Intervention de Marie-Agnès Labarre

Réunion du 25 février 2010 à 14h30
Service civique — Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

Photo de Marie-Agnès LabarreMarie-Agnès Labarre :

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, les membres de mon groupe et moi-même sommes convaincus de l’intérêt de créer un dispositif qui permette aux jeunes de s’engager dans des projets d’intérêt général et d’œuvrer pour des organismes dont la vocation est l’exercice de la solidarité.

En revanche, nous sommes malheureusement beaucoup moins enthousiasmés par le service civique que nous propose le Gouvernement.

En effet, nous avons bien noté l’étonnante récupération de cette proposition de loi, déposée par le groupe du RDSE, mais qui a été annoncée par le Président de la République lui-même dans le cadre du « plan jeunes » en octobre 2009 !

Voilà qu’il devient urgent d’agir pour la jeunesse, voilà que le Gouvernement se précipite sur une initiative législative dont il n’est même pas à l’origine !

Alors que l’on mesure, en ces temps de crise économique et sociale, une explosion du chômage, comment ne pas voir dans ce curieux service civique un stratagème destiné à réduire artificiellement les chiffres du chômage ?

La précipitation et le besoin de communication sont tels, en cette période pré-électorale peu favorable au Gouvernement, que l’on annonce déjà, avant même le vote définitif de la loi, les premiers services civiques internationaux !

Au-delà des conditions d’élaboration de la loi, et malgré notre volonté affirmée de créer un véritable service national de solidarité, il faut permettre aux jeunes de réaliser leur envie de s’engager, de revaloriser leur place au sein d’une société qui les stigmatise.

Nous ne saurions donc partager la volonté de mettre en place le service civique tel qu’il est conçu par cette proposition de loi, et ce, malgré les améliorations certaines, dont il faut prendre acte, qui ont été opérées par les deux assemblées.

Tout d’abord, ce service civique est conçu sur des bases contestables que nous ne saurions cautionner

Ce nouveau dispositif est, en effet, conçu, non pas comme un apprentissage des valeurs de notre République, mais comme une réponse aux délits et aux troubles sociaux qui minent notre société en mal de repères.

Le service civique qui nous est proposé serait donc un remède au mal de la société. Rien de moins !

Nous savons bien que ce service civique-là, une fois passé l’effet d’annonce médiatique, ne permettra pas au Gouvernement de cacher son incapacité à identifier et à résoudre des problèmes sociaux d’envergure.

Ensuite, je relève que ce service civique se trompe de public.

Parce que le service civique ne doit pas être une réponse pour des adultes sans emploi, nous défendons, nous, un service civique qui ne s’appliquerait qu’aux jeunes majeurs de dix-huit à vingt-cinq ans.

Parce que le service civique ne doit pas constituer une réserve de main-d’œuvre à bon marché pour toutes sortes d’entreprises qui en rêvent, nous défendons, nous, l’idée que les bénéficiaires de ce dispositif ne puissent être que des structures publiques ou privées à but non lucratif.

Enfin, je relève que ce service civique stigmatise curieusement une partie de la jeunesse de notre pays.

Vous pointez sans cesse du doigt une jeunesse déscolarisée, incivique et délinquante, en perpétuelle contestation de l’ordre et de l’autorité.

Si l’on attend du service civique qu’il propose une solution à des jeunes en échec scolaire et confrontés à un chômage toujours plus important, si l’on attend du service civique qu’il résolve l’inégalité sociale et territoriale inadmissible qui sévit en France, la désillusion risque d’être de taille !

Nous ne souhaitons pas, nous, que le service civique puisse constituer une alternative à l’école et qu’il puisse être un moyen d’occuper des jeunes sortis du système scolaire. Nous ne partageons pas votre vision de ce que peut être la jeunesse française, ni même cette conception du rôle que pourrait jouer le service civique dans la résorption de problèmes beaucoup plus larges.

Pour notre part, nous préférons appeler de nos vœux un dispositif d’engagement national de solidarité qui, bien au contraire, revaloriserait la jeunesse et sa place dans la société, et aiderait à lutter contre sa stigmatisation, que répercute malheureusement cette proposition de loi.

Pour notre part, nous continuons de militer pour que s’exercent les valeurs de solidarité sur une base volontaire, pour elles-mêmes, et non dans la seule perspective d’éduquer les mauvais citoyens aux valeurs de la République, de la nation et au respect des leurs symboles.

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