Je souhaite enfin évoquer le cas des établissements supérieurs d'enseignement artistique. La dernière vague de création d'EPCC explique une bonne part des crispations observées récemment. Et pour cause : l'esprit de la loi a été dévoyé, le principe de volontariat ayant été bafoué. L'objectif est certes louable : il s'agit d'intégrer l'enseignement artistique dans le système européen d'enseignement supérieur organisé par les accords de Bologne, qui exigent l'autonomie juridique des établissements délivrant les enseignements et diplômes nationaux. Après une longue concertation entre les deux autorités de tutelle (ministères de la recherche et de l'enseignement supérieur), et entre l'État et les villes sur les statuts envisageables, celui de l'EPCC a été imposé.
La loi de 2006 avait certes prévu cette faculté, mais le processus s'est fait à marche forcée. Alors que les écoles s'attendaient à ce changement à échéance de fin 2011, le calendrier s'est brutalement accéléré à la rentrée 2010, pour imposer cette mutation avant le 31 décembre (en vue d'une première délivrance de diplôme en 2012).
Aujourd'hui, 31 EPCC regroupent les 54 écoles territoriales d'art préexistantes, l'effet taille permettant la visibilité des établissements, leur plus grand rayonnement et la mutualisation des enseignements. L'offre de formation du spectacle vivant devrait aussi, à terme, être constituée autour d'une dizaine de pôles d'enseignement supérieur pluridisciplinaires constitués en EPCC. Trois sont déjà créés, d'autres sont en cours d'élaboration, et deux regroupent à la fois arts plastiques et spectacle vivant.
Plusieurs problèmes se posent :
- la brièveté des délais a conduit à se concentrer sur les aspects juridiques et administratifs plus que sur le projet pédagogique et de recherche, ceci d'autant plus que les lourdeurs administratives ont été souvent sous-évaluées ;
- il s'avère difficile de rassembler dans un même établissement des personnels aux statuts souvent très divers. Leur harmonisation poserait des problèmes de nature juridique et financière, les fonctionnaires de l'État étant mieux rémunérés que les fonctionnaires territoriaux, lesquels sont eux-mêmes traités de diverses façons selon les collectivités... La question de la revalorisation du statut des enseignants des écoles territoriales est néanmoins posée ;
- les difficultés sont accrues dans les établissements multisites et pluridisciplinaires. Le cas breton est le plus complexe : il regroupe 4 sites et des personnels ayant 9 statuts différents ;
- en outre, les personnels semblent avoir été insuffisamment informés en amont du processus et les enseignants pas assez associés ;
- le positionnement du directeur et des enseignants est parfois délicat : les directeurs n'exercent pas d'autorité hiérarchique sur les enseignants mis à disposition, ce qui peut rendre difficile la conduite du projet d'établissement ; des enseignants leur contestent d'ailleurs ce rôle, qui devrait selon eux revenir à un pair ;
- les personnels (enseignants et non-enseignants) et les étudiants participent aux instances de gouvernance (conseil d'administration - CA -, conseil pédagogique, conseil scientifique) mais leur participation au CA est faible au regard de la situation des universités ;
- certains demandent un renforcement de la place des personnalités qualifiées au sein du CA.
Certaines des préoccupations exprimées devraient s'apaiser à l'issue du processus de transition. D'autres renvoient clairement à l'inadéquation du statut d'EPCC aux spécificités de l'enseignement supérieur artistique. Il conviendra de prévoir une meilleure articulation entre ce dispositif et le système général d'enseignement supérieur. Nous estimons que si la nécessité d'ajustements législatifs se confirmait pour prendre en compte ces spécificités, ils devraient concerner les seuls établissements d'enseignement supérieur. Un texte ou un volet particulier de la loi EPCC pourrait leur être consacré dans cette optique.
Les problèmes liés aux statuts des personnels doivent être traités par la Direction générale des collectivités locales (DGCL) et la Direction générale de l'administration et de la fonction publique, suite aux propositions que devrait élaborer le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.