Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le surendettement des ménages est un fléau que de nombreuses majorités ont cherché à combattre ces dernières décennies, mais ses formes, ses causes et ses effets ont évolué, le rendant plus difficile à appréhender.
La loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation a sans nul doute constitué une avancée dans l’encadrement du crédit à la consommation et la lutte contre le surendettement. Cependant, au regard de l’objet ambitieux qui lui avait été fixé, à savoir « développer un crédit plus responsable », force est de constater que le chemin à parcourir est encore long.
Ce n’est pas la mise en œuvre des dispositions de la loi qui est en cause, comme le montre très bien le rapport réalisé, au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, par Mmes Muguette Dini et Anne-Marie Escoffier. Je tiens d’ailleurs à saluer à la fois leur excellent travail et leur engagement sur ces questions, qui touchent nombre de nos concitoyens.
Ce rapport met en évidence la mise en application satisfaisante de la loi de 2010, mais également la persistance de certaines difficultés et l’apparition de nouveaux obstacles, qui rendent nécessaire l’adoption de mesures supplémentaires pour compléter et améliorer cette réforme.
À la suite de la publication du rapport au mois de juin, Mme Muguette Dini a déposé, avec plusieurs de ses collègues, une proposition de loi en ce sens. Je ne doute pas que notre ancienne collègue Anne-Marie Escoffier aurait fait de même si elle n’avait pas rejoint le Gouvernement. §
Deux mois après la remise du rapport sénatorial, le Comité consultatif du secteur financier, ou CCSF, remettait également un rapport sur les effets de l’entrée en vigueur de la loi Lagarde. Les conclusions en sont assez proches. Ce document met en évidence un certain nombre de « zones grises ».
Monsieur le ministre, avec M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie, vous avez demandé à Emmanuel Constans, le président du CCSF, de dresser une liste des engagements qui pourraient être pris pour améliorer les choses
La situation est grave. Depuis 2010, le nombre de dossiers de surendettement déposés a continué d’augmenter, malgré un léger recul observé depuis le mois d’août dernier, selon les chiffres de la Banque de France. En Midi-Pyrénées, l’augmentation a été de 40 % ces cinq dernières années. Or les implantations territoriales de la Banque de France peuvent difficilement faire face à cette hausse, d’autant plus que leurs moyens sont limités.
J’ai récemment attiré l’attention du Gouvernement sur cette question et sur la situation très délicate, notamment dans mon département, qui résulte de la fermeture de nombreuses caisses et succursales et du non-remplacement de nombreux départs à la retraite.
Comme je l’ai souligné en introduction, le surendettement a évolué : alors qu’il pouvait plus souvent être attribué à un abus de crédits voilà dix ans, il tient aujourd’hui principalement aux difficultés croissantes que rencontrent les ménages et à l’instabilité de plus en plus grande de leur situation.
La crise économique et le chômage, qui en est le corolaire, ont touché de plein fouet des familles dont les ressources sont devenues insuffisantes pour faire face à des charges fixes qui, elles, ne diminuent pas. Le loyer, la facture énergétique, la téléphonie, entre autres : le nombre de dépenses dites « contraintes » et la part qu’elles représentent dans le budget des ménages ne cessent d’augmenter. Sans compter les prix du carburant qui pèsent très lourdement sur les familles vivant en dehors des grandes villes et qui n’ont pas d’autre choix que d’utiliser leur véhicule pour aller travailler ou faire des courses.
La pauvreté atteint également chaque année de bien tristes records. Au mois de septembre dernier, l’INSEE a recensé dans notre pays 8 617 000 personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. La question du surendettement est donc plus complexe aujourd’hui qu’elle ne l’était avant la crise.
La procédure de surendettement doit prendre en compte la précarité sociale du débiteur. C’est pourquoi il est essentiel, comme le souligne le rapport de Mmes Dini et Escoffier, qu’elle soit articulée avec le droit du logement.
En effet, il convient de rendre les procédures de surendettement compatibles avec le maintien de la personne surendettée dans son logement et la suspension des mesures d’expulsion, afin de ne pas précariser cette personne durablement. La proposition qui consiste à nommer un référent social en cas de nouveau dépôt d’un dossier de surendettement ira également dans le sens d’un meilleur soutien aux personnes qui se trouvent dans un état de détresse financière, psychologique et sociale.
Cependant, lutter contre le surendettement passe aussi par l’éducation. En ce sens, je salue la proposition n° 19 du rapport, qui vise à mettre en place des modules d’éducation budgétaire à la fin du primaire, du collège et du lycée.
La loi Lagarde a été extrêmement structurante pour le crédit à la consommation ; elle a permis de mieux encadrer les pratiques des professionnels, ce qui était absolument nécessaire. Cependant, la mise en conformité avec les très nombreuses obligations de ce texte a eu un coût important pour les acteurs du marché. Or le législateur se doit d’avoir toujours en ligne de mire à la fois la protection des consommateurs, mais aussi l’impact des différentes mesures sur l’économie et sur la protection des emplois, ce qui n’est pas chose aisée.
L’efficacité des nouvelles obligations des professionnels repose sur des moyens de contrôle suffisants. Les propositions concernant la DGCCRF, notamment la possibilité pour ses agents de réaliser des contrôles anonymes, me semblent aller dans le bon sens.
En matière d’encadrement du crédit, il est nécessaire d’aller plus loin que la loi de 2010, notamment en ce qui concerne les opérations de regroupement de crédit dont les durées de remboursement devraient être limitées. Des évolutions sont également souhaitables dans le domaine de la vérification de la solvabilité des emprunteurs.
Le rapport de Muguette Dini et d’Anne-Marie Escoffier a souligné, à très juste titre, l’une des limites des dispositions existantes relatives à l’encadrement de la publicité, à savoir la non prise en compte du démarchage commercial, qui constitue une forme de publicité passive.
L’interdiction des cartes dites « confuses », qui sont des cartes de fidélité associées à des crédits renouvelables, me semble également prioritaire. Le rapport rendu par le Comité consultatif du secteur financier sur la loi Lagarde apporte un éclairage intéressant dans ce débat. Il précise, en effet, que, en se focalisant sur les cartes de fidélité en tant que support matériel, on omet le phénomène croissant de dématérialisation, …