Intervention de Pierre Bordier

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 27 novembre 2012 : 1ère réunion
Établissements publics de coopération culturelle — Communication

Photo de Pierre BordierPierre Bordier, co-président :

Il est essentiel de solutionner les problèmes fiscaux menaçant certains EPCC. Une difficulté majeure, inconnue en 2002 et 2006, est désormais relayée par une majorité d'interlocuteurs. Elle tient au statut fiscal complexe et défavorable des EPCC. S'agissant de la taxe sur les salaires, il existe deux cas de figure :

- si les subventions de fonctionnement perçues par l'établissement sont imposables à la TVA, la taxe sur les salaires n'est pas applicable ;

- si elles ne le sont pas, la taxe s'applique.

Ce second cas est devenu courant, la jurisprudence européenne (arrêt SATAM de 1993) ayant resserré les critères d'application de la TVA.

L'instruction fiscale du 16 juin 2006 a pris acte de ces évolutions. Depuis lors, à moins d'être assimilées à une subvention complément de prix (c'est-à-dire octroyées exclusivement pour compléter le prix demandé au public pour le bien vendu ou service rendu), les subventions se voient appliquer l'article 231 du code général des impôts (CGI) relatif à la taxe sur les salaires. Pour bon nombre d EPCC, à forte masse salariale, la charge fiscale a alors décuplé. Cette situation met en péril l'équilibre financier de certains EPCC, voire leur pérennité, et constitue un frein à la création de nouvelles structures.

Le cas de l'EPCC de l'Yonne, où nous nous sommes déplacés, est emblématique : commune et conseil général créent un EPCC pour reprendre les missions et activités (d'enseignement artistique) de structures locales existantes, qui étaient elles-mêmes exonérées de taxe sur les salaires. Pourtant, sans alerte préalable d'aucun des représentants de l'État, les services fiscaux ont assujetti l'établissement à la taxe, quand bien même d'autres EPCC similaires ne le seraient pas...

Je rappelle que l'article 231 du CGI prévoit des exemptions de taxe, notamment pour les collectivités locales, leurs régies personnalisées et leurs groupements, ou encore des établissements d'enseignement supérieur délivrant au nom de l'État des diplômes sanctionnant cinq années d'études, lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la TVA. L'EPCC de l'Yonne semblait entrer dans ce cadre. L'article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) précise ce qu'on entend par « groupements de collectivités locales » : il mentionne notamment les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et syndicats mixtes. Une interprétation favorable de ces articles permettrait de traiter un EPCC constitué en établissement public administratif comme un groupement de collectivités au sens de ces articles.

Les représentants de Bercy auditionnés considèrent cependant qu'il n'y a aucune raison que l'EPCC ne contribue pas à l'abondement du budget de l'État et craignent l'effet « boîte de Pandore » de la part d'autres types d'établissements. Mais, dans le même temps, les collectivités sont incitées à trouver des solutions de mutualisation, sachant que nous sommes tous très attachés à la clause de compétence générale pour la culture, ce qui implique des financements croisés ou mis en commun.

L'exception culturelle plaidée à Bruxelles ne pourrait-elle pas trouver à s'appliquer sur le territoire national ?

Il nous apparaît nécessaire :

- que le ministère des finances interprète favorablement les dispositions législatives relatives à la taxe sur les salaires (articles 231 du CGI et L. 5111-1 du CGCT) ;

- à défaut, d'inscrire l'EPCC à caractère administratif au titre des dérogations à l'assujettissement à la taxe sur les salaires prévues à l'article 231 du CGI ;

- de former les comptables publics aux spécificités des EPCC et, plus généralement, des secteurs culturels.

S'agissant de la TVA, il arrive qu'une collectivité prenne la maîtrise d'ouvrage pour bénéficier du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), alors même qu'il serait parfois plus pertinent que l'EPCC l'assure lui-même.

Par ailleurs, l'État n'étant pas éligible au FCTVA, il est arrivé qu'il se retire d'un EPCC pour que ce dernier puisse y accéder (à Nantes). Cette situation n'est pas satisfaisante.

Les statuts de l'EPCC pourraient prévoir que ce dernier assurerait la maîtrise d'ouvrage si nécessaire.

Le statut du directeur devrait être utilement conforté.

L'EPCC dispose de la personnalité morale et d'une autonomie, incarnée par son directeur dans le cadre du mandat qui lui a été confié par le CA. Ce statut donne une certaine stabilité à la fonction, le directeur ne dépendant pas d'une seule autorité politique. Mais il s'avère parfois difficile de trouver l'équilibre entre le légitime intérêt des élus et l'autonomie du directeur.

Les directeurs, mais aussi d'autres interlocuteurs, insistent sur la nécessité de conforter ce statut, notamment au moment de la nomination et du renouvellement du mandat.

Nos propositions visent à conjuguer nécessité de donner au directeur le temps de mettre en oeuvre le projet et faculté pour les collectivités de renouveler le titulaire du poste.

Nous proposons de modifier la loi EPCC pour :

- faire passer la durée du mandat initial du directeur à 5 ans (au lieu de l'option 3 à 5 ans) ;

- prévoir un bilan d'étape à l'issue d'une période de 3 ans, afin de permettre une inflexion si nécessaire ;

- procéder à une évaluation à échéance de 4 ans, dans la perspective du renouvellement du mandat ;

- avant l'échéance du mandat, informer le directeur suffisamment en amont avant d'ouvrir le poste ;

- engager une réflexion au ministère de la culture sur les conditions de transition entre ce statut et la suite de la carrière.

Par ailleurs, nous souhaitons attirer votre attention sur des questions spécifiques à certains secteurs :

- en cas de transformation d'un centre dramatique national (CDN) en EPCC, le mode de nomination du directeur prévu par la loi entre en contradiction avec la nomination par le ministre de la culture prévue pour ce type de salle labellisée. Une procédure d'agrément par le ministre pourrait être envisagée, ce point méritant d'être discuté avec les représentants des élus.

- dans certains secteurs (musées par exemple), la loi réserve l'emploi de directeur à un personnel scientifique formé à cette fin. Tel n'est pas le cas en revanche pour les bibliothèques et médiathèques, qu'un nombre croissant de collectivités envisagent de transformer en EPCC. Ceci suscite des inquiétudes, la possibilité étant ouverte de recruter un directeur « manager » mais ne disposant pas des compétences scientifiques nécessaires.

Nous avons également divers autres sujets de préoccupation.

Quid des représentants des personnels membres du conseil d'administration ?

La question de l'articulation entre CGCT et code du travail se pose sans qu'une réponse claire ait pu être apportée par le ministère de la culture.

Il est nécessaire de prévoir des formations adaptées à destination des élus.

Il serait utile :

- d'une part, de faciliter le développement de l'EPCC en permettant l'adhésion de nouveaux partenaires sans que chacune des collectivités membres ait nécessairement à soumettre cette décision à délibération ;

- d'autre part, d'assouplir les conditions de sortie du statut d'EPCC, l'évolution du projet ou des partenariats pouvant le nécessiter.

L'Institut français et les EPCC devraient développer leurs relations en vue de conduire des actions à l'international.

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