Dans chaque chambre, le débat a été riche et constructif et a permis d’améliorer le texte dans le sens d’une plus grande efficacité.
Le Sénat, avec l’objectif de réussir le lancement d’un outil majeur de cohésion sociale en direction de notre jeunesse, avait travaillé principalement dans deux directions : le renforcement du caractère citoyen du service civique et l’amélioration du dispositif de gestion administrative, qui n’avait pas été prévu dans la proposition de loi initiale.
L’Assemblée nationale a souhaité, quant à elle, selon les mots de Mme Claude Greff, rapporteure du texte, au nom de la commission des affaires culturelles, « rationaliser le dispositif proposé ».
Globalement, si l’Assemblée nationale a profondément modifié le texte sur la forme, elle ne l’a pas bouleversé sur le fond.
Des clarifications ont tout d’abord été apportées sur la nature des organismes susceptibles d’accueillir des volontaires et sur les conditions d’accès au service civique pour les étrangers.
Par ailleurs, il est désormais prévu que c’est l’État qui indemnisera directement les volontaires, les associations n’ayant donc plus besoin de se faire rembourser les sommes versées aux volontaires. Toutes les associations que j’ai pu auditionner après l’examen du texte à l’Assemblée nationale sont très favorables à cette disposition de nature à assouplir leurs formalités administratives et à renforcer la solennité du service civique. Je crois qu’il s’agit effectivement d’une réelle avancée.
Mais la question majeure réside dans les montants d’indemnisation prévus. Après le vote de ce texte à l’Assemblée nationale, j’ai reçu au Sénat, la semaine dernière, une soixantaine de jeunes qui m’ont indiqué que, pour accomplir ce service civique, il leur était indispensable de disposer d’une somme mensuelle de près de 600 euros, montant au-dessous duquel ils se trouveraient en difficulté.
Vous venez de nous annoncer qu’elle se situerait, si j’ai bien compris, entre 540 euros et 640 euros, ce qui nous donnerait tout à fait satisfaction. Je suis, quant à moi, convaincu que le succès et le bon fonctionnement du service civique passent par une indemnisation de ce niveau.
Par ailleurs, comme le Sénat l’avait souhaité, le Gouvernement a proposé à l’Assemblée nationale un montage administratif ambitieux pour le service civique en créant un groupement d’intérêt public, ou GIP, dénommé « Agence du service civique », qui serait responsable de l’ensemble du pilotage du dispositif, en amont, avec la définition des missions prioritaires et la gestion des agréments, et, en aval, avec l’évaluation du dispositif et l’animation du réseau, ainsi que de la politique de communication de l’établissement. Ce GIP réunira l’État, l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire et l’association France Volontaires. Cette solution devrait permettre de donner une efficacité et une notoriété réelles au dispositif.
Toutefois, je tiens à insister sur le point suivant, que vous avez également évoqué, monsieur le haut-commissaire : la nécessité de ne pas ajouter une structure supplémentaire à celles qui existent déjà. Le Sénat, en matière budgétaire, se montre toujours très attentif aux dépenses, et les propos tenus tout à l'heure par le président de la commission des finances le confirment. Compte tenu de la complexité des dispositifs mis en œuvre dans le secteur de la jeunesse, il est essentiel que les structures dans ce domaine soient bien lisibles et n’entraînent pas de dépenses supplémentaires.
Au-delà de ces approfondissements des orientations sénatoriales, qui sont autant de points de satisfaction pour la commission de la culture, comme pour la plupart de nos collègues, l’Assemblée nationale est aussi revenue sur des dispositions que le Sénat avait adoptées.
La « Journée d’appel de préparation à la défense » serait ainsi transformée en « Journée défense et citoyenneté », plutôt qu’en « Journée d’appel de préparation au service national ». Si la dénomination change, la mutation de la journée qu’a souhaité inspirer le Sénat, en renforçant l’information citoyenne, est maintenue.
Plus fondamentalement, l’Assemblée nationale a introduit une distinction nouvelle entre l’engagement de service civique et les autres formes de service civique.
