Merci d'avoir souhaité nous entendre ; Mme Laurence Pinson, secrétaire générale de l'AERES, m'accompagne.
Depuis son installation en 2007, en à peine cinq ans, l'AERES a accompli un cycle complet d'évaluation - plus de 4 000 programmes de formation, plus de 3 200 unités de recherche, 250 établissements ou organismes. Nous avons procédé de façon homogène, en combinant auto-évaluation et évaluation externe collégiale par les pairs. L'AERES est plus organisatrice qu'évaluatrice directe. Des entités dans le champ de la santé et de la culture ont aussi été évaluées pour la première fois. Cela explique sans doute pourquoi, dans sa contribution aux Assises, le ministère de la culture et de la communication a souligné le rôle important de l'Agence.
Égalité de traitement entre les entités évaluées, impartialité des évaluations grâce au statut indépendant de l'AERES, transparence des résultats des évaluations, voici trois acquis importants quant à la méthode. Dans un rapport de 2009, l'Académie des sciences estimait que l'Agence avait beaucoup apporté en termes d'éthique, de transparence et d'impartialité de l'évaluation.
Autre acquis important, la compétence et l'indépendance de l'AERES sont reconnues au niveau européen. La qualité des évaluations faites en France est, pour les acteurs européens, garantie. C'est crucial pour l'attractivité de notre système d'enseignement supérieur et de recherche. De nombreux pays sollicitent l'AERES pour évaluer des programmes et des institutions, ou pour aider à la mise en place d'un dispositif d'évaluation.
La recherche publique, source de connaissances nouvelles, est essentielle pour l'avenir de notre société française, au sein de l'Europe. Elle prend toute sa portée si elle s'articule au mieux avec les formations relevant de l'enseignement supérieur. Or l'AERES, chargée aussi de l'évaluation des unités de recherche, des formations et des établissements qui les dispensent, a justement la possibilité d'évaluer la qualité du lien qui s'établit entre recherche et formation, notamment au niveau des écoles doctorales. La qualité de ce lien est déterminante pour l'innovation et la compétitivité. Cet atout, qu'il faut préserver, est au coeur du projet d'articulation entre l'espace européen de l'enseignement supérieur et l'espace européen de la recherche. Il est jugé très intéressant à l'étranger : il y a quinze jours, j'étais invité par l'agence italienne créée récemment sur le modèle de notre agence.
L'AERES est adaptable et attentive à son environnement. Sans faire un plaidoyer pro domo, je veux souligner que l'AERES n'a pas attendu les Assises pour écouter les critiques et y répondre. Chaque année, nous organisons un retour d'expérience et l'Agence a déjà, à plusieurs reprises, fait évoluer sa méthode pour en tenir compte. Ainsi, fin 2011, les critiques sur la notation globale des unités de recherche ou sur l'insuffisante prise en compte de la recherche finalisée nous ont conduits à supprimer la note globale et à modifier le référentiel de recherche, afin d'affiner les critères d'évaluation des activités de recherche.
Les critiques sont parfois contradictoires entre elles. Si certains n'apprécient pas la notation, fût-elle multicritères, les décideurs, en revanche, qui s'efforcent d'identifier les meilleures entités de recherche, voire de financer ces unités de recherche selon des critères de qualité, n'apprécieraient guère de ne plus disposer d'une notation qui éclaire leurs décisions. L'AERES a supprimé la note globale. Doit-elle vraiment supprimer la notation multicritères ?
De même, si certains reprochent à l'AERES de recueillir des données de nature individuelle, les décideurs, qui souhaitent financer les unités de recherche en fonction de leur activité, n'apprécieraient pas que l'Agence cesse de leur fournir des informations actualisées sur les effectifs, dès lors qu'ils ne disposent pas, en raison de la complexité du dispositif de recherche français, de la vision d'ensemble qui est la nôtre.
Les critiques exprimées dans le cadre des Assises concernent au premier chef l'évaluation des unités de recherche, laquelle est jugée trop complexe. Je rappelle cependant que l'Agence se heurte à la complexité du dispositif français de recherche : coexistence d'organismes nationaux de recherche et établissements d'enseignement supérieur et de recherche parmi lesquels universités et grandes écoles ; coexistence d'universités devenues plus autonomes avec des entités nationales d'évaluation - Conseil national des universités (CNU), Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Commissions scientifiques spécialisées (CSS) - ; coexistence des chercheurs et des enseignants-chercheurs. Face à cette complexité qui n'est pas de son fait, l'AERES est un facteur d'unité et de décloisonnement grâce à sa méthode homogène d'évaluation.
