Intervention de Michel Verpeaux

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 4 décembre 2012 : 1ère réunion
Table ronde sur les conférences territoriales

Michel Verpeaux, professeur de droit à l'université de Paris I Panthéon Sorbonne :

Merci Monsieur le président. Après les différentes interventions, je voudrais vous faire part de quelques réflexions et aborder certaines questions. Je crois que nous sommes en présence de deux problèmes liés à l'organisation publique française. Le premier est celui de la généralisation d'une expérience : faut-il généraliser et comment généraliser ? C'est un problème similaire à celui posé par les expérimentations menées par les collectivités territoriales. Faut-il institutionnaliser des fonctionnements, des expériences qui existent et les étendre à l'ensemble du territoire français ?

La deuxième difficulté réside dans le fait qu'il n'existe pas de lieu, actuellement, dans l'organisation publique française, en dehors du Sénat, où les collectivités territoriales peuvent travailler ensemble, discuter et coopérer. Certes, il y a les intercommunalités et les syndicats mixtes, mais ils ont des fonctions et des objectifs particuliers et définis. La loi de réforme des collectivités territoriales avait essayé, plus ou moins bien selon les uns et les autres, de mettre en place des solutions dans ce sens. Ce fut sous la forme de la mutualisation et des schémas de mutualisation d'une part, mais également des pôles métropolitains qui essayaient de faire travailler ensemble de grands EPCI.

Ensuite, trois questions se posent : celle de la composition des conférences territoriales, de ses missions et compétences, et de l'existence d'un pouvoir de décision.

En ce qui concerne la composition, beaucoup de choses ont été dites aujourd'hui. Nous sommes face à deux extrêmes : d'une part, une structure souple et peu nombreuse. Je ne sais pas si le nombre de 20 est adéquat, mais le nombre maximal de participants doit permettre de discuter autour d'une table, ce qui représente, à peu près, 15 à 20 personnes. D'autre part, il s'agit de faire en sorte que tous les intérêts qui existent dans la région soient représentés. Dans cette logique, il faut prendre en compte les différentes strates de communes, les différentes formes d'EPCI, le CESER, ainsi que l'État. J'ai cru comprendre que les conférences territoriales devaient être des lieux de dialogue entre l'État et les collectivités territoriales. Dès lors, l'Etat doit être présent : pas seulement le préfet de région, mais également les préfets de département, ainsi que d'autres grands fonctionnaires de l'État, comme le recteur par exemple. Cela commence à faire beaucoup de monde. Enfin, je me pose également la question de savoir si, pour certains thèmes, la région n'est pas un cadre trop petit, notamment en matière universitaire. Des rapprochements entre conseils régionaux voisins pourraient être bénéfiques pour un certain nombre de sujets, lorsque le cadre régional est trop étroit.

Enfin, la question est de savoir qui va fixer les règles de constitution : s'agira-t-il de la loi ou du décret d'application ? Ce n'est pas le même pouvoir de décision. Une auto-organisation propre à chaque conférence territoriale est également une option. Mais, de manière générale, ces conférences vont buter, à un moment ou à un autre, sur la question de la désignation de ses membres. Ceux-ci ne peuvent être nommés par le président de région. Or, l'organisation d'une élection est compliquée, et les résultats peuvent donner lieu à débats et remises en cause.

En ce qui concerne les missions et compétences, le lien entre ces conférences territoriales et le Haut conseil des territoires devra être étudié, avec une incertitude toutefois : quel sera le rôle du Haut conseil des territoires ? S'agira-t-il d'une institution supplémentaire qui va se greffer sur ce qui existe déjà ? Aura-t-il un pouvoir purement consultatif ? Doit-on l'inscrire dans la Constitution au même titre que d'autres institutions ? Par ailleurs, les conférences territoriales seront-elles compétentes dans tous les domaines où les régions, départements et communes sont eux-mêmes compétents ? De manière générale, je suis partisan de la clause générale de compétences. En effet, la mise en place de blocs de compétences m'a toujours paru impossible à réaliser. Ces interrogations vont un jour rejaillir sur les conférences territoriales avec la notion de tutelle, et la nécessité ou non qu'une collectivité prenne le pas sur les autres. Dans cette optique, on pense à la région pour des raisons de taille. Cela pose aussi la question du projet, soutenu par l'ARF, de constituer des schémas régionaux qui pourraient, un jour, devenir plus ou moins prescriptifs pour les autres collectivités.

Enfin, en ce qui concerne le statut des conférences territoriales, je crois que la mise en place d'une instance par la loi va nécessairement entraîner un changement qualitatif par rapport à une instance informelle comme le « B16 ». En effet, à l'heure actuelle, le « B16 » n'existe pas institutionnellement. En outre, la question se posera nécessairement de savoir si ces conférences devront avoir un pouvoir de décision. J'ai cru comprendre qu'actuellement le « B16 » formule des avis, est consulté et débat sans que cela ne donne lieu à des décisions. Mais, si on octroie un pouvoir de décision, se posera alors la question des modalités de son expression, c'est-à-dire de la nécessité d'instaurer un vote. Le consensus recherché dans le « B16 » va buter sur ce problème de vote.

Enfin, ma dernière interrogation porte sur la forme juridique que prendront ces conférences. Une forme associative serait source de complication et il n'existe pas actuellement d'entités de droit public correspondantes.

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