Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à soulever de nouveau la question importante du lien entre l’épargne défiscalisée et le développement économique.
Vous le savez, la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a ouvert la voie à la banalisation du livret A ; pour ce qui concerne le livret de développement durable, autre produit d’épargne défiscalisée, cette banalisation existait dès l’origine.
Nous n’évoquerons pas trop longuement ce que l’on attendait de cette ouverture à la concurrence en matière de distribution du placement financier préféré des Français, et nous ne rappellerons pas les déclarations, à l’époque, de certains qui voyaient bien des choses dans cette ouverture.
Je ne rappellerai donc pas ici les mots de Mme Lagarde sur le bonheur que les épargnants pourraient trouver à disposer de 40 000 agences bancaires pour souscrire un tel placement au lieu de 22 000. Je me contenterai de l’essentiel. En effet, c’était là un argument fallacieux et incomplet de surcroît, puisqu’il négligeait la collecte des banques « en ligne », ce que la ministre n’aurait décemment pas dû oublier dans sa démonstration.
C’est que, laissée dans le champ réglementaire, la question de la centralisation du livret A et du livret de développement durable a permis, dans les faits, qu’une part croissante de l’épargne défiscalisée, rémunérée à 2, 25 % nets d’impôts et de contributions sociales, échappe au fonds d’épargne mis en place par la Caisse des dépôts et consignations et vienne alimenter les ressources ordinaires des établissements de crédit pour leur activité « ordinaire ».
Le problème est que le relèvement récent des plafonds de versement sur les deux livrets a sensiblement dopé la collecte, qui dépasse aujourd’hui les 325 milliards d’euros, dont 85, 6 milliards d’euros au seul titre du livret de développement durable, et que l’épargne non centralisée se situerait aux alentours de 135 milliards d’euros.
C’est une somme qui représente, ou peu s’en faut, trois fois plus que l’actif de la future BPI, deux fois le déficit de l’État pour 2013, et j’en passe en termes de comparaison...
C’est une somme dont les banques font aujourd’hui usage dans le cadre de montages financiers qui, certes, sollicitent les ressources tirées du livret A et du livret de développement durable, mais qui ne doivent sans doute pas participer des critères que nous nous apprêtons à appliquer pour les engagements de la BPI.
Avec cet article 1er, nous sommes donc face à un choix clair : ou bien nous créons les conditions d’une montée en charge rapide de la BPI capable de répondre aux attentes des entreprises fondamentalement orientées vers des besoins de liquidités et de trésorerie immédiate, mais aussi désireuses de trouver le partenaire financier de leur développement, ou bien nous sommes en présence d’une banque dont le nom sera quasiment usurpé, puisqu’elle ne sera pas dépositaire de la qualité d’établissement de crédit, avec tous les droits que cela implique.
Nous pouvons renforcer la BPI, si la loi lui permet, dans le cadre de la discussion en cours et jusqu’au terme des conclusions de la commission mixte paritaire, de bénéficier de l’apport d’une partie significative de la collecte des livrets défiscalisés. Je sais que c’est plus ou moins prévu et qu’une enveloppe de 10 milliards d’euros, issue du fonds d’épargne géré par la Caisse des dépôts et consignations, va alimenter rapidement la Banque.
Le problème est que cela représente à la fois le produit de la collecte nouvelle constatée depuis le début de l’année, singulièrement depuis l’augmentation des plafonds des deux livrets, et la moindre consommation des sommes prévues en principe pour financer la politique du logement social et celle de la ville.
Je fais ici observer que l’article L. 221-5 du code monétaire et financier indique expressément que « les ressources collectées par les établissements distribuant le livret A ou le livret de développement durable et non centralisées en application des alinéas précédents sont employées par ces établissements au financement des petites et moyennes entreprises, notamment pour leur création et leur développement, ainsi qu’au financement des travaux d’économie d’énergie dans les bâtiments anciens.
« Les dépôts dont l’utilisation ne satisfait pas à cette condition sont centralisés à la Caisse des dépôts et consignations. Les établissements distribuant le livret A ou le livret de développement durable rendent public annuellement un rapport présentant l’emploi des ressources collectées au titre de ces deux livrets et non centralisées. »
Mes chers collègues, posons-nous la question : l’utilisation prioritaire des fonds non centralisés de la collecte du livret A comme de celle du livret de développement durable n’a-t-elle pas à voir avec les objectifs que nous assignons à la nouvelle Banque publique d’investissement ?
Pour notre part, nous répondons par l’affirmative.