Il est toujours intéressant de confronter le point de vue macropolitique au vécu de terrain, et c'est pourquoi j'ai interrogé sur les évolutions de l'AERES les chercheurs que je côtoyais il y a un an. Ces collègues considèrent que l'Agence voit ce que l'on peut voir en quelques jours. Ils m'ont alertée sur le fait qu'en amont de ses visites se met en place tout un marché tenu par des officines qui vendent des prestations pour y faire bonne figure. Outre que le recours à de tels services coûte cher, il déforme la réalité. Un exemple. La réforme de l'université a eu cet effet que les conseils d'administration ont cessé d'être mixtes : entre 70 % et 95 % de leurs membres sont des hommes. Quand une visite de l'Agence est annoncée, l'université fait appel à des membres du conseil de la vie étudiante et du conseil scientifique, beaucoup plus mixtes, qu'elle mêle aux membres du conseil d'administration, si bien que les acteurs que rencontre l'Agence ne sont pas les vrais représentants du conseil, loin d'être paritaire.
Deuxième remarque, il est difficile d'évaluer à l'identique des disciplines où les comparaisons ont un sens, et d'autres, en particulier en sciences humaines, qui peuvent porter sur des questions très exotiques dans lesquelles il est aisé de faire illusion.
Troisième remarque, enfin, l'évaluation devient un véritable millefeuille. Certaines années, les équipes peuvent en subir jusqu'à cinq, celle de la commission des titres d'ingénieurs (CTI), celle de l'AERES pour le volet recherche, les mises aux normes ISO 9001 décidées par certaines universités pour préparer l'évaluation de l'AERES, etc. Tout cela finit par coûter cher.
Quelles mesures pourrait prendre l'AERES pour éviter que ne se développe le marché que j'ai évoqué, avec ces Powerpoint et ces mises en scène qui nuisent à la sincérité et à la pertinence de l'évaluation et pèsent sur le budget des organismes concernés ?