De belles réussites de création d'entreprises par l'Institut ont effectivement été rachetées par des entreprises américaines, comme, par exemple, Ilog, éditeur de logiciels, qui a été racheté par IBM pour 300 millions d'euros. Il en est de même d'Esterel Technologies, qui fabrique des dispositifs de développement de logiciels fiables dans le cadre d'une certification aéronautique. Je pourrais citer des dizaines d'autres exemples.
Mais Dassault systèmes, champion français et européen de l'édition de logiciels, rachète aussi des entreprises. Ce phénomène de consolidation et de rachat des start-up est mondial. C'est un moyen moderne de transfert des compétences, qui complète les partenariats avec les grandes entreprises.
Dans ce contexte, l'INRIA est un institut de recherche dont l'action pourrait se limiter à la création d'entreprises. Mais il s'efforce d'aller au-delà. L'INRIA a créé une filiale, INRIA Transfert, devenue INRIA Participations, qui gère des participations dans les start-up rachetées. Avec la Caisse des dépôts et de Consignations, l'INRIA a créé une autre filiale, IT Translation, qui soutient des jeunes entreprises d'édition de logiciels, pour qu'elles se développent rapidement. Ce soutien vise à remédier à la faiblesse de management et de financement dont beaucoup d'entre elles souffrent. En effet, ces entreprises sont créées par des jeunes chercheurs qui mettent l'accent sur la technologie, mais qui ont des difficultés à trouver le marché qui leur permettrait de décoller et de recruter des entrepreneurs.
L'insuffisance de financement résulte du fait qu'en général, ces entreprises sont créées par les propres moyens de ces jeunes chercheurs, lesquels ne disposent au départ que de quelques milliers d'euros et non des quelques millions d'euros nécessaires. C'est pourquoi l'INRIA a créé avec la Caisse des Dépôts et Consignations un fonds d'investissement doté de 30 millions d'euros, afin que les créateurs d'entreprises puissent disposer, au départ, d'une somme de 300 000 d'euros. Couplé à des financements en capital - par exemple un prix du concours national des créateurs d'entreprises, de l'ordre de 300 000 euros -, cette mise de départ leur permet d'accéder à des financements complémentaires, jusqu'à constituer un capital de départ de deux millions d'euros. Ces soutiens permettent de faire face à la contrainte de devoir gagner rapidement de l'argent faute de capitaux initiaux, et de devoir transformer le savoir-faire de produits en savoir-faire de services, lequel n'a pas toujours les potentialités dont dispose une société d'édition.
Il me semble que, dans notre secteur, ce dispositif initial est raisonnable, car il n'est pas forcément nécessaire de disposer d'une dizaine de millions d'euros pour créer une entreprise. En revanche les relais sont nécessaires au bout de deux ans. Deux pistes sont alors à explorer : soit le recours au dispositif des Business Angels, qui est trop peu répandu en Europe et qui imposerait, pour se développer, de mobiliser des financements complémentaires. Soit la création d'un climat de confiance envers ces entreprises, dont les dirigeants sont de très grande qualité ; car leur petite taille ne les condamne pas à être fragiles : il suffit que les donneurs d'ordre, en premier lieu les grands groupes industriels, mais aussi les collectivités territoriales et les Etats, leur passent des commandes, car il n'est pas de meilleur levier pour une entreprise qu'une commande. Or, je pourrais raconter des dizaines d'anecdotes qui montreraient les difficultés qu'ont des grands groupes à faire confiance à ces entreprises, ce qui les fragilise. Ce sujet mérite attention. Le diagnostic est clair : il faut soutenir davantage les entreprises à leur création. En effet, les grands éditeurs de réseaux sociaux ont tous bénéficié d'investissements importants sur plusieurs années avant d'équilibrer leurs comptes et de gagner de l'argent. Par exemple, Twitter perd toujours de l'argent. Donc, il faut accepter de miser sur ces entreprises et s'abstenir de leur demander d'équilibrer leurs comptes au bout d'un an.