La psychiatrie est un sujet très particulier, parce qu'elle touche un organe très mal connu, même si l'on a fait beaucoup de progrès dans son exploration, le cerveau. Vous vous êtes efforcé de clarifier des enjeux extrêmement complexes.
Entre les grandes maladies psychiatriques et les petites névroses réactionnelles, il y a beaucoup d'espace. Les unes requièrent une prise en charge en milieu hospitalier fermé, les autres forment le lot habituel des médecins généralistes. On se plaint du manque de psychiatres, mais trois quarts des affections psychiatriques sont réactionnelles et concernent les généralistes. Ceux-ci s'en désintéressent peut-être, mais ne sont pas mal formés. Quand trente personnes attendent dans leur cabinet, il leur est difficile de consacrer aux malades psychiatriques le temps nécessaire, car l'investigation et le traitement des maladies psychiatriques nécessitent plus de temps que le suivi d'une artériosclérose.
La formation des psychiatres était excellente autrefois : elle reposait sur l'internat des hôpitaux psychiatriques, proposé aux étudiants en médecine de sixième année, qui y voyaient une occasion d'être payés. Naissaient ainsi de nombreuses vocations. Ce système a disparu et on forme moins de psychiatres, d'autant qu'il s'agit de l'une des spécialités les moins rémunératrices. De ce point de vue, mieux vaut être ophtalmologiste que psychiatre !
Non, les infirmiers en psychiatrie ne sont pas mal formés : ce sont eux qui tissent les liens nécessaires entre milieu fermé et milieu ouvert, en assurant le suivi des traitements des malades qui sortent d'hôpitaux psychiatriques, en milieu urbain comme en milieu rural. En revanche, nous en manquons.
Il faut décentraliser la psychiatrie. Si les grandes maladies mentales ne peuvent être traitées qu'à l'hôpital, en milieu fermé, les médecins généralistes devraient néanmoins recevoir une petite spécialisation en psychiatrie.
Lorsque j'étais externe en psychiatrie, je croisais souvent des malades que j'avais traités en journée, dans le car du soir qui me ramenait à Bordeaux. La camisole chimique des années 1950 a permis à beaucoup de gens de mener une vie presque normale, mais il fallait qu'ils suivent leur traitement. Sinon, le pire était à redouter, et c'est sans doute ce qui s'est passé aux États-Unis.
Ce sujet est très vaste et tout se joue dans l'interface entre milieu fermé et milieu ouvert.