Intervention de Alain Bertrand

Réunion du 13 décembre 2012 à 15h00
Développement par l'état d'une politique d'égalité des territoires — Discussion d'une proposition de résolution

Photo de Alain BertrandAlain Bertrand :

J’espère que notre initiative débouchera sur la grande loi que Mme la ministre a annoncée à plusieurs reprises. Certes, cette loi sera complexe, mais elle est nécessaire à la République, à la justice, à l’aménagement et à l’égalité des territoires.

Nous avons besoin d’une loi qui fasse battre d’un même cœur toute la France et qui la rende plus heureuse ! D’une loi aussi qui fasse contribuer chaque partie du territoire à la lutte pour l’emploi, pour la croissance et pour le développement économique, social, culturel et sportif ; bref, d’une loi qui permette aux territoires de vivre mieux et d’avoir davantage le sourire.

Je suis tout à fait d’accord avec les intervenants précédents, en particulier avec Jacques Mézard qui a rappelé le sens des principes républicains. Reste, madame la ministre, qu’il y aura plusieurs écueils à éviter.

Le premier, c’est pour en finir avec la sacro-sainte loi du nombre. Aujourd’hui, quand l’élu d’une commune près de Mende demande la construction ou la modernisation d’une route, on lui répond : combien de voitures passent par chez vous ? 3 000 ? Vous n’avez pas droit à votre route ; on la fera là où passent 50 000 voitures !

De même, on demande pour le train : combien de voyageurs sur le Mende-Paris ? Dérisoire ! Il y a cinquante endroits où les voyageurs sont plus nombreux ; donc, vous n’avez droit à rien.

Pour les élus ruraux, mes chers collègues, c’est Diên Biên Phu tous les jours ! Quand ce n’est pas au directeur de la Banque de France qu’on a affaire, c’est au directeur d’un autre organisme ou à un autre homme souriant en costume.

Pendant la discussion de la proposition de loi précédente, M. Miquel, président du conseil général du Lot, a rappelé que son département comptait 175 000 habitants. J’avoue que je l’ai envié, parce que le mien n’en compte que la moitié. Voilà pourquoi il faut changer la culture qui fait tout dépendre de la loi du nombre. Ce n’est pas parce qu’on habite une petite ville, un village qu’on n’a droit à rien !

Le deuxième écueil à éviter, c’est la tendance à considérer que tout est rural, alors que la ruralité et l’hyper-ruralité – je suis honoré que Mme Schurch ait repris ce terme – ont des définitions précises. Avec les moyens modernes, la ruralité ne commence pas à dix kilomètres d’une ville de 100 000, 150 000 ou 200 000 habitants. Vous avez devant vous, madame la ministre, un important travail de définition.

Comme l’argent est rare et cher, il faut définir précisément les zones à forts handicaps, dans la ruralité et l’hyper-ruralité mais aussi dans les zones urbaines, où il y a beaucoup de souffrances. Ces zones se définissent par le fait que tout fout le camp pour s’entasser ailleurs, dans les grandes villes, les grandes agglomérations et les capitales régionales. Elles doivent être précisément redéfinies, de telle manière que l’argent puisse être concentré et que l’action soit efficace.

Se pose également le problème de la décentralisation. Madame la ministre, il faudra que votre loi d’égalité des territoires ou la loi sur la décentralisation rende obligatoires certaines implantations dans les quartiers urbains difficiles et dans les zones rurales. Sinon, on n’en sortira jamais !

Déjà qu’on n’a déjà pas droit à une patinoire, à un zénith, au tram, au métro ou à l’avion, on pourrait peut-être imaginer que la Lozère, qui est le département le plus rural de France, accueille une école d’ingénieurs agricoles. Il y a bien 3 000 chercheurs en agriculture à Montpellier... Dans les zones urbaines défavorisées, c’est un IUFM ou une antenne universitaire digne de ce nom qu’on pourrait implanter.

Tous ces droits devront figurer dans la troisième loi de décentralisation, ou plutôt son acte III bis comme je l’appelle, qui doit être un acte de nouvelle intelligence, de new intelligence comme on dit en anglais : il est nécessaire de réorganiser les territoires autour des notions d’avenir, de citoyen et de solidarité.

Madame la ministre, j’espère que vous allez parvenir à concevoir cette nouvelle loi. Je répète qu’il faudra revoir les zonages. Quant aux moyens financiers, on peut les trouver ! Il faut aussi rendre obligatoire le soutien aux initiatives en milieu rural ou en milieu urbain difficile, parce que ces initiatives ne sont pas organisées comme ailleurs et ne s’inscrivent pas dans une filière. La moindre initiative doit être aidée !

Il faut aussi obliger l’État, les régions, les départements et les communautés de communes à financer ensemble des programmes d’investissement en zone rurale ou hyper-rurale. Aujourd’hui, à cause d’une espèce de cacophonie dans les programmes, un porteur de projet n’arrive jamais à être soutenu par tout le monde. Les différents acteurs doivent savoir se rassembler !

Préparer la future loi d’égalité des territoires est une mission noble, extrêmement importante pour renforcer la République. Celui qui la présentera portera une partie de l’honneur de la République pour longtemps.

La ruralité et les zones urbaines difficiles – qu’il ne faut pas opposer, comme l’a dit Jacques Mézard –, il ne suffit pas d’en parler seulement en période électorale, comme le font beaucoup de nos collègues élus, dont je n’ai jamais fait partie.

Madame la ministre, si vous prenez à bras-le-corps, hors période électorale, la question de l’égalité des territoires, nous vous aiderons ; ce sera un excellent progrès pour la République et pour l’avenir du pays !

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