Lors de l’examen de ce texte en première lecture, vous vous étiez collectivement interrogés sur les moyens qui seraient déployés pour soutenir le service civique. Les mauvais résultats du service volontaire, liés en grande partie au manque de financements qui avaient été prévus, laissaient nombre d’entre vous sceptiques quant à la volonté du Gouvernement de soutenir le service civique pour en faire une véritable étape dans le parcours citoyen de nos jeunes.
La loi de finances pour 2010, en consacrant 40 millions d’euros pour le service civique dès cette année, a apporté une première assurance. Mais il fallait un engagement dans la durée, un engagement de montée en charge. C’est chose faite puisque, le 16 février dernier, le conseil des ministres a adopté une communication que je lui ai présentée et qui affirme l’engagement de l’État, dans sa forme la plus solennelle, d’atteindre 10 % d’une classe d’âge, soit 75 000 volontaires en 2014, à partir des 10 000 possibilités offertes en 2010. C’est bien en cinq ans que nous atteindrons cet objectif.
Cet objectif est assorti de moyens. L’engagement du conseil des ministres correspond à un engagement du Gouvernement, à l’issue d’une procédure d’arbitrage, de faire augmenter régulièrement les crédits consacrés au service civique, pour atteindre un peu plus de 500 millions d'euros en 2014. Je pense que chacun ici peut mesurer l’importance de cet engagement en ces temps difficiles.
« Un avenir à tout jeune » avait préconisé la mission commune d’information du Sénat sur la politique en faveur des jeunes, dont Christian Demuynck était le rapporteur. « Reconnaître la valeur de la jeunesse » avait écrit dans son Livre vert la commission de concertation sur la politique de la jeunesse que j’ai présidée. « Agir pour la jeunesse » avait affirmé le Président de la République le 29 septembre dernier à Avignon. Les paroles ont été prononcées, les écrits ont été publiés, les actes suivent, l’engagement est là.
Oui, nous brisons la malédiction des faux engagements précédents et nous entérinons des engagements réels. Nous les gravons, je l’espère, dans le marbre. Par la même occasion, mesdames, messieurs les sénateurs, nous répondons aux préoccupations que vous aviez exprimées sur ces travées, lorsque certains d’entre vous avaient souhaité que l’on instaure un service civique obligatoire : je vous ai déjà répondu sur ce point et sur la nécessité de promouvoir l’engagement. Les moyens que le Gouvernement va mettre en place vous garantissent que le service civique ne s’adressera pas uniquement à quelques-uns, mais qu’il a véritablement vocation à s’élargir et à monter en puissance.
Vous nous aviez également interrogés sur les paramètres financiers qui seraient retenus et votre rapporteur avait été particulièrement attentif à ce que nous ne proposions pas un service civique « au rabais ». Le soutien financier que l’État apportera au service civique sur le long terme constitue la preuve manifeste de sa mobilisation.
Le montant de l’indemnité servie aux jeunes pendant les six à douze mois durant lesquels ils accompliront leur service civique sera compris entre 440 euros et 540 euros par mois en fonction de la situation sociale du jeune engagé, auquel viendront s’ajouter 100 euros par mois versés par la structure d’accueil, sous la forme d’une prestation en nature ou en espèce. Au total, c’est donc une indemnité mensuelle pouvant atteindre jusqu’à 640 euros qui sera servie au jeune engagé en service civique.
L’État assurera par ailleurs la couverture intégrale de la protection sociale et de la cotisation retraite du volontaire pour environ 387 euros par mois. Il contribuera à l’accompagnement du volontaire en soutenant les structures associatives à raison de 100 euros par mois et assurera l’organisation de formation civique et citoyenne pour 1, 5 million d'euros en 2010.
C’est sur cette base que nous pourrons mettre en œuvre un service civique dont l’indemnité ne constituera pas l’unique motivation pour le jeune, mais qui sera suffisamment protecteur pour ne pas être un obstacle à son engagement.
