Merci de m'auditionner sur ce sujet stratégique pour nos outre-mer. Ceux-ci représentent 97 % de notre zone économique exclusive, et c'est grâce à eux que la France dispose du deuxième domaine maritime mondial. Face à la concurrence mondiale, nous devons inventorier, protéger et exploiter nos ressources.
Quelles sont les orientations majeures de notre politique maritime ? Notre stratégie nationale pour la mer et le littoral se décline par bassin, dont quatre bassins ultramarins : les Antilles, la Guyane, l'Océan Indien et Saint-Pierre-et-Miquelon.
À la suite du Grenelle de la mer, le Comité interministériel de la mer du 8 décembre 2009 a mis en exergue la nécessité de développer la politique marine des outre-mer, et adopté un Livre bleu, qui doit aussi être décliné par région.
Cette orientation a été confirmée par la réunion du 11 juin 2011, lors de laquelle a été décidée la réforme portuaire. Bien entendu, la politique nationale doit être coordonnée au niveau européen : en octobre dernier, les ministres de la mer des États membres ont adopté à Limassol une déclaration commune qui insiste sur l'innovation et le développement économique.
Enfin, lors de la campagne présidentielle, M. Hollande a défini les trois axes de notre politique maritime : gérer et protéger notre important littoral, exploiter durablement nos ressources marines, renforcer la gouvernance de la mer et du littoral.
En tout état de cause, la mer est l'un des grands enjeux du XXIe siècle.
La délégation ayant déjà travaillé sur la pêche et l'aquaculture, je me limiterai aux ressources énergétiques.
D'abord, les hydrocarbures. Ils sont présents aux îles Éparses, à Saint-Pierre-et-Miquelon et, surtout, en Guyane, à 150 km au large de Cayenne. Le pétrole sera peut-être à la Guyane ce que le nickel fut à la Nouvelle-Calédonie... Cette découverte nous impose à la fois un devoir de gestion et de protection. Pour la Guyane, un arrêté du 22 décembre 2011 a prolongé de cinq ans un permis de recherche accordé à Shell, ou plus exactement à un consortium qui réunit entre autres Shell et Total. Six autres demandes sont en cours d'instruction. Deux arrêtés de janvier 2011 et de mars 2012 ont accordé des autorisations de travaux. Celles-ci ont été attaquées par des associations. C'est pour examiner les conséquences de l'exploration qu'un comité de suivi et de concertation avec les partenaires a été créé. L'État a également confié à Mme Duthilleul, ingénieur général des mines et présidente de l'ERAP, une mission d'accompagnement pour faire bénéficier la Guyane des retombées du pétrole et concilier impératif économique et devoir de protection de l'environnement ; elle a rendu un rapport d'étape en janvier 2012. La commission de suivi et de concertation se réunit régulièrement ; quatre groupes de travail ont été créés : sécurité et environnement, recherche, formation et retombées.
Deuxième ressource : les énergies marines renouvelables. L'objectif fixé par le Grenelle est très ambitieux : l'autonomie énergétique en 2030, 50 % en 2020. Nous en sommes loin. Énergie houlomotrice, climatisation par les eaux en profondeur, biomasse marine, éoliennes off shore, le panel est large. Sont développés en outre-mer de nombreux projets innovants : énergie thermique marine en Guyane et à la Martinique, climatisation par les profondeurs marines à La Réunion : c'est le projet SAC, Seawater Air Conditioning. Cela dit, restent des obstacles à surmonter, comme les freins technologiques - pour adapter, par exemple, l'éolien marin aux cyclones -, les tarifs de rachat et la prise en charge du risque industriel. Pour l'heure, de très grands groupes privés et parapublics s'intéressent à ces projets ; c'est dire leur intérêt.
Troisième ressource, les biotechnologies marines. Ainsi, les algues ont des débouchés sanitaires - la station marine de Roscoff exploite les oeufs des étoiles de mer pour fabriquer des médicaments anti-tumoraux - énergétiques, cosmétiques, alimentaires... Nous en sommes encore au stade de l'expérimentation.
Quatrièmement, les ressources minérales profondes : nodules polymétalliques, terres rares et encroûtements sulfureux difficiles à exploiter mais intéressants. Au large de Clipperton et de Wallis-et-Futuna, les ressources en nodules polymétalliques sont importantes. La concurrence est rude : les Chinois qui détiennent 35 % de la ressource en terres rares, l'exploitent à 95 %. Raison de plus pour développer cette activité.
J'en viens au contexte juridique. Il convient de le stabiliser rapidement, notamment sur la répartition des compétences en matière minière, entre État et collectivités. Le 5 septembre, la ministre de l'écologie a présenté les grandes lignes de la réforme du code minier. Un projet de loi est attendu pour début 2013. Ce texte a plusieurs objectifs : mise en conformité du code minier avec la Charte de l'environnement, notamment son article 7, révision des procédures, prise en compte des enjeux environnementaux, refonte du droit des installations classées, réforme de la fiscalité minière, adaptation aux spécificités ultra-marines, responsabilité sociale des entreprises.
Un groupe de travail informel, présidé par un conseiller d'État, M. Tuot, et auquel participe la délégation, travaille à un avant-projet de texte avec Mme Duthilleul. Parallèlement, le gouvernement a lancé un travail de codification de la partie réglementaire du code minier. Enfin, la répartition des compétences entre l'État et les collectivités est à l'étude. En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, le transfert est déjà achevé. Cela pose question en Polynésie : comment définir les ressources stratégiques qui relèvent de l'État ? Les terres rares en font-elles partie ? A priori, oui, mais la question n'est pas encore tranchée.
Je termine sur les moyens.
Nous avons des ressources considérables outre-mer, pour l'innovation technologique et le développement économique de la France et de chacun des territoires d'outre-mer. L'outre-mer est une chance pour la France, mais la mer est aussi une chance pour l'outre-mer ! Nous avons aussi un devoir de protection, sans quoi tout cela restera un voeu pieux. Si nous voulons protéger le deuxième domaine maritime mondial de la pêche illégale et du pillage, nous devons avoir des forces de souveraineté suffisantes : par exemple, un nombre suffisant de bateaux de la Marine nationale. Le sujet est d'actualité à l'heure où l'on révise le Livre blanc de la défense. Dans les difficiles arbitrages à venir, il faudra insister sur la priorité de l'outre-mer.