Intervention de Alain Milon

Commission des affaires sociales — Réunion du 19 décembre 2012 : 1ère réunion
Prise en charge psychiatrique des personnes atteintes de troubles mentaux — Examen du rapport d'information

Photo de Alain MilonAlain Milon, rapporteur :

C'est mal, car cette situation limite la prise en charge rapide des malades les plus lourds. Elle accentue le recours à la psychiatrie pour les malades que les autres branches de la médecine délaissent. Comme l'a indiqué Anne Fagot-Largeault, professeur au Collège de France et ancien médecin psychiatre dans un service d'urgence hospitalière, « le diagnostic psychiatrique est trop souvent un diagnostic de secours ». La psychiatrie permet aux autres services de médecine de lui adresser les patients dont les symptômes ne sont pas rapidement identifiables. La psychiatrie devient le bouc émissaire des critiques, ce qui est d'autant plus injuste que la psychiatrie française se distingue par une plus grande prudence que la psychiatrie anglo-saxonne.

Les critiques adressées à une partie de la psychiatrie anglo-saxonne en raison de dérives sociales et économiques sans lien réel avec les besoins des malades ne sont pas applicables aux pratiques psychiatriques et aux praticiens français. De plus, notre psychiatrie a été moins sensible aux effets de mode en matière théorique et thérapeutique. La définition de la psychiatrie comme thérapie de l'être et non d'un organe, à laquelle sont attachés la plupart des praticiens, a empêché la focalisation exclusive sur la neurobiologie.

De même, la pédopsychiatrie s'est longtemps caractérisée par la volonté de ne pas fixer un diagnostic sur l'état d'un enfant et de commencer un traitement médicamenteux de manière trop précoce. La plupart des praticiens que j'ai auditionnés ont insisté sur les précautions que nécessitait le recours au DSM (manuel américain diagnostique et statistique des troubles mentaux) et leur préférence pour la classification des troubles mentaux proposée par l'OMS ou celle élaborée en France. Les psychiatres français souhaitent préserver la spécificité de leur approche qui apparaît moins dangereuse pour les patients et plus respectueuse de leur autonomie.

J'en viens à la prise en charge psychiatrique en France et à ses besoins. Les pathologies relevant de la psychiatrie se situent au troisième rang des maladies les plus fréquentes, après le cancer et les maladies cardio-vasculaires. La Cour des comptes évalue à 107 milliards d'euros par an le coût économique et social des pathologies mentales. La rénovation de la prise en charge psychiatrique en France date de la circulaire du 15 mars 1960 qui a fondé le « secteur », selon des principes toujours actuels. La Cour des comptes les résume de la façon suivante : « proximité, continuité et cohérence des soins, prévention, réinsertion, non-stigmatisation ». Le secteur psychiatrique compte environ 70 000 personnes et assure la coordination des actions de prévention, de diagnostic, de soins, de réadaptation et de réinsertion sociale pour lutter contre les maladies mentales.

La structuration des soins doit permettre la prise en charge la plus rapide possible et le mode ambulatoire, privilégié, concerne 86 % des malades. Viennent ensuite les alternatives à l'hospitalisation à temps partiel ou complet puis, pour les cas les plus graves ou les crises aigües, l'hospitalisation à temps complet avec ou sans consentement. De plus, le soin des malades aux plus près de leur lieu de vie est encouragé. Enfin, des équipes mobiles se rendent au contact des populations les plus fragiles.

Il convient de donner au système actuel les moyens de fonctionner. D'après la Cour des comptes, lors de la mise en place du plan psychiatrie et santé mentale en 2005, 80 % des bâtiments consacrés à la prise en charge psychiatrique avaient bénéficié de rénovations, mais moins d'un quart des chambres disposait d'une douche et des toilettes, et les services techniques étaient insatisfaisants dans 86 % des cas. Un programme d'investissements de 1,8 milliard d'euros d'ici 2017 a donc été lancé. Le plan hôpital 2007 avait prévu 600 millions d'investissements dans les établissements psychiatriques.

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