Toutefois, s’il est essentiel dans la réussite du service civique, le soutien financier de l’État ne garantit pas seul son succès. À cet égard, vous aviez tous très largement insisté sur la nécessité de clarifier la gouvernance. Ces questions tout à fait pertinentes étaient même contenues dans l’objet de la proposition de loi d’Yvon Collin : la clarification et la simplification opérées par le texte n’auraient eu que peu d’effet s’il n’y avait eu une véritable gouvernance.
C’est ainsi qu’en attribuant à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, l’INJEP, le pilotage du service civique, la Haute Assemblée avait souhaité alerter le Gouvernement sur la nécessité de disposer d’un dispositif de gouvernance simple, visible, spécifiquement dédié au service civique. Nous avons entendu cet appel : l’Agence du service civique, constituée sous forme de groupement d’intérêt public, sera créée pour assurer le pilotage et l’animation du service civique. Elle sera appuyée par un comité stratégique qui associera l’ensemble des partenaires du service civique, dans lequel le Parlement sera représenté par deux députés et deux sénateurs. Cette structure se voit confier des responsabilités importantes : promotion des missions, mise en relation entre les offres et les demandes, coordination locale, mobilisation des acteurs, définition des missions prioritaires, définition du socle commun de la formation civique, modalité d’accueil des volontaires, respect de la mixité sociale entre jeunes volontaires en service civique.
Je tiens à cet égard à rassurer votre rapporteur qui s’inquiète de la création de cette instance. L’objectif de l’Agence du service civique est de promouvoir le service civique et de faire en sorte qu’il ne fonctionne pas comme une super-structure administrative supplémentaire. C'est la raison pour laquelle nous rassemblons les services d’organismes existants dans un établissement dédié. Nous serons vigilants quant à son coût pour les finances de l’État : il s’agit bien de mutualiser les moyens existants pour leur donner d’avantage d’efficacité, tout en prévoyant les personnels nécessaires pour animer un projet qui concernera 10 000 jeunes d’abord, 75 000 jeunes ensuite. Il faut faire en sorte que les premières collectivités territoriales et associations intéressées puissent rapidement être agréées pour pouvoir accueillir ces jeunes.
Je veux ici saluer également le travail réalisé par l’Assemblée nationale, tout particulièrement par le rapporteur, Claude Greff, et le rapporteur pour avis, Françoise Hostalier, mais aussi par les porte-parole des groupes politiques, Bernard Lesterlin pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, Jean Dionis du Séjour pour le groupe Nouveau Centre, Marie-Hélène Amiable pour le groupe Gauche démocrate et républicaine et Patrick Beaudouin pour le groupe UMP. Tous ont su à la fois respecter les grandes lignes de la proposition de loi et travailler dans un esprit constructif en vue d’améliorer et de perfectionner les dispositions adoptées par le Sénat.
Un effort de clarification du texte a été mis en œuvre. Le service civique est désormais constitué de deux formes, l’une que j’appellerai le service civique de droit commun, le service civique au sens strict, et l’autre qui, faisant droit à la diversité des formes d’engagement des jeunes ou des moins jeunes, auprès d’associations, en France ou à l’étranger, reconnaît la valeur de l’engagement désintéressé.
À ce propos, je crois utile de préciser que le volontariat associatif sort renforcé de cet exercice. Les dispositions de la loi de 2006 sont supprimées, mais elles sont reprises dans le nouveau texte : les associations, avec le nouveau « volontariat de service civique », continueront de bénéficier d’un outil – il reste d’ailleurs largement à développer – leur permettant d’associer des jeunes et des moins jeunes à la réalisation de leurs projets.
Je sais, par ailleurs, que certains aménagements apportés par l’Assemblée nationale ont pu vous interpeller, comme l’a souligné M. le rapporteur. Ces aménagements ont tous eu le même objectif : clarifier le message à destination des jeunes.
C’est par souci de cohérence et pour ne pas brouiller les intentions que l’Assemblée nationale a supprimé les dispositions autorisant le cumul d’un service civique avec l’exercice d’une activité professionnelle ou la poursuite d’études.
