Madame la présidente, madame la ministre, chères et chers collègues, nous sommes appelés à débattre de la proposition de résolution de M. Mézard et des membres du groupe du RDSE relative au développement par l’État d’une politique d’égalité des territoires. Nos collègues font le constat que les « dernières décennies » ont été marquées par l’absence de véritable politique d’aménagement du territoire et de péréquation, avec pour conséquences l’aggravation des inégalités territoriales et la mise à mal du principe d’égalité des chances. Toutefois, ils prennent acte de la création d’un ministère de l’égalité des territoires et du logement, qu’ils considèrent comme une reconnaissance de la fracture territoriale par le chef de l’État.
Les auteurs de la proposition de résolution visent à agir dans trois domaines principaux : la restauration des services publics sur le territoire – gendarmerie, police, justice, école et poste notamment –, l’égalité des chances en termes de santé, d’emploi, d’enseignement, de transports et de très haut débit, ainsi que le « droit à l’avenir » avec, notamment, la mise en place de dotations différenciées, la révision des zonages et des aides à l’investissement.
Leur texte rejoint ainsi la proposition de loi complète et détaillée visant à instaurer un nouveau pacte territorial que le groupe socialiste du Sénat avait déposée, avec Jean-Jacques Lozach et Renée Nicoux comme premiers signataires, et qui a fait l’objet d’un renvoi en commission par la majorité sénatoriale de l’époque, le 30 juin 2011.
En effet, ce texte partait du constat qu’un aménagement harmonieux et solidaire du territoire est nécessaire pour maintenir et améliorer l’attractivité des secteurs géographiques les plus fragiles, les zones rurales et les zones urbaines sensibles, en confortant leur développement économique, social et culturel. Ce texte proposait notamment la mise en œuvre d’une organisation de l’offre de services publics respectant les principes d’équité territoriale et de proximité.
Le groupe socialiste partage donc le constat du groupe du RDSE et approuve le contenu de la proposition de résolution. Il tient cependant à souligner que le gouvernement Ayrault a déjà pris de nombreuses initiatives en faveur de l’égalité des territoires.
On peut citer la mise en place d’une commission pour la création d’un commissariat général à l’égalité des territoires, l’annonce par Marisol Touraine d’un plan de lutte contre les déserts médicaux, la mise en œuvre, après le séminaire gouvernemental de février prochain, d’un nouveau plan très haut débit, avec pour objectif la couverture intégrale du territoire à l’horizon de 2022, ou encore la création de la Banque publique d’investissement au service des territoires, l’acte III de la décentralisation, la refondation de l’école républicaine, … Il ne s’agit donc là que d’une étape.
Dans le cadre de ce débat, Odette Herviaux, s’agissant en particulier de la présence des services publics, et moi-même, sous l’angle de l’accessibilité et du désenclavement, allons formuler un certain nombre de propositions en matière d’égalité des territoires.
L’existence d’infrastructures de transport de qualité – routes, autoroutes, voies ferrées, aéroports – a longtemps été considérée comme le seul moyen efficace de désenclavement des territoires. Le développement des technologies numériques a changé la donne en faisant apparaître que même les territoires bien desservis par les infrastructures de transport risquaient de connaître le déclin s’ils ne bénéficiaient pas aussi d’une bonne couverture numérique.
Je dirai d’abord quelques mots sur la mobilité.
Dans une perspective d’égal accès de tous aux services essentiels, les transports sont un outil fondamental de solidarité entre les territoires. La liberté, constitutionnellement reconnue, d’aller et de venir ne peut être exercée pleinement que sur un territoire suffisamment doté en infrastructures de transport.
Ce constat nous conduit à proposer les priorités suivantes : la desserte ferroviaire par des lignes à grande vitesse, lorsque cela se justifie, ou des lignes classiques aménagées pour des vitesses élevées ; la régénération des lignes d’équilibre du territoire, ainsi que des petites lignes utilisées par les TER ; la poursuite du développement des transports collectifs en site propre ; la reconnaissance de la nécessité d’aménagements routiers importants pour les territoires non desservis par le rail ou pour lesquels la desserte ferroviaire ne peut être réellement améliorée.
Il convient de profiter de la remise à plat du schéma national des infrastructures de transport, décidée par le Gouvernement, pour refaire un point précis sur les territoires les plus enclavés. Le futur commissariat général à l’égalité des territoires pourra s’appuyer notamment, madame la ministre, sur l’excellente étude menée en 2003 par la DATAR, qui avait identifié plusieurs aires géographiques, parmi lesquelles – pardonnez-moi de le citer – le sud de l’Ardèche, se trouvant à l’écart des grands réseaux de communication. C’est le cas également du Cantal, monsieur Mézard.
L’objectif du ministre chargé des transports étant de hiérarchiser les investissements publics, notamment au regard de critères d’aménagement du territoire, je suggère que les territoires qui apparaîtront les plus enclavés au terme de l’actualisation de l’étude de 2003 soient classés parmi les premières priorités du futur schéma national. Il serait ainsi répondu aux élus et aux habitants de tous les territoires concernés, mais aussi à l’impératif d’égalité républicaine.
J’en viens maintenant au désenclavement numérique.
Le programme national très haut débit mis en place par le gouvernement Fillon manque de volontarisme et fait la part trop belle aux opérateurs. Il leur permet notamment, en annonçant un investissement, de bloquer les initiatives des collectivités. En effet, il ne prévoit aucune sanction si les opérateurs ne respectent pas leurs engagements. En outre, ce programme cantonne les interventions des collectivités aux zones très peu denses. Enfin, le Fonds d’aménagement numérique des territoires, le FANT, créé par la « loi Pintat » n’a jamais été alimenté. Cela explique que le Gouvernement ait, à juste titre, décidé de revoir ce programme.
Pour moi, l’idée majeure est que l’État doit reprendre la main. Cela suppose à mon sens un certain nombre d’orientations. Un constat de carence doit être prévu afin de permettre aux collectivités territoriales d’agir si les opérateurs ne tiennent pas leurs engagements de desserte en très haut débit.
En matière de financement, des subventions et des prêts doivent être prévus. Il reste d’ailleurs des crédits du grand emprunt sur le Fonds national pour la société numérique. Cependant, il sera malgré tout nécessaire d’alimenter le Fonds d’aménagement numérique des territoires dès 2013. Il ne sera toutefois peut-être pas nécessaire de créer une nouvelle taxe. En effet, un recours a été introduit devant la Cour de justice de l’Union européenne contre la taxe dite « Copé » portant sur les opérateurs de télécommunications pour financer l’audiovisuel. Si cette taxe, qui représente une recette annuelle de 250 millions d’euros, était annulée, elle pourrait servir à alimenter le FANT.
Dans les zones peu denses, il faut étudier la possibilité de mettre en place un dispositif de coopération entre les opérateurs et les collectivités si l’on veut déployer des réseaux à un rythme assez soutenu. Ces secteurs relèvent à mon sens plutôt de la logique d’aménagement du territoire que de celle de la concurrence. Je ne pense donc pas qu’il soit impossible de faire participer financièrement les opérateurs sur ces territoires.
L’État doit également s’assurer du respect des engagements pris par les opérateurs de très haut débit mobile, la 4G, et ce d’autant plus que la priorité a été donnée en la matière aux territoires les moins bien desservis.
Telles sont les suggestions en matière d’accessibilité et de désenclavement des territoires qui me semblent devoir être retenues dans le cadre d’une politique d’égalité des territoires.
Le groupe socialiste votera en faveur de la proposition de résolution déposée par le groupe du RDSE.