Il ne faut pas surestimer le poids que représente cette évaluation, à échéance de cinq ans. Cette charge est une plume par rapport à la charge administrative liée aux nombreuses tutelles de certaines unités. A côté des 956 équipes purement universitaires et des 256 unités propres à un organisme ou à une école, existent 1 503 unités de recherche dont un tiers ont plus de deux tutelles - l'une en a huit ! Rien de comparable, non plus, à la quête des financements sur projet auprès de l'ANR, de l'Europe, des régions, des grandes associations, des industriels, avec, chaque fois, des procédures annuelles propres de reporting des résultats et de suivi budgétaire. Néanmoins, afin de mieux répondre aux attentes, l'AERES va simplifier : dès janvier 2013, le dossier d'évaluation sera réduit de plus de la moitié.
L'Agence est jugée insuffisamment transparente. Son évaluation l'est pourtant beaucoup plus que ce qui avait cours auparavant. La composition des comités d'experts est publique, les rapports d'évaluation sont publics, les comptes rendus détaillés des séances du Conseil de l'AERES sont publics. Restent sûrement des marges de progrès, concernant le recrutement des délégués scientifiques de l'AERES et la signature des rapports d'évaluation, points sur lesquels l'Agence est prête à améliorer et clarifier ses procédures.
Une part importante des critiques portent sur la nécessité de clarifier les compétences en matière d'évaluation des unités de recherche. Le fait est que certains textes entretiennent l'ambiguïté. A côté de celui relatif aux compétences de l'AERES, il en demeure d'autres, relatifs à certains organismes de recherche, qui leur conservent leur compétence sur l'évaluation.
Certains acteurs réclament que l'Agence s'appuie davantage sur les instances nationales, voire délègue l'évaluation aux unités de recherche elles-mêmes, l'Agence se limitant à valider la procédure d'évaluation. Afin de renforcer la confiance des chercheurs, l'AERES est prête à évoluer sur la portée de l'évaluation, son rythme, la composition des comités d'experts, l'amélioration de l'articulation entre évaluation individuelle des chercheurs et des enseignants-chercheurs et évaluation des unités de recherche. Elle réunira dès lundi prochain un groupe de travail rassemblant les acteurs de l'évaluation, afin de dégager des propositions de rééquilibrage et de clarification. Cela répond au voeu exprimé par le Premier ministre, lors des Assises nationales, de voir formuler des propositions précises. Celles-ci doivent être respectueuses des principes posés lors des Assises, qui sont aussi ceux sur lesquels s'appuie l'AERES. Elles doivent également tenir compte de la complexité du paysage de la recherche en France, afin de ne pas ouvrir un conflit de compétence autour de l'évaluation, autant dire une guerre entre universités et organismes.
L'AERES est attachée à ce que le choix des chercheurs ou enseignants-chercheurs sollicités pour les comités d'évaluation ne repose pas sur la seule élection. Le fait est que les experts sollicités pour faire partie des comités sont souvent des élus. L'Agence ne verrait pas d'inconvénient à ce que son Conseil comporte des élus émanant de la communauté scientifique. Sans oublier les deux parlementaires qui y siègent.
Beaucoup de ces améliorations peuvent être mises en oeuvre à droit constant. Certaines réclament des ajustements législatifs ou règlementaires. Il n'est cependant pas besoin pour cela de dissoudre l'AERES pour la faire renaître, avec quelques variantes, sous un autre nom. En cinq ans, l'Agence a su trouver sa place. Elle est reconnue au niveau européen ; elle a évalué des formations et institutions à l'étranger. Ne serait-il pas dommageable de mettre en cause cette image de marque, qui est celle de notre enseignement supérieur et de notre recherche ? Le ministère des affaires étrangères, dans sa contribution aux Assises, n'a-t-il pas écrit en septembre que « l'AERES est un des vecteurs essentiels de notre compétitivité », et que, « grâce à sa dynamique d'internationalisation, elle illustre notre capacité d'expertise et renforce notre image d'excellence » ?
L'AERES fait l'objet de critiques, ce qui est normal ; elle est prête à évoluer pour mieux répondre aux attentes, et proposer des solutions de compromis lorsque ces attentes sont contradictoires.