Cette suppression ne doit pas être interprétée comme une interdiction de cumul, monsieur le rapporteur. Comment pourrait-on, en effet, viser un objectif de mixité sociale en interdisant strictement aux jeunes engagés dans un service civique d’exercer une activité rémunérée complémentaire pour subvenir à leurs besoins ?
C’est donc à l’appréciation de l’organisme d’accueil et de l’Agence du service civique qu’est laissé le soin d’autoriser ou non ce cumul en fonction des missions exercées et de la situation sociale du jeune.
Il s’agit non pas d’une mesure de restriction, mais d’une souplesse, qui permet d’adapter le contrat en fonction des situations constatées sur le terrain.
Ainsi, rien n’empêchera un jeune de faire son service civique dans la journée en fonction des horaires que nous avons définis et de travailler quelques heures le soir ou le week-end ou de suivre des cours du soir pour poursuivre ou achever une formation. Il doit juste veiller à bien pouvoir assumer ses missions telles qu’elles sont définies dans son contrat d’engagement.
En résumé, l’Assemblée nationale a craint que le maintien de la rédaction initiale n’aboutisse à instituer un service civique auxiliaire par rapport à un emploi principal, ce que personne ne souhaitait.
Aux termes du texte tel qu’il a été transmis au Sénat, dans le silence des dispositions sur ce point, il s’agit bien d’un service civique principal, c'est-à-dire de l’activité exercée à titre principal par le jeune pendant une période de six à douze mois, pour lui permettre de s’immerger et de s’investir dans le service civique, sans que rien ne s’oppose juridiquement à ce qu’il exerce d’autres activités, si elles sont conformes aux missions définies dans le cadre du contrat qu’il a conclu avec l’organisme d’accueil et de l’agrément délivré par l’Agence du service civique. Ainsi, rien n’interdira à ce jeune de suivre quelques cours s’il est étudiant, de démarrer un travail s’il le souhaite, autrement dit de pratiquer une activité qui lui permette de se consacrer au service civique.
C’est également pour clarifier le dispositif qu’a été retirée la disposition visant à accorder une attestation de service civique aux bénévoles placés dans les mêmes conditions que des jeunes engagés en service civique.
J’ai le même regret que vous sur ce point. J’ai plaidé avec le plus de vigueur possible pour que des jeunes qui passent tous leurs week-ends pendant des années à s’occuper, par exemple, de personnes handicapées puissent se faire délivrer l’attestation de service civique. Finalement, l’Assemblée nationale a considéré qu’il fallait d’abord laisser monter en charge le système et attendre le rendez-vous fixé en 2011, date à laquelle un rapport d’évaluation du service civique doit permettre de déterminer s’il y a lieu de se montrer plus souple et d’accorder cette reconnaissance.
Le dispositif est donc réservé à une période continue d’engagement et n’interfère pas avec le bénévolat des jeunes en la matière. Mais je suis sûr que nous aurons l’occasion de revenir sur ce point.
C’est toujours pour apporter plus de lisibilité et de cohérence au dispositif que la nature de l’organisme susceptible d’accueillir un jeune en service civique a été précisée : désormais, les associations cultuelles, politiques, les congrégations ou les fondations d’entreprise ne pourront être agréées comme organismes d’accueil. Cette exclusion est expressément prévue et me paraît aller dans le sens de ce que vous avez souhaité : un service civique non lucratif, républicain, laïc.
Enfin, je tiens à rassurer M. le rapporteur : c’est bien par pragmatisme que l’Assemblée nationale a accordé la possibilité de déroger à une durée hebdomadaire de vingt-quatre heures par semaine sur toute la durée du contrat. Il s’agit ainsi de répondre au mieux aux attentes du terrain pour accorder davantage de souplesse à l’exercice des missions de service civique qui seront proposées aux jeunes. L’agrément pourra effectivement prévoir l’exercice d’une activité moins intense de service civique, si la mission le permet ou si la situation du jeune le justifie.
