Nous sommes aujourd'hui réunis en intersyndicale et tenons tous les mêmes propos. Ces actions que nous menons en commun, notamment pour vous rencontrer, nous les effectuons à la demande des salariés, qui sont fortement mobilisés depuis le mois de juillet. Pourquoi les salariés sont-ils autant mobilisés et pourquoi tenons-nous tous le même discours ? En premier lieu parce que Sanofi est une entreprise qui touche à un domaine fondamental, celui de la santé publique. Elle a donc une responsabilité envers la Nation. Même si elle ne réalise que 8 % de son chiffre d'affaires en France, son activité est fortement dépendante de la qualité du système de sécurité sociale français. En deuxième lieu, il s'agit d'une industrie stratégique pour le pays. L'indépendance thérapeutique est un élément déterminant pour l'avenir de notre système de soins. Qu'il s'agisse des médicaments ou des vaccins, il est nécessaire de ne pas devenir dépendants des Etats-Unis dans le futur.
Historiquement, la France a été à l'origine d'avancées majeures, notamment dans le domaine des vaccins. Sanofi représente aujourd'hui 30 % à 40 % du potentiel pharmaceutique français, aussi bien en recherche qu'en production. La stratégie de désengagement qui est mise en place risque donc d'avoir des conséquences graves sur le devenir de l'industrie pharmaceutique dans notre pays. Les deux autres acteurs principaux après Sanofi sont Fabre et Servier, qui connaissent des difficultés importantes, chacun pour des raisons différentes.
Les pouvoirs publics doivent intervenir. Il est inacceptable qu'une entreprise supprime des pans entiers de son activité dans le seul but d'augmenter le montant des dividendes versés aux actionnaires. Cela devrait être illégal. L'industrie pharmaceutique est relativement préservée de la crise économique et son chiffre d'affaires continue d'augmenter, certes à un rythme un peu moins soutenu qu'auparavant. Par ailleurs, Sanofi est l'une des entreprises pharmaceutiques qui devrait être le moins exposée aux pertes de brevets de petites molécules dans les années à venir.
Sur la période 2012-2015, le taux de croissance de son bénéfice net par action devrait être supérieur à celui de son chiffre d'affaires. Comment une telle évolution est-elle possible ? Simplement du fait de la mise en place des plans de restructuration. La direction s'est engagée à augmenter chaque année le niveau des dividendes versés afin que le taux de distribution passe à 50 % du résultat net. Jusqu'à quel niveau va-t-on accepter que des entreprises suppriment des activités et des emplois simplement pour faire en sorte qu'une minorité continue à s'enrichir ? C'est une question de fond qui est posée. Je vous rappelle de façon subsidiaire que le premier actionnaire de Sanofi est L'Oréal : Madame Bettencourt a-t-elle réellement besoin d'argent ?
Les choix de la direction de Sanofi ne sont pas dictés par des difficultés économiques. Il s'agit bien de choix financiers. C'est l'illustration même de suppressions d'emplois à visée boursière. La direction ne parle pas de licenciements mais de plans de départs volontaires. Le résultat est pourtant exactement le même : des emplois sont définitivement détruits dans le simple but d'augmenter la rentabilité financière. La direction, qui diminue aujourd'hui son budget de recherche en France, porte seule la responsabilité d'une stratégie court-termiste qui conduit, malgré la qualité de nos chercheurs, à une diminution de la productivité de la recherche.
Le Parlement doit intervenir pleinement et nous sommes prêts à vous aider. Ayez le courage de proposer des textes de loi pour que des directions ne puissent plus supprimer des emplois simplement pour augmenter les dividendes. L'ensemble de la population vous en sera reconnaissant. Une première tentative a eu lieu en février dernier au Sénat. Elle a échoué de peu. Sans doute faut-il encore améliorer le texte et faire en sorte que tous les élus de la Nation puissent se retrouver sur un texte commun. Les salariés de Sanofi seront en tout cas très attentifs à ce que feront le Parlement et le Gouvernement.
Dès le départ, l'intersyndicale a été favorable à une réunion tripartite avec la direction du groupe et les pouvoirs publics. Mais il fallait dans le même temps geler le plan de restructuration afin que l'ensemble des problématiques puissent être mises sur la table. La direction refuse une telle réunion. Pourquoi ? Le ferait-elle si elle était sûre d'être dans son bon droit ? La direction n'est prête à engager le dialogue que sur l'accompagnement des plans de restructuration, pas sur leur bien-fondé. Pourtant, l'enjeu est essentiel : s'il n'y a plus de recherche sur le sol français, l'impact sur l'ensemble du potentiel industriel sera terrible.