Intervention de Michel Delebarre

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 19 décembre 2012 : 1ère réunion
Election des conseillers municipaux des délégués communautaires et des conseillers départementaux — Examen du rapport et des textes de la commission

Photo de Michel DelebarreMichel Delebarre, rapporteur :

Ces deux projets de loi visent à modifier le mode d'élection des conseillers généraux, à élargir le champ du scrutin proportionnel mixte pour les municipales et à instaurer le fléchage pour l'élection des délégués communautaires. Ils modifient également le calendrier électoral du prochain renouvellement des assemblées régionales et départementales.

Les départements sont une collectivité ancienne et bien ancrée territorialement. Créés en 1790, ils ont connu une certaine pérennité dans leur organisation. La loi du 10 août 1871 a esquissé les contours du département tel que nous le connaissons aujourd'hui, mais c'est la loi du 2 mars 1982 qui a transféré l'exécutif du préfet au président du conseil général.

Les conseillers généraux sont élus pour un mandat de six ans. Les cantons sont répartis en deux séries, renouvelables tous les six ans mais en alternance, afin d'atténuer les renversements de majorité politique. Les conseillers généraux sont élus au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, dans le cadre du canton. Pour être élu au premier tour, un candidat doit réunir à la fois la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de voix au moins égal au quart de celui des électeurs inscrits. Si aucun candidat ne réunit ces deux conditions, un second tour est organisé. Celui-ci est réservé aux candidats qui se sont présentés au premier tour et qui ont recueilli un nombre de voix au moins égal à 12,5 % des inscrits. Si ce seuil n'est atteint que par un candidat ou par aucun candidat, peuvent alors se présenter les deux candidats arrivés en tête. La majorité relative est alors suffisante.

Ce mode d'élection a incontestablement favorisé un ancrage territorial des élus au sein de leur circonscription, un lien de proximité avec les électeurs. Cet aspect positif est malheureusement contrebalancé par le faible taux de féminisation des conseils généraux. En 1998, les femmes ne représentaient que 8,6 % des effectifs ; elles sont aujourd'hui 13,5 %. C'est mieux mais encore insuffisant. La loi du 31 janvier 2007 a imposé, pour chaque candidat titulaire au conseil général, un suppléant de sexe différent. L'objectif était de constituer un vivier de femmes pour le conseil général. Si la part des femmes au sein des conseils généraux a légèrement augmenté grâce à cette mesure, les présidentes de conseil général ne sont que cinq, sur cent départements !

En outre, les 3 971 cantons existants datent, pour la plupart, du découpage de 1801-1802. Seuls deux cinquièmes d'entre eux ont vu leur limite territoriale évoluer ponctuellement pour remédier à un écart démographique. En deux cents ans, la carte cantonale n'a connu aucun remodelage général, d'où d'importants écarts démographiques. Dans l'Hérault, le rapport entre la population du canton le plus peuplé et celle du canton le moins peuplé est de 1 à 47 ! Difficile, dans ces conditions, de respecter le principe constitutionnel d'égalité des électeurs devant le suffrage.

La loi du 19 novembre 1982 a rénové le scrutin municipal en introduisant, dans les communes de 3 500 habitants et plus, une représentation proportionnelle assortie d'une prime majoritaire. Les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste à deux tours. Au premier tour, la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés se voit attribuer la moitié des sièges à pourvoir. L'autre moitié est répartie entre toutes les listes en concurrence, y compris celle arrivée en tête, selon la règle de la proportionnelle à la plus forte moyenne. En cas de second tour, les sièges sont attribués entre toutes les listes selon les mêmes principes, la prime majoritaire revenant à la liste arrivée en tête sans autre condition de majorité. Pour chacun des deux tours, seules participent à la distribution des sièges les listes qui ont recueilli au moins 5 % des suffrages exprimés. Ce dispositif a prouvé son efficacité en permettant l'émergence de majorités municipales.