Parmi les aménagements apportés à la proposition de loi, l’Assemblée nationale n’a pas oublié le lien intergénérationnel, point que nous avions évoqué à la fois à l’occasion du débat sur le service civil volontaire en juin dernier et lors de la première lecture au Sénat de la présente proposition de loi voilà quatre mois. Ainsi, un service civique senior est prévu pour permettre aux jeunes retraités, nombreux à vouloir s’engager au service de la collectivité, de ne pas rester à l’écart du nouveau service civique. Ils peuvent y apporter beaucoup, notamment en encadrant les jeunes volontaires. Cet engagement devait faire l’objet d’une reconnaissance et d’une valorisation particulières. Cela est désormais prévu dans la proposition de loi.
La réforme du service civique a par ailleurs trouvé à s’articuler avec celle de la Journée d’appel de préparation à la défense, la JAPD. Votre assemblée avait inscrit dans le programme de cette journée une présentation du service civique. En renommant « Journée défense et citoyenneté » la JAPD, l’Assemblée nationale a placé sous un angle nouveau le service civique au sein de cette Journée, tout en soulignant le lien indéfectible qui existe entre défense et citoyenneté. Si vous adoptez ce texte, mesdames, messieurs les sénateurs, vous permettrez donc à 800 000 jeunes chaque année d’en bénéficier.
L’introduction dans la proposition de loi d’une obligation de formation des jeunes âgés de seize à dix-huit ans est également une avancée qui se révélera sans aucun doute considérable. Comme certaines grandes avancées, elle est passée pour l’instant inaperçue. Mais elle ne l’a pas été aux yeux de la mission commune d’information du Sénat sur la politique en faveur des jeunes, qui a insisté sur la perte que représente le manque de formation de ces jeunes.
La proposition de loi prévoit que les pouvoirs publics doivent s’organiser pour qu’aucun jeune entre seize et dix-huit ans ne soit laissé hors de tout parcours. Pour la première fois, la loi reconnaît une obligation de prendre en charge systématiquement les jeunes dans cette tranche d’âge, en formation, en emploi ou, éventuellement, en service civique. Elle s’inscrit ainsi dans le prolongement de l’œuvre de Jules Ferry et des lois instituant la scolarité obligatoire jusqu’à quatorze ans, puis seize ans. Ce sera un travail considérable.
Le texte proposé à l’article 3 ter pour l’article L.313-8 du code de l’éducation dispose : « Le service public de l’orientation tout au long de la vie et tous les organismes qui y participent s’organisent au plan régional et local pour permettre à tout jeune âgé de seize à dix-huit ans sorti sans diplôme du système de formation initiale et sans emploi de se réinscrire dans un parcours de formation, d’accompagnement ou d’exercer une activité d’intérêt général lui permettant de préparer son entrée dans la vie active. »
Je pourrais être intarissable sur ce projet, l’un des plus beaux que l’on puisse mener. Ceux qui hésitent encore à le voter devraient penser à l’élan qu’il suscitera chez les jeunes.
Deux personnalités fortes, Stéphane Hessel et Simone Veil, ont apporté, voilà dix jours, leur soutien au service civique en ces termes : « Nous qui avons vécu toutes les horreurs du siècle précédent, qui avons été contraints à l’engagement en raison des circonstances épouvantables que nous avons traversées, qui nous sommes engagés au service de la liberté dans les grands combats de la Résistance, nous venons dire aux jeunes d’aujourd'hui que le service civique est un engagement choisi, face à d’autres enjeux, d’autres défis qui paraissent peut-être moins immédiats, moins chargés de menaces directes, mais qui nécessitent pourtant de se mobiliser. » On ne peut laisser sans écho ce message formidable qu’ils sont venus délivrer à la jeunesse.
Je fais donc appel à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, sur toutes les travées de la Haute Assemblée, pour que ce texte, qui a vu le jour grâce à votre initiative et que nous avons élaboré ensemble, devienne un projet réel et ambitieux pour la jeunesse, qui est attentive à nos actes. C’est le moment de lui montrer que nous sommes capables de lui offrir l’opportunité de s’engager pour la nation, l’intérêt général, le développement international.
Nous avons ainsi conçu un outil pour la renaissance de l’engagement et le plein accomplissement de la citoyenneté. Que vive le service civique !