Intervention de Aline Archimbaud

Réunion du 19 novembre 2012 à 14h30
Débat sur le crédit à la consommation et le surendettement

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Mme Escoffier et Mme Dini de leur rapport, à la fois très précis et très utile.

Les avancées obtenues grâce à l’application de loi du 1er juillet 2010, dite « loi Lagarde », sont réelles et constituent un premier pas. Cependant, cela a été dit, certains problèmes graves persistent.

Au mois de juin dernier, le nombre de ménages en cours de désendettement, dans le cadre d’une procédure de surendettement, était de 757 000 ; l’endettement moyen s’élevait à 37 500 euros et une moyenne de 9, 2 dettes était recensée par dossier. Les dettes financières représentaient 82, 3 % de cet endettement.

Les commissions de surendettement, présentes dans chaque département de notre territoire, sont rattachées à la Banque de France. Or cette dernière est actuellement engagée dans un projet de restructuration devant prendre place à l’horizon 2020 et qui met en danger la cohésion sociale à laquelle elle contribue à travers le traitement des dossiers de surendettement. Les premières mesures sont attendues dès 2013. Elles toucheront particulièrement les bureaux d’accueil et d’information. Il s’agit d’une préoccupation réelle, à laquelle il faudrait que nous puissions répondre.

À cet égard, la création de plateformes régionales constitue un désengagement territorial évident. Par exemple, il est prévu de supprimer dans le département dont je suis l’élue, la Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France métropolitaine, la plupart des points d’accueil physique et de les remplacer par un portail dédié sur Internet, sur lequel les surendettés saisiraient eux-mêmes leur dossier. Les personnels, quant à eux, seraient transférés à la défense.

Toute personne ayant la moindre connaissance des situations de précarité dans lesquelles se trouvent les personnes concernées peut aisément comprendre que la saisie en ligne des dossiers est en l’espèce inadaptée, car elle ne permet pas la nécessaire prise en compte des situations individuelles de personnes déjà maltraitées par la vie.

Eu égard à l’augmentation constante du nombre de ménages devant faire face au surendettement, en raison de la situation économique et sociale que nous connaissons, ce projet de restructuration paraît donc inadapté. Le traitement d’un dossier de surendettement ne saurait se réduire à une procédure informatisée. Nous devrons par conséquent reconsidérer le sujet, monsieur le ministre.

Il semble nécessaire d’envisager la mise en place d’un maillage mobilisant les acteurs locaux, de façon que la population dispose d’interlocuteurs accessibles, et sur lequel les pouvoirs publics pourraient s’appuyer, maillage lié à l’accompagnement social renforcé que le rapport réclame.

Les crédits à la consommation, souvent utilisés par les classes populaires, sont l’un des principaux éléments conduisant au surendettement. En effet, les dettes à la consommation apparaissent dans 88 % des dossiers, pour un encours moyen de 23 100 euros. Plus particulièrement, les crédits renouvelables – ou crédits revolving – sont recensés dans 76, 4 % des dossiers et représentent un encours moyen de 15 900 euros.

Le crédit à la consommation, défini à l’article L 311-11 du code de la consommation, est accordé à des particuliers par des établissements bancaires pour financer les achats de biens et services, notamment les grosses dépenses et les biens durables, comme l’automobile ou l’équipement de la maison. Selon l’Observatoire des crédits aux ménages, 31 % des ménages disposaient d’un crédit à la consommation en 2011.

En France, le marché du crédit à la consommation est traditionnellement dominé par les établissements de financement spécialisé, qui en détiennent environ 60 %. Cette part de marché est la conséquence de leur forte présence sur les lieux de consommation, permise par un réseau de prescripteurs très dense, opérant au sein des magasins de distribution, et par une politique de crédit beaucoup moins sélective que celle que mènent les banques généralistes.

Ces établissements spécialisés pratiquent des taux d’intérêt en moyenne plus élevés – 97 % des crédits revolving ont un taux d’intérêt supérieur à 16 %, contre 58 % des crédits du même type consentis par les banques généralistes – et modulent plus fortement ceux-ci en fonction du risque présenté par l’emprunteur.

La loi du 1er juillet 2010, ainsi que le montre excellemment le rapport rédigé par mes collègues, affichait l’ambition d’encadrer le crédit et de prévenir le surendettement, sans remettre en cause la capacité de consommation des ménages. Même si elle a bien accéléré un mouvement de recomposition du secteur du crédit à la consommation, il nous semble nécessaire d’aller plus loin.

Je voudrais citer un exemple éloquent à ce sujet. Lors du renouvellement de leur carte Visa, les clients de certaines banques sont désormais automatiquement équipés d’une Izicarte, leurs conseillers bancaires n’hésitant pas à leur indiquer que c’est obligatoire. Or cette carte est à la fois une carte de crédit et une carte de paiement. Lors d’un paiement, il leur faut, pour choisir la nature de l’opération, presser sur le bouton « crédit » ou sur le bouton « comptant » du terminal de paiement. On voit aisément comment certains de ces clients pourraient, du fait d’informations confuses ou peu claires, appuyer sur le mauvais bouton et contracter ainsi un crédit renouvelable.

Pour conclure, nous soutenons les propositions faites par nos collègues dans leur rapport.

En particulier, il me semble urgent d’interdire le démarchage pour le crédit renouvelable, d’encadrer ses modes de commercialisation, d’interdire les cartes « confuses » en découplant complètement les cartes de paiement et les cartes de fidélité, et de prendre en compte de manière spécifique les dettes contractées pour l’acquisition d’un logement, afin de permettre aux familles de rester dans celui-ci, le temps que soient réglés les autres problèmes qu’elles doivent affronter.

Parce qu’il nous paraît inadmissible que des organismes financiers s’enrichissent en piégeant des personnes en situation de difficulté financière, nous proposons également de limiter tant le montant des plafonds d’emprunt des crédits renouvelables que la durée de ces derniers, afin d’éviter l’endettement à très long terme et d’encadrer les taux plus strictement, de simplifier et de rendre encore plus transparentes et beaucoup plus lisibles les procédures de recouvrement. À ce propos, mes chers collègues, vous avez sans doute eu connaissance de l’enquête menée dans le Maine-et-Loire par l’UFC-Que Choisir : elle montre que, dans ce département, la fiche récapitulative prévue par la loi n’existe pas ou n’a pas été transmise dans 57 % des cas.

Nous proposons aussi de simplifier les contrats de crédit à la consommation envers les particuliers, actuellement extrêmement compliqués à comprendre.

Nous proposons, enfin, de renforcer les sanctions légales à l’encontre des banques en cas de défaut de conseil.

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