Intervention de Pascal Brice

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 5 décembre 2012 : 1ère réunion

Pascal Brice :

Ma motivation est grande. La conception que je me fais de mon métier depuis vingt ans est d'être au service des Français. Aussi cette audition devant des parlementaires est-elle pour moi, en tant que serviteur de l'Etat, mais aussi en tant que citoyen, un moment d'une particulière importance.

Je suis diplomate. Or le rôle de la diplomatie est selon moi de projeter dans le monde les attentes, les espoirs, les craintes, les valeurs des Français. L'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés est une grande politique de la République, à laquelle j'ai participé lorsque j'étais en poste au Burkina Faso, au Chili ou au Maroc. J'aimerais vous exposer les lignes de conduite qui seraient les miennes à la direction générale de l'Ofpra, avec la modestie convenable à qui n'est pas encore en fonctions et doit prendre le temps de l'écoute et de l'imprégnation, mais aussi la détermination de qui entend mener à bien une importante mission.

Le coeur de la mission de l'Ofpra, c'est la protection. Mon ambition est d'être le premier des officiers de protection. J'entends appliquer un principe simple : l'asile, tout l'asile, rien que l'asile. Le droit d'asile est un principe fondamental de la République, qui a valeur constitutionnelle et résulte des engagements internationaux de la France, avant tout de la convention de Genève. La France est le deuxième pays d'accueil des demandeurs d'asile au monde, le premier dans l'Union européenne. La politique d'asile doit être menée indépendamment de la politique migratoire, même s'il faut être conscient qu'il existe des détournements du droit d'asile. L'indépendance de l'Ofpra et de son directeur général, bien qu'elle ne soit pas inscrite dans la loi - puisque l'Office, en tant qu'établissement public, ne jouit que de l'autonomie -, est indispensable à l'exercice de sa vocation, et j'y veillerai.

L'Ofpra doit faire face à de grands défis, comme l'ont souligné, dans leur rapport, MM. Frassa et Leconte et les débats consécutifs de votre commission, qui ont nourri ma réflexion. Il faut d'abord répondre à la demande d'asile et à ses évolutions, par nature imprévisibles. Le nombre de demandes a augmenté de 60 % depuis 2007 ; après une stabilisation en début d'année, on assiste depuis septembre à une nouvelle recrudescence, notamment en provenance des Balkans. Celle-ci ne semble pas liée à la modification de la liste des pays d'origine sûrs ni à la libéralisation des visas, au sujet de laquelle M. le ministre de l'intérieur a pris des initiatives au niveau européen. En 2013, l'évolution du contexte international pourrait provoquer une nouvelle hausse des demandes. Sans nier la difficulté de la tâche, je souhaite travailler à l'amélioration des capacités de prévision et d'anticipation de l'Office.

Tout le monde s'accorde à dire qu'il faut réduire le délai d'examen des demandes : c'est un engagement du Président de la République, et le ministre de l'intérieur a annoncé que l'ensemble de la procédure ne devrait pas excéder neuf mois ; le contrat d'objectifs et de performance sera l'occasion de préciser les choses. C'est un objectif difficile à atteindre : le délai est en partie imputable à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), mais aussi à l'état des stocks -il existe 20 000 dossiers en attente-, à l'évolution des demandes, imprévisible par nature, et à la réglementation européenne : les dispositions qui vont prochainement entrer en vigueur contribueront plutôt à allonger les délais, tout en apportant de nouvelles garanties aux demandeurs. Je travaillerai avec tous les agents de l'Office et ses partenaires, en prenant le temps d'analyser tout le processus d'instruction ; il faut tirer parti de la dématérialisation engagée, et simplifier encore les procédures. Le recrutement de dix officiers de protection en 2013 nous facilitera la tâche.

J'ai également le souci d'améliorer la qualité des décisions. Des chantiers ont d'ores et déjà été ouverts ; je souhaite les mener à bien.

Les nouvelles dispositions communautaires harmoniseront le régime de l'asile dans les Etats membres. Notre représentant permanent à Bruxelles m'a confirmé que les discussions devraient aboutir courant 2013, plusieurs directives ayant déjà été adoptées ; nous aurons jusqu'en 2015 pour les transposer. Au cours de mon mandat, je devrai donc préparer leur mise en oeuvre, en particulier celle de la directive « procédure » encore à l'étude ; la présence d'un conseil juridique semble acquise, mais les questions relatives à l'enregistrement, au procès-verbal et aux personnes vulnérables sont toujours en discussion. Je veux faire de cette nouvelle réglementation l'occasion de faire évoluer nos méthodes de travail, d'améliorer la qualité des décisions et de réduire les délais d'instruction : nous le devons aux demandeurs d'asile, souvent en grande fragilité personnelle et familiale. Je me soucie particulièrement de leurs souffrances psychologiques, et je compte impliquer les agents de l'Office pour mieux y répondre ; n'y ajoutons pas une trop longue incertitude.

Tout au long de mon parcours, j'ai eu à traiter d'affaires européennes, au ministère des affaires étrangères, où j'ai participé en tant que sous-directeur des politiques communes de l'Union européenne à la négociation du programme de La Haye de 2004 et du partenariat euro-africain pour les migrations et le développement, mais aussi aux ministères de l'agriculture et de l'économie et des finances.

Avec les associations, je veux entretenir un dialogue régulier. Ce sont des partenaires essentiels, même si chacun doit être dans son rôle. En cette journée mondiale du bénévolat, j'ai une pensée pour tous les Français qui travaillent auprès des demandeurs d'asile et des réfugiés.

Reste la question des moyens de l'Ofpra. J'entends mobiliser tous ses agents, qui accomplissent un travail très difficile, et m'employer avec les syndicats à faire évoluer leur métier. Grâce au précédent directeur général, M. Jean-François Cordet, dont je salue le travail, leur régime indemnitaire a été amélioré, mais je mettrai d'autres sujets à l'ordre du jour : mobilité, formation, parcours professionnels, enrichissement des tâches, entraînement à l'animation d'équipes pour les cadres. L'Office est un jeune établissement public : il n'a que soixante ans, et la moyenne d'âge de ses agents est de quarante ans. De jeunes équipes ont besoin d'être animées, j'en ai eu l'expérience au consulat général de France à Barcelone ; aussi serai-je très présent aux côtés de celles de l'Ofpra. C'est un véritable enjeu pour cet établissement dont les personnels sont marqués par un taux de rotation très important.

Je veux prendre le temps d'apposer mon empreinte au contrat d'objectifs et de performance, qui doit être signé début 2013. Les pistes suivantes me semblent devoir être explorées : l'amélioration de la gestion des ressources humaines et du dialogue social, le perfectionnement de l'instruction, le resserrement des liens avec le Quai d'Orsay, une attention aux spécificités des départements d'outre-mer, et un renforcement des synergies avec la CNDA.

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