Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la précédente majorité avait fait voter la loi portant réforme du crédit à la consommation, dite « loi Lagarde ».
Cette loi tend vers un unique objectif : supprimer les abus et les excès du crédit à la consommation, tout en faisant en sorte que les prêteurs répondent de façon plus responsable et plus adaptée aux besoins de financement des consommateurs.
Avec ce texte, la majorité précédente avait voulu non pas éliminer le crédit à la consommation, mais protéger les consommateurs, sans décourager ce type de crédit.
Je tiens à le rappeler en cet instant, les Français sont attachés au crédit à la consommation : plus de 9 millions d’entre eux y ont recours pour effectuer de multiples achats. En toutes circonstances, c’est un outil utile et nécessaire à la gestion de leur budget ; il leur permet de réaliser de gros comme de petits achats.
La consommation, nous le savons tous, est l’un des moteurs qui a soutenu la croissance au cours d’une période de crise économique considérable. Elle a, elle-même, très clairement dépendu du crédit à la consommation. Ce constat est toujours d’actualité.
Citons quelques chiffres. Pas moins de 40 % du chiffre d’affaires du secteur de la vente par correspondance, secteur employant 20 000 personnes dans le Nord, région fortement touchée par la crise économique, provient du crédit à la consommation. Dans le secteur automobile, deux véhicules sur trois sont aujourd’hui achetés et financés de cette manière.
Mais encadrer, ce n’est pas interdire.
Avec la loi précitée, nous avons voulu non seulement encadrer le crédit à la consommation, mais aussi protéger les consommateurs les plus fragilisés par la crise.
Ainsi la loi Lagarde pourrait-elle se résumer par l’expression suivante : « moins d’excès, plus d’accès ».
Cette loi avait pour objet la poursuite de cinq objectifs : recentrer le crédit renouvelable sur sa vocation, à savoir le financement de petits montants ; réformer l’usure ; mettre fin aux excès en matière de publicité ; mieux s’assurer de la solvabilité des emprunteurs ; éviter que le consommateur-emprunteur ne tombe dans le crédit à son insu.
Permettez-moi de vous le rappeler, mes chers collègues, le crédit à la consommation avait fait l’objet de douze lois en moins de vingt ans.
Clairement exprimée, notre volonté était donc de protéger le consommateur en transférant de plus en plus de responsabilités aux prêteurs. La loi Lagarde a donc complété un dispositif déjà très dense.
Dans le même temps, les établissements de crédit ont entièrement réécrit leurs contrats de crédit pour tenir compte des ajouts ou modifications induits par ce nouveau texte législatif.
Nous avons également souhaité que le rapport de force entre le prêteur et le consommateur soit plus équilibré. À cette fin, nous avons protégé ce dernier contre les excès et les abus.
Ainsi, depuis le 1er mai 2011, les mesures de la loi qui encadrent le crédit renouvelable sont entrées en vigueur. Elles empêchent les détenteurs de cartes de fidélité de contracter un crédit malgré eux. Elles donnent le choix aux consommateurs entre crédit classique et crédit renouvelable pour financer leurs achats importants. Elles raccourcissent les durées de remboursement des crédits renouvelables, parfois abusivement longues, afin de réduire le coût de ces derniers pour les consommateurs. Elles prévoient des sécurités à l’entrée en crédit pour prévenir le surendettement. Enfin, elles renforcent l’information et la protection des consommateurs.
Cette réforme a conduit les prêteurs à changer leurs pratiques. Dans les cas prévus par la loi, ils proposeront par courrier aux personnes qui détiennent déjà un crédit renouvelable de modifier leur contrat.
Des mesures comme l’introduction d’une notion d’amortissement minimal pour le crédit renouvelable peuvent être qualifiées d’« innovantes » au regard des textes en vigueur chez nos voisins européens.
