Intervention de Pierre Bordier

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 27 novembre 2012 : 1ère réunion
Établissements publics de coopération culturelle — Communication

Photo de Pierre BordierPierre Bordier, co-président :

Le recours au statut d'EPCC va croissant et ses mérites sont soulignés par tous les interlocuteurs. Tout d'abord, je rappelle que l'EPCC est une structure juridique permettant d'organiser le partenariat entre l'État et les collectivités territoriales, ou entre ces dernières seules si elles le souhaitent, pour la gestion d'équipements culturels structurants. L'EPCC s'inscrit dans la logique de la décentralisation culturelle et répond au besoin d'organiser le cofinancement de projets culturels engagés sur les territoires.

Comme le Comité de liaison des EPCC l'a rappelé devant notre commission, l'EPCC a connu trois vagues de création :

- la première répondait à un besoin de regroupement de structures, en général existantes et souvent associatives ;

- une nouvelle génération d'établissements a répondu au choix, parfois par défaut, d'un statut permettant de développer de nouvelles missions ;

- la troisième vague concerne les écoles d'art, en vue de développer des pôles d'enseignement supérieur culturel, dont nous parlerons plus loin.

Au total, on compte environ 70 EPCC sur le territoire. Leur champ d'intervention est très large : le secteur de la création artistique est le plus concerné (théâtres, opéras...), puis viennent l'enseignement supérieur et le patrimoine. Les industries culturelles et la lecture publique ont eu moins recours à ce statut. Certains EPCC ont un double champ de compétence ou sont pluridisciplinaires (comme certaines agences culturelles régionales). La participation des collectivités publiques est variable : en général communes et/ou établissements publics de coopération intercommunale ; un ou deux départements dans environ la moitié des cas ; les régions et l'État également dans la moitié des cas. Nous avons été frappés par le consensus des personnes auditionnées autour des mérites et atouts de l'EPCC. Voici les avancées qu'il peut permettre :

- une réflexion approfondie des différents partenaires publics sur leurs objectifs, moyens et priorités en faveur des politiques culturelles ;

- la mise en oeuvre d'une véritable stratégie en termes de politique culturelle territoriale, permettant de prendre en compte la spécificité des dynamiques locales. C'est un gage de pérennité des actions conduites, au-delà des sensibilités et éventuelles alternances politiques ;

- l'EPCC permet la coopération et la mise en commun de moyens publics, afin de conduire des actions artistiques et culturelles ambitieuses, le cas échéant transdisciplinaires, qu'aucun des échelons territoriaux ne pourrait conduire seul ;

- une meilleure visibilité des projets, donc des territoires et de leur attractivité culturelle ;

- un meilleur service rendu aux concitoyens dans un souci d'équité d'accès sur les territoires (mises en réseaux, incitation à la diffusion, etc.) ;

- éventuellement, des économies d'échelle (après absorption des coûts de mise en place).

Le paysage n'est cependant pas sans nuages : de nouveaux problèmes sont apparus depuis 2006.

Compte tenu de la diversité des EPCC, chaque cas est certes particulier. Néanmoins, certains problèmes sont largement partagés : quelles conditions faut-il remplir pour décider d'opter pour le statut d'EPCC ? Quelle place et rôle l'État doit-il occuper ? Par ailleurs, certaines adaptations législatives s'avèrent nécessaires, en particulier dans le domaine fiscal et concernant le statut du directeur d'établissement. Il est nécessaire de rappeler les conditions du succès, pour prémunir d'une éventuelle désillusion.

Certains EPCC semblent pâtir de difficultés entre les partenaires, en raison d'une insuffisante préparation en amont, d'accords insuffisamment clarifiés ou sujets à interprétation sur les objectifs et moyens.

Première recommandation : préalablement à la création d'un établissement, les collectivités publiques devraient impérativement mesurer la réelle volonté politique de chaque partie et définir le projet de manière approfondie. Le choix du statut juridique doit résulter d'une analyse partagée et non constituer un postulat posé a priori. A défaut, le risque est de choisir l'EPCC pour de mauvaises raisons et d'en sous-estimer les coûts et contraintes propres. A cette fin, la feuille de route à suivre devrait comporter plusieurs étapes :

- étudier la pertinence des politiques publiques et leur organisation sur le territoire ;

- définir précisément la nature et le périmètre du projet, dans toutes ses dimensions : culturelles, artistiques, sociales, pédagogiques, et bien sûr, territoriales ; mais aussi financières, le surcoût du passage en EPCC étant évalué à environ 20 % (recrutement de compétences juridiques, de gestion des ressources humaines, comptabilité publique, maintenance, gardiennage...) ;

- ensuite seulement, se poser la question du mode de gouvernance et de gestion. A cet égard, l'EPCC - qui peut être à caractère administratif, ou industriel et commercial - présente à la fois des lourdeurs mais aussi une souplesse appréciable. Nous réaffirmons donc le caractère central du projet lui-même, impulsé par la volonté politique des partenaires dans l'esprit collaboratif voulu par le législateur.

Comme l'avait indiqué notre présidente, Marie-Christine Blandin, l'EPCC doit être un « objet commun de désir », au service de l'intérêt général culturel et artistique. Ce dernier ne se résume pas à l'addition des apports de chacun mais bien à un projet partagé et porté par tous, au-delà des intérêts propres à chaque collectivité. La coopération permet alors de sortir d'une éventuelle rivalité entre collectivités et/ou structures.

Il faut aussi rappeler que le projet doit être d'une taille suffisante pour justifier la création d'un établissement public, dont les coûts sont réels, et permettre à terme des économies d'échelle. Si l'on part d'une structure municipale ou intercommunale, il conviendra de recruter des compétences administratives et techniques, le recours aux services communaux étant désormais interdit ; si l'on part d'une structure associative, il est important d'anticiper notamment le coût du passage à la gestion publique. Le budget annuel minimal pour passer en EPCC est évalué à un million d'euros. Il faut aussi bien entendu s'assurer de disposer des ressources pérennes nécessaires au développement du projet dans le temps. Il est essentiel que les dispositions des statuts relatives aux apports et contributions respectives des partenaires soient rédigées avec le plus grand soin, de façon à prévenir toute difficulté dans leur application ou dans leur interprétation. Il en est de même pour les transferts ou acquisitions ; s'est ainsi posée par exemple la question de la propriété de collections de tableaux...

Deuxième recommandation : il convient également d'étudier en amont l'opportunité d'autres statuts juridiques, ceci d'autant plus que la palette des instruments s'est étoffée depuis la loi du 28 mai 2010, avec la société publique locale (SPL). Relevons que certains d'entre eux présentent l'avantage de n'être pas soumis aux règles communautaires de mise en concurrence : c'est notamment le cas de la régie municipale, du syndicat communal ou intercommunal, et de la SPL. La SPL, inexistante au moment de la création et de la révision de la loi EPCC, peut constituer une bonne alternative si toutes les conditions évoquées précédemment ne sont pas réunies et que l'État n'est pas partie prenante.

Je vous en rappelle les principales caractéristiques :

- le champ d'intervention de cette société anonyme, limité aux strictes compétences des collectivités locales, couvre l'exploitation de services publics à caractère industriel ou commercial et le large champ des activités d'intérêt général ;

- son capital doit être détenu à 100 % par au moins deux collectivités territoriales (ou leurs groupements), à l'exclusion donc de l'État ;

- elle ne peut travailler que pour ses seuls actionnaires et uniquement sur leurs territoires.

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