Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 10 décembre 2012 à 22h00
Création de la banque publique d'investissement – nomination des dirigeants de bpi-groupe — Article 1er

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parmi les conséquences de la crise financière, dont je rappelle qu’elle n’est pas un châtiment divin mais le produit d’une politique opiniâtre menée en France et dans la plupart des pays développés depuis plus de trente ans, il y a le délabrement du système de financement des collectivités territoriales, avec la chute de la maison Dexia, et des difficultés de financement pour les entreprises qui constituent l’essentiel de notre tissu économique.

Globalement, le flux de crédit en direction des petites et moyennes entreprises a diminué de 20 % depuis le début de la crise ; la baisse représente même 40 % pour ce qui concerne les entreprises récemment créées. Le tout agrémenté d’un durcissement des conditions d’emprunt, taux compris. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer la courbe du chômage, qui donne la photographie de cette évolution.

La création d’un pôle financier public puissant, d’une vraie banque publique, aurait pu être une réponse globale à ce problème global, le signe de la volonté du Gouvernement de reprendre la main.

Seulement voilà : parce qu’il défrise les banques privées, qui apprécient la concurrence dans l’exacte mesure où elle leur permet d’assurer leur monopole, ce projet ne pouvait pas plus entrer dans les schémas du libéralisme de gauche que dans ceux du libéralisme de droite.

Résultat, outre qu’on attend toujours la mise en place d’un système pérenne de financement des collectivités territoriales, la Banque publique d’investissement qu’on nous propose n’est pas autre chose qu’un emboîtement des pièces du lego existant. La réunion de CDC Entreprises, d’OSEO et du Fonds stratégique d’investissement, sans fonds propres supplémentaires : telle est cette BPI.

Le Gouvernement en attend une capacité d’engagement sous forme de prêts ou de prises de participation de l’ordre de 70 milliards d’euros.

Seulement, la capacité d’engagement des trois pièces du lego qu’on se propose de réunir, qui représente de l’ordre de 50 milliards d’euros, est déjà utilisée, de sorte que la capacité d’intervention supplémentaire de la BPI ne sera que de 20 milliards d’euros tout au plus ; cette somme devrait être atteinte en deux ans, à raison de 10 milliards d’euros par an.

Si l’on considère que, outre son rôle de soutien aux petites et aux moyennes entreprises, notamment, la BPI aura pour mission, selon le présent article, de « stabiliser l’actionnariat de grandes entreprises porteuses de croissance et de compétitivité pour l’économie française », avouez, mes chers collègues, que 20 milliards d’euros font un peu juste !

Aussi, je m’interroge : comment, sans apport de fonds propres supplémentaires, la simple réunion de trois structures existantes peut-elle augmenter de 40 % la capacité de prêt de l’ensemble, de surcroît en améliorant son ratio prudentiel ? C’est un miracle, presque comparable à la création de valeur par la Bourse et la spéculation !

On laisse entendre que la BPI pourra bénéficier, à hauteur de 10 milliards d’euros, de la collecte du livret de développement durable. Mais quand, et au détriment de quels autres investissements ?

On nous annonce aussi que les investisseurs se précipiteront, rassurés par la solidité de la BPI.

Seulement, comme on le voit avec les collectivités territoriales, dès qu’on dépasse le court terme, les investisseurs préfèrent souvent les taux élevés à la sécurité qui rapporte peu.

Faut-il compter sur la mise en synergie d’entités jusque-là séparées ? On aimerait le croire. Mais pourquoi alors empiler les pièces, chacune continuant à exercer son métier d’origine avec les mêmes moyens et les mêmes personnels, au lieu de les fondre en une entité nouvelle, ce qui aurait permis une approche à la fois globale et individualisée des dossiers ?

Pendant que nous briguons le prix du concours Lépine de la Banque de Suède, la KfW allemande, plusieurs fois évoquée aujourd'hui, forte d’un bilan de 500 milliards d’euros, joue avec succès son rôle de pôle financier public et réalise des bénéfices considérables !

Monsieur le ministre, vous resterez certainement célèbre pour avoir qualifié la BPI de « porte-avions » du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. Craignez que, sur la mer de la compétitivité, face au cuirassé de la Deutsche Marine, il ne manque quelques tonneaux à votre porte- avions… Je sais bien qu’un porte-avions de poche vaut mieux que rien du tout, mais une occasion manquée reste une occasion manquée !

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