Cependant, la loi ayant transféré de nouvelles responsabilités aux prêteurs, tous les consommateurs ne sont pas toujours en mesure d’appréhender la portée de leurs engagements, une fois le contrat de crédit signé.
En effet, encore maintenant, les consommateurs maîtrisent rarement les points clés du crédit à la consommation ou le fonctionnement détaillé des produits comme le crédit renouvelable, parfois appelé « crédit revolving ».
Les principales avancées de cette loi sont encore loin d’être bien connues du grand public.
Les grands médias se font fréquemment l’écho de témoignages qui pointent du doigt, par exemple, l’absence d’études de solvabilité, alors qu’elles sont légalement obligatoires. Tout cela mérite donc d’être plus strictement contrôlé.
Les consommateurs savent-ils que, à partir de 1 000 euros d’achat de biens ou de prestations de services particuliers, il est obligatoire de leur proposer, sur le lieu de vente même, une offre de financement alternative ? Bien sûr que non !
Monsieur le ministre, il serait souhaitable que le consommateur puisse mieux appréhender le fonctionnement du crédit qu’il souscrit, quel que soit le canal d’entrée en contact.
Il faudrait, pour ce faire, identifier les supports de communication les plus efficaces et les moments opportuns pour mener des actions d’information auprès du consommateur.
Un autre point important porte sur la question, déjà évoquée par Mme le rapporteur, de la création d’un registre national des crédits, également appelé « fichier positif ».
Cette réflexion, encore devant nous, doit s’inscrire dans le cadre global de la question du crédit à la consommation et du surendettement.
Ce registre national des crédits permettrait de prévenir le surendettement actif, en limitant la possibilité de surconsommation de crédits. En effet, cet excès de crédits est considéré comme directement responsable d’environ 20 % du surendettement. Cette estimation ne tient pas compte du fait que, le plus souvent, les accidents de la vie ne conduisent au surendettement que dans la mesure où une surconsommation de crédits a permis de compenser momentanément la perte de revenus. C’est principalement cet objectif de prévention que nous souhaiterions atteindre.
De plus, en réduisant le nombre de dossiers de surendettement par la limitation du surendettement actif, le registre national des crédits aurait également pour avantage de diminuer le montant moyen de dettes des dossiers de surendettement.
Au premier trimestre de la présente année, le niveau d’endettement moyen, dans un dossier de surendettement, était de 38 800 euros en France, contre 28 500 euros en Allemagne, pays qui dispose d’un fichier géré par le secteur privé, et 15 000 euros en Belgique, où le fichier est géré par la Banque centrale.
Enfin, de notre point de vue, ce fichier positif pourrait renforcer la concurrence sur le marché du crédit à la consommation, qui est en France un marché très concentré, dominé par les grands établissements bancaires. En effet, cela permettrait aux nouveaux entrants dans le secteur et aux petits établissements de crédits de développer à moindre coût une connaissance de la clientèle que les grands acteurs de ce domaine, du fait de la taille de leur base de données, sont aujourd'hui les seuls à avoir.
Mes chers collègues, la loi Lagarde répondait à une double urgence, économique et sociale.
Cohérente et globale, cette loi a été bien appliquée par le précédent gouvernement. Elle l’a également été par les établissements de crédit, pour lesquels elle a représenté un coût opérationnel et financier important. Elle a aussi permis la mise en œuvre d’un processus de recomposition du paysage du crédit à la consommation, dans lequel le crédit amortissable se substitue progressivement, à l’égard de certains montants, au crédit renouvelable, dont les taux et les durées de remboursement ont été par ailleurs réduits.
Cependant, la mise en application de cette loi nous montre à nous, législateurs, qu’il aurait été possible d’aller plus loin : aller plus loin dans la protection du consommateur ; aller plus loin dans la prévention efficace du surendettement, notamment en encadrant plus strictement le démarchage commercial, en vérifiant plus efficacement la solvabilité de l’emprunteur, ou encore en interdisant les cartes associant crédit et fidélité. §