que la Guyane, qui est adossée à la plus grande forêt du monde, la forêt amazonienne, est obligée d’importer du bois de hêtre pour fumer le poisson !
La même « logique » est à l’œuvre pour les accords commerciaux, bilatéraux ou multilatéraux, qui placent les cultures traditionnelles des régions ultrapériphériques devant le fait accompli d’une concurrence locale accrue.
En effet, au cours des deux dernières années, l’Union européenne a conclu plusieurs accords commerciaux portant sur des productions traditionnelles de l’outre-mer : la banane, le rhum et le sucre. Ces accords ont été conclus avec des pays dont les coûts de production sont très inférieurs à ceux des régions ultrapériphériques !
Les producteurs ultramarins n’ayant évidemment pas la capacité de résister à une concurrence accrue de produits à bas prix sur le marché européen, chacun peut aisément concevoir les effets potentiellement dévastateurs de ces accords sur l’agriculture des régions ultrapériphériques.
Les élus d’outre-mer n’ont cessé, au Parlement français comme à Bruxelles, de tirer la sonnette d’alarme et de réclamer une compensation.
Par ailleurs, cette politique commerciale n’est pas toujours très cohérente avec les politiques structurantes de l’Union européenne en matière sociale, sanitaire et environnementale.
On ne peut pas, d’un côté, défendre une agriculture durable et responsable en considérant que cet objectif s’applique aussi aux régions ultrapériphériques et, de l’autre, engager des négociations commerciales qui mettent à bas les fondements mêmes de cette politique.
Songez, mes chers collègues, que lorsqu’une banane antillaise subit entre deux et six traitements sanitaires, une banane colombienne en subit soixante, soit plus de dix fois plus !
Monsieur le ministre, dans cette période décisive de négociations, les régions ultrapériphériques comptent sur vous pour défendre leurs spécificités. Les deux propositions de résolution européenne sont destinées à appuyer votre action au niveau européen.
Pour améliorer l’intégration des régions ultrapériphériques dans le marché unique sans sacrifier leur ouverture sur leur environnement régional, la France et l’Union européenne doivent faire chacune un pas en avant.
Les territoires d’outre-mer doivent, bien sûr, saisir les nouvelles chances qui se présentent dans les services, le commerce électronique, les transports, les énergies renouvelables et la recherche pour avancer sur la voie d’une croissance plus endogène et diversifiée.
L’Union européenne, quant à elle, doit renouveler son pacte d’intégration en donnant corps à l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en réinventant des politiques sectorielles sur le modèle du programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité, et en intégrant les contraintes des régions ultrapériphériques dans les politiques commerciales européennes.
Mes chers collègues, comme vous l’avez compris, les membres du groupe du RDSE apportent un soutien sans réserve aux deux propositions de résolution européenne !