A l'heure actuelle, le modèle préconisé par les cabinets de conseil à l'industrie pharmaceutique repose sur l'idée que la recherche engendre un coût énorme et que les entreprises ont intérêt à acheter des molécules plutôt qu'à les créer elles-mêmes, puis à les développer en collaboration avec des laboratoires publics. Seules les molécules susceptibles de déboucher sur un médicament devraient être développées en interne, les activités les moins stratégiques pouvant être sous-traitées.
Chez Sanofi, qui représente 30 % de l'industrie pharmaceutique française et 40 % de la recherche, le plan de la direction constitue la traduction de ce modèle : désengagement du site de Toulouse, dont l'avenir est incertain, et arrêt de l'activité recherche à Montpellier, pour en faire un « centre d'excellence de développement » dont les spécificités n'existent que sur le papier. Le directeur général a justifié ces réorganisations en expliquant que le tissu scientifique environnant ces deux villes est « insuffisant ». On ne peut être plus éloigné de la vérité...
Avec le plan engagé en 2009, 1 200 chercheurs ont déjà quitté le groupe. Un millier de plus est concerné par les restructurations à venir. Comment augmenter la productivité de la recherche si on lui retire ses moyens ? Les choix stratégiques contradictoires de la direction doivent également être pris en compte, comme la fermeture, à Toulouse, d'une ligne de recherche en antibiothérapie récemment créée, alors même qu'elle devient pleinement fonctionnelle, pour l'intégrer, à Lyon, à un centre de recherche anti-infectieux.
Le choix des projets de recherche ne se fait plus en fonction de leur qualité scientifique mais plutôt de leur rentabilité à court terme. C'est dans cette optique qu'un partenariat a été conclu avec Coca-Cola pour commercialiser des boissons dont les effets sont censés s'approcher de ceux d'un médicament. Quelle en est véritablement l'intérêt thérapeutique ? Pour Sanofi, nous ne sommes plus une industrie pharmaceutique mais une industrie de santé : la nuance est importante.
L'externalisation de la recherche, avec la baisse du budget mondial qui lui est consacré, est en cours. L'étape finale est le projet « Sunrise » : Sanofi a décidé de s'associer à des investisseurs en capital-risque pour financer des startups et décider, au bout de quelques années, de l'opportunité d'intégrer ses recherches à l'entreprise ou bien de s'en retirer. La première entreprise bénéficiaire de ce programme est à Boston et emploie quinze personnes, qui ne sont pas salariées de Sanofi. On peut toutefois imaginer, à terme, que Sanofi détache des employés dans ce cadre.