L’engagement de service civique correspondrait au cas où l’État prend en charge l’indemnisation des volontaires et serait donc réservé aux jeunes de seize à vingt-cinq ans. Sur le fond, là encore, l’esprit du texte sénatorial n’est pas modifié.
Il est prévu que l’engagement soit exercé de manière continue – la possibilité de fractionnement prévue par le Sénat disparaît donc – et qu’il soit limité à douze mois et non plus à vingt-quatre mois. Ces légèresmodifications sont à rebours des souhaits du Sénat, mais elles restent très minimes.
Cependant, deux modifications sont plus importantes : l’une porte sur la possibilité de cumuler un service civique et l’exercice d’une activité professionnelle ou la poursuite d’études, qui a été supprimée par l’Assemblée nationale.
Il s’agit là, à mon sens, d’une « rigidification » inutile du dispositif qui pourrait nuire à l’objectif de mixité sociale que nous visons, les jeunes travailleurs et les étudiants qui souhaitent poursuivre leurs études en parallèle risquant d’être exclus du service civique.
Je crois néanmoins pouvoir dire que le fait que cette possibilité de cumul entre un service civique et une activité ne soit pas explicitement mentionnée dans le texte n’empêche absolument pas qu’elle puisse exister. Vous l’avez confirmé il y a quelques instants, monsieur le haut-commissaire, il est extrêmement important pour la mixité sociale que nous puissions avoir aussi bien des jeunes en difficulté, sans emploi et qui ne suivent pas d’études, que des jeunes qui travaillent tout en poursuivant des études.
L’autre modification vise à renforcer l’obligation de durée minimale d’activité fixée à vingt-quatre heures hebdomadaires. Toutefois, une possibilité de dérogation est laissée ouverte. La commission de la culture souhaite, à cet égard, qu’elle soit la plus large possible afin, encore une fois, de favoriser la mixité des volontaires.
Monsieur le haut-commissaire, j’avais une question à vous poser sur l’application de cette règle des vingt-quatre heures hebdomadaires d’activité. Vous y avez répondu : il est nécessaire d’avoir le système le plus souple possible pour que chaque jeune puisse s’investir à son gré.
Réservé aux personnes âgées de plus de vingt-cinq ans, le volontariat de service civique ressemble au volontariat associatif actuel et est conforme aux objectifs que le Sénat avait fixés.
Je souligne une grande nouveauté, le fait que le volontariat international en entreprise, le VIE, sera inclus dans le dispositif du service civique. Cette mesure déroge au principe selon lequel le service civique doit absolument s’exercer en faveur de l’intérêt général mais il apparaît que le VIE participe fortement au rayonnement de la France à l’étranger et que son caractère marginal ne remettra pas en cause la philosophie profonde du service civique.
Une « attestation de service civique senior » pourra également être délivrée pour les personnes qui contribuent à la formation civique et citoyenne ou au tutorat des personnes effectuant un engagement de service civique.
Enfin, des dispositions transitoires plutôt intéressantes ont été introduites.
La question qui se pose aujourd’hui à nous est donc de savoir si nous souhaitons repousser de plusieurs mois l’adoption de ce texte en votant l’un des amendements déposés. Ma conviction, qui est celle de la commission, est que ce texte est bon et qu’il pourrait être utilement réexaminé après un bilan d’activité dans un an.
Rappelons, à cet égard, que le comité de suivi mis en place par le Sénat a été maintenu à l’Assemblée nationale et qu’il permettra que les parlementaires se penchent sur les évolutions possibles du service civique et, éventuellement, sur la question du service civique obligatoire que soutiennent certains de nos collègues.
C’est la raison pour laquelle, en attendant ce bilan d’étape, et sous réserve d’éclaircissements complémentaires du haut-commissaire, la commission a adopté ce texte sans modification afin qu’il puisse être promulgué le plus vite possible et que des jeunes puissent s’investir dans le service civique dès la rentrée prochaine.