Nous ne possédons pas de légitimité à parler sur l'acte III de la décentralisation en général, mais le logement social est une politique nationale d'application fondamentalement territoriale, nécessitant l'établissement d'énormément de liens avec les élus. Notre contribution au débat tend à ce que la mécanique compliquée du logement social puisse mieux fonctionner et que sa gouvernance nationale et territoriale puisse être améliorée.
L'USH est une confédération rassemblant quatre grandes familles : la fédération des offices publics, la fédération des sociétés anonymes, les coopératives - qui font essentiellement de l'accession sociale à la propriété - et, enfin, les sociétés anonymes coopératives d'intérêt collectif pour l'accession à la propriété (SACICAP) - qui font essentiellement de la promotion mais exercent aussi des activités de syndic et des activités de holding axées sur le crédit à l'accession pour les plus défavorisés. Une cinquième fédération membre de l'USH est transversale, puisqu'elle rassemble les associations régionales des quatre autres familles. L'USH ne couvre pas les sociétés d'économie mixte. L'activité de cet ensemble représente 4,2 millions de logements gérés ; les membres de l'USH produisent 100 000 logements locatifs par an et 15 000 logements en accession à la propriété. Le secteur représente 13 000 administrateurs salariés, 70 000 bénévoles, 70 000 salariés, pour l'essentiel gardiens et personnels de proximité. Enfin, 11 millions de personnes sont hébergées par les seules HLM.
En fonction de cet arrière-plan et de l'ancrage local de notre action, nous estimons que nous pouvons contribuer utilement au débat sur la territorialisation de la politique de l'habitat.
On nous demande, d'une part, de renforcer très fortement la production de logement social, puisque nous devrions passer de 100 000 à 130 000 logements produits et, d'autre part, d'accentuer très fortement notre présence sur le terrain et l'accompagnement des locataires. On nous demande aussi de nous préoccuper de populations spécifiques : les plus pauvres, au travers de la politique de droit au logement opposable, les jeunes et les séniors.
La difficulté réside pour nous dans la connaissance des vrais besoins des uns et des autres sur le territoire. Qui doit définir ces besoins, qui doit être notre interlocuteur dans les territoires ? En outre, comment nous constituer nous-mêmes en interlocuteurs de ce vis-à-vis ? La situation est en effet confuse, non pas seulement en raison des modalités concrètes d'exercice des compétences juridiques, mais en raison des entrecroisements d'intérêts et d'interlocuteurs. Notre premier interlocuteur est l'Etat. Il définit la politique du logement et nous tenons à ce qu'il continue à en être le garant. Il apporte trois financements majeurs : la garantie fournie aux fonds d'épargne, à la règlementation du livret A, à l'alimentation des fonds d'épargne par le livret A, qui permet le financement, en moyenne, de 74 % d'une opération. Il apporte également des subventions directes aux opérations par le biais de l'aide à la pierre. Il apporte enfin des aides directes à la personne, ce qui tend à faciliter la solvabilité les locataires. L'Etat joue également un rôle essentiel par d'autres biais : les aides fiscales, dans la mesure où l'ensemble du secteur a un régime fiscal spécifique, ne payant pas l'impôt sur les sociétés et est très largement exonéré de TVA ; l'exonération de taxe sur le foncier bâti dans un certain nombre de zones ; les subventions versées à des associations qui nous servent de relais ; la garantie apportée aux opérations de rénovation urbaine ; la négociation du 1 % logement, désormais fixé à 0,45. Cependant, chacun de ces mécanismes est actuellement fragilisé, dans ses principes ou dans son application. Ainsi, une convention vient d'être passée qui oblige le 1 % logement à subventionner l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et une bonne partie de l'aide personnelle au logement. Il faut aussi prendre en considération le risque que les mécanismes de dépense fiscale soient regardés comme des niches fiscales. Nous estimons de notre côté qu'une politique sociale concernant une partie importante de la population peut difficilement être qualifiée de niche. En ce qui concerne l'aide au logement, le Gouvernement a inversé la tendance négative mais la situation reste fragile.
Il convient donc de renforcer et stabiliser la politique de l'Etat. Ceci étant, l'une des questions de gouvernance à résoudre sera de fixer les modalités du partenariat entre l'Etat, le mouvement HLM et les collectivités territoriales. La pire situation serait que l'Etat se désengage et que le poids financier et politique de ce désengagement retombe sur les collectivités.
La commune exerce des responsabilités extrêmement importantes en matière d'urbanisme ainsi que de production et d'attribution de logements sociaux. Elle garantit le logement social, et parfois le finance par un complément d'aide à la pierre. Elle est, enfin, très engagée dans les programmes de rénovation urbaine, soit en garantie, soit en complément de financement, et toujours en décision. Pour sa part, le département intervient assez fortement sur certaines catégories de personnes, notamment les personnes âgées et les jeunes travailleurs. En outre, les départements peuvent intervenir à travers des offices départementaux qui peuvent soit avoir une politique générale sur l'ensemble du département et les zones limitrophes, soit intervenir à titre « interstitiel », en finançant, par exemple, des constructions en zone rurale s'il existe un gros office en zone urbaine comme c'est le cas à Montpellier. La région intervient principalement en matière de logement des jeunes, de politique foncière, de rénovation énergétique. Comme elle n'a pas de compétence logement à proprement parler, ses interventions sont diversifiées en fonction des régions. En outre, la mauvaise coordination entre les exécutifs régionaux et les exécutifs locaux, notamment municipaux, entrave parfois l'action. A titre d'exemple, dans deux régions, le conseil régional a une politique de rénovation thermique calée sur des normes maximales, ce qui implique un moindre nombre de logements rénovés du fait du surcoût important que cela implique. Telle commune voudrait en revanche rénover un nombre important de logements, avec un niveau moindre de résistance thermique. L'action est alors bloquée, et les crédits FEDER perdus. Le bailleur social pris dans cette contradiction de politiques territoriales ne peut rien faire.
Face à ce type de situations, nous ne proposons pas la prise de pouvoir de l'un des interlocuteurs locaux. Nous pensons que la conjugaison des interventions en fonction de la diversité des politiques et des niveaux d'administration locale constitue un atout. Nous ne souhaitons pas qu'un niveau de collectivité soit désintéressé du logement social. Mais il faut organiser la cohérence des interventions. A cette fin, nous ne proposons ni un guichet unique, ni un interlocuteur unique mais un chef de file autour duquel trois fonctions doivent être assurées.
Tout d'abord, il faut consolider l'identification des besoins qualitatifs et qualitatifs : il s'agit de déterminer comment un bassin de vie, qui serait, dans l'immense majorité des cas, l'intercommunalité, peut susciter une expression cohérente des besoins et développer des réponses adaptées à la diversité des situations territoriales.
A côté de l'expression intelligente des besoins, la deuxième exigence à satisfaire est la mobilisation des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales et des opérateurs sur un territoire qui peut être, à nouveau, l'intercommunalité, pour assurer la cohérence des interventions.
La troisième exigence est de faire en sorte que soient prises - peut-être au niveau intercommunal mais en associant étroitement des communes - les dispositions conduisant les collectivités à exercer leurs responsabilités. Ceci concerne notamment, d'une part, les réserves foncières - la constitution de zones d'aménagement, y compris différé, est à prendre en considération à cet égard - et, d'autre part, la rénovation. Ceci suppose une étroite concertation avec l'intercommunalité, en liaison étroite avec la commune.
Il faut trois ans pour qu'un logement sorte de terre, en l'absence de recours abusif, de problème foncier, de problème de dépollution. Si nous voulons une vraie politique où construction neuve, réhabilitation lourde et réhabilitation normale du parc progressent de concert dans le respect des équilibres financiers des organismes, de l'Etat et des collectivités territoriales, une programmation intelligente est indispensable, pour laquelle nous avons besoin d'un interlocuteur, non pas unique, ni exclusif, mais chef de file, conçu de façon différente selon les territoires.