Je suis d'accord avec monsieur Massiot sur la nécessité de ne pas rigidifier nos structures. Nos voisins étrangers estiment que nos politiques publiques ne souffrent pas d'une insuffisance de moyens mais d'un empilement de structures et d'une confusion des objectifs. A titre d'illustration, nous avions démarré, au moment du changement de régime en Pologne, une formation destinée aux élus. Au bout de trois ou quatre ans, les Polonais ont préféré aller dans d'autres pays, affirmant que tout était inutilement compliqué chez nous. Cela fait réfléchir. Oui à la concertation, mais ne rigidifions pas par la loi quelque chose qui doit être laissé à la liberté des collectivités.
Mon collègue Lebreton a employé une expression qui fâche dans l'Ouest : « ceux qui comptent »... Les grosses agglomérations compteraient et pas les petites ou celles du milieu rural ? J'ai été très sensible à une étude de l'observatoire du dialogue et de l'intelligence sociale, qui fait une analyse sur 21 régions françaises de 15 critères de performance économique et de 15 critères de performance sociale. L'Ile-de-France est la première région si l'on considère les critères de performance économique. Mais elle n'est que vingtième sur les critères de performance sociale. Et lorsqu'on analyse et additionne l'ensemble des critères, la première région est celle des Pays-de-la-Loire, et la seconde la Bretagne. Cette étude indique que la force du grand Ouest n'est pas seulement le fait des deux grandes conurbations urbaines, c'est un réseau de villes moyennes et de petites villes bien liées à leur tissu rural, capables de développer des capacités d'initiative, de responsabilité et de cohésion sociale. Je pense que c'est un élément important. Quand on regarde les crédits FEDER en Bretagne, il y a quand même 12 pays sur les 21 qui n'ont reçu aucune enveloppe : tout a été concentré et je sens une inquiétude sur ce point.
Je demande que nous disposions, au sein des conférences territoriales, d'un document de travail et d'un rapporteur sur tout dossier à l'ordre du jour, et que nous procédions à un vote ; un vote de conseil, non un vote de décision. Sur le numérique, je veux un débat. Nous en avons eu un au niveau du pays et les élus ont exprimé de fortes inquiétudes à ce sujet.
Claudy Lebreton, président de l'assemblée des départements de France. - En ce qui concerne les départements et les régions, nous avons des compétences que nous exerçons seuls. Une collectivité peut avoir des compétences propres mais elle intervient en partenariat avec le monde économique, les autres collectivités territoriales et le monde associatif dans le cadre de politiques d'accompagnement et de soutien. Comme le disait Edmond Hervé, quelle que soit la collectivité que l'on dirige, la négociation est permanente, entre le responsable de l'intercommunalité et les communes qui la composent, notamment. Je rappelle à ce sujet que l'intercommunalité n'est pas une collectivité de plein exercice mais un établissement public de coopération intercommunale. Il faut le répéter car on l'oublie. Or, il y a une question de légitimité derrière, cela renvoie à un autre débat sur le mode de scrutin ou la fiscalité. Quand vous êtes dans un département, comment construire des politiques partenariales s'il n'y a pas de lieu où se rencontrer pour travailler ensemble, quelles que soient les sensibilités politiques ? C'est la même chose pour la région. Qu'il y ait une structure organisée ou non, il faut bien qu'il y ait des espaces de rencontre et de négociation pour porter des projets d'intérêt commun. Nous avons beaucoup travaillé sur la LGV. Nous n'étions pas dans les premiers classés pour l'emporter au niveau national, et c'est parce que nous avons été unis, rassemblés et solidaires que nous avons dépassé les autres. Nous avions trouvé entre nous un compromis sur le plan financier, sur le milliard apporté par les collectivités. Il y a eu de longues discussions, nous nous sommes mis d'accord, nous avons eu quelque part une volonté commune d'aboutir parce qu'il y avait une urgence. Pour revenir sur le très haut débit, aujourd'hui la stratégie est régionale mais sa mise en oeuvre est déclinée au niveau départemental ou intercommunal. Nous sommes parvenus à un accord.
Il y a un élément qui nous manque : quelles seraient les responsabilités et les compétences des futures conférences ? Peut-être auront-elles des responsabilités plus importantes que nous ne le pensons ? En tout état de cause, je crois qu'il y a une certaine convergence en faveur de l'idée de s'organiser librement dans le cadre des conférences territoriales, mais à la condition qu'on tienne compte de la spécificité et de la diversité de nos territoires. Pour l'efficacité de l'action, il faut rester dans la co-construction des politiques publiques, dans la négociation permanente.
Je ne veux pas entrer dans le débat sur le mille-feuilles ; on pourrait avoir une approche très révolutionnaire sur le sujet mais, aujourd'hui, je ne vois pas comment avancer dans la décentralisation autrement que par le compromis. L'important est de franchir une étape, il en va de la modernisation de notre pays.