La parité a été introduite par la loi du 6 juin 2000 et renforcée par la loi du 31 janvier 2007. Depuis les municipales de 2008, les listes sont composées alternativement d'un homme et d'une femme pour chaque tour de scrutin.

Parallèlement, le code électoral prévoit un régime particulier pour les communes de moins de 3 500 habitants, gouvernées par un conseil municipal de 9 à 23 membres. Les conseillers municipaux y sont élus au scrutin majoritaire de liste : à la majorité des suffrages exprimés au premier tour, qui doit être égale au quart des électeurs inscrits ; à la majorité relative au second, quel que soit le nombre de votants. Les suffrages sont comptabilisés individuellement. En cas d'égalité de suffrages, l'élection est acquise au plus âgé. Les candidatures isolées sont autorisées et des listes incomplètes peuvent être déposées. Dans les communes de moins de 3 500 habitants, l'électeur a une grande latitude pour exprimer son choix. Sauf dans les communes de 2 500 habitants et moins, les bulletins doivent comporter autant de noms qu'il y a de sièges à pourvoir. En revanche, le panachage est permis. Les bulletins sont valables même s'ils comprennent plus ou moins de noms qu'il y a de conseillers à élire, les surnuméraires n'étant pas comptés.

Les organes délibérants des EPCI sont composés de délégués élus par les conseils municipaux. La durée de leur mandat est alignée sur celle des conseillers municipaux. Dans les communautés de communes et d'agglomération, les délégués sont élus au scrutin uninominal majoritaire à trois tours. Dans les communautés urbaines et les métropoles, la règle est - sauf pour les communes qui ne disposent que d'un siège - le scrutin de liste à un tour selon la proportionnelle à la plus forte moyenne, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation des candidats.

Le projet de loi ordinaire, dans son titre 1er, modifie en profondeur les dispositions applicables aux conseils généraux. Mesure symbolique, l'article 1er substitue les appellations de conseil départemental et conseiller départemental à celles de conseil général et conseiller général, afin de clarifier le lien entre l'élu et la collectivité qu'il représente, sur le modèle du conseiller régional.

L'article 2 prévoit l'élection, dans la circonscription cantonale, d'un binôme de candidats, un homme et une femme. Sa particularité réside dans la solidarité des deux candidats devant l'électeur : l'élection de l'un entraîne celle du second. Toutefois, une fois élu, chaque conseiller départemental exerce son mandat indépendamment de son binôme.

L'article 4 reprend largement les modalités d'élection des actuels conseillers généraux. Les conseillers départementaux seraient élus pour six ans et seraient indéfiniment rééligibles. En revanche, le renouvellement triennal serait supprimé au profit d'un renouvellement intégral tous les six ans. L'accès au deuxième tour répondrait aux mêmes conditions qu'aujourd'hui. En cas d'égalité, l'élection serait acquise au binôme comportant le candidat le plus âgé, comme le prévoit l'article 5.

L'article 8 prévoit que la déclaration de candidature comporte la signature et les informations concernant les deux candidats ainsi que leur suppléant - de même sexe que le titulaire, pour conserver la parité en cas de recours au remplaçant.

L'article 9 prévoit l'organisation d'une élection partielle en cas d'annulation de l'élection ou de démission d'office, ou quand les deux sièges d'un même canton sont vacants. Je vous proposerai par amendement d'organiser également une partielle dans le cas où un seul siège est vacant et que le recours au remplaçant n'est pas possible.

L'institution de deux sièges par canton implique de diviser par deux le nombre de cantons. C'est ce que prévoit l'article 3, complété par l'article 23 qui encadre le remodelage par le pouvoir réglementaire de la carte cantonale, selon les principes définis par la jurisprudence du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel : le territoire de chaque canton doit être continu ; toute commune de moins de 3 500 habitants doit appartenir au même canton ; la population d'un canton ne peut être ni supérieure ni inférieure à 20 % de la population moyenne des cantons du département.

L'article 23 prévoit des dérogations limitées, justifiées par des considérations d'intérêt général ou d'ordre géographique, pour les territoires peu peuplés, à savoir les territoires ruraux, montagnards et insulaires, afin de délimiter des cantons à taille humaine et respecter le principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant le suffrage.

Autre disposition importante, le report à mars 2015 des prochaines élections départementales et régionales, qui seront désormais concomitantes. L'article 24 prolonge donc d'une année le mandat des conseillers généraux élus en 2008 et en 2011 ainsi que des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse élus en 2011. Cette mesure s'inscrit dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel qui a jugé que seul un intérêt général peut justifier, à titre exceptionnel et transitoire, la prolongation de mandats en cours. Par coordination, les premières élections prévues pour la mise en place de la collectivité unique en Guyane et en Martinique, que notre commission avait calées sur les élections régionales, sont également reportées à mars 2015.

La principale modification apportée au régime électoral des conseils municipaux est l'extension du scrutin proportionnel aux communes de 1 000 habitants. Avec ce seuil, le Gouvernement étend la proportionnelle à 6 500 communes ; 16 000 conseillères supplémentaires siégeront dans les assemblées municipales, qui accueilleront 87 000 élues.

L'article 1er du projet de loi organique élargit en conséquence aux communes de 1 000 habitants et plus l'obligation d'indiquer sur les bulletins de vote, à peine de nullité, la nationalité des ressortissants communautaires.

Le champ d'application du scrutin majoritaire sera réduit aux communes de moins de 1 000 habitants. En conséquence, aux termes de l'article 17, y seront autorisées les candidatures isolées, les listes incomplètes et le panachage, que le Gouvernement a souhaité maintenir pour faciliter l'élection des conseillers municipaux.

Par ailleurs, l'article 19 modifie le tableau du nombre des conseillers au Conseil de Paris par secteurs, inchangé depuis trente ans, pour tenir compte des évolutions démographiques de la population parisienne depuis cette date. Le projet de loi conserve les principes de 1982 pour répartir des sièges entre les vingt arrondissements, à savoir une répartition proportionnelle à la population avec un minimum de trois sièges de droit à chaque secteur. Les VIIème, XVIème et XVIIème arrondissements, dont la population a diminué ces trente dernières années, perdent chacun un siège au profit des Xème, XIXème et XXème secteurs qui ont connu la plus forte progression démographique.

Le seuil de 1 000 habitants m'apparaît équilibré : d'une part, il autorise l'application de la proportionnelle et favorise la parité dans des conseils municipaux d'au moins quinze membres ; d'autre part, la population des communes considérées doit permettre, sans grande difficulté, la constitution de listes.

Il en est de même de la modification de la répartition des conseillers de Paris : le nouveau tableau demeure fondé sur les principes adoptés en 1982 ; les modifications qui y sont portées découlent de l'évolution démographique des vingt arrondissements parisiens.

En revanche, je vous proposerai d'aligner le mandat municipal pris en compte au titre de la limitation du cumul de mandats : aujourd'hui, le conseiller municipal y figure pour les communes d'au moins 3 500 habitants, seuil du changement de mode de scrutin.

Le principe du fléchage pour l'élection au suffrage universel des délégués communautaires résulte de l'article 8 de la loi du 16 décembre 2010. Reprenant les dispositions proposées en 2009, l'article 20 prend en compte le double mode de scrutin municipal. Dans les communes de 1 000 habitants et plus, les délégués sont élus en même temps que les conseillers municipaux et selon les mêmes règles: représentation proportionnelle à la plus forte moyenne avec prime majoritaire. Dans les communes de moins de 1 000 habitants, les délégués seront désignés dans l'ordre du tableau : le maire puis les adjoints puis les autres conseillers municipaux.

L'article 1er du projet de loi organique ouvre l'élection des délégués communautaires aux ressortissants communautaires qui détiennent le droit de vote et d'éligibilité aux municipales. À l'avenir, ils participeront également à la désignation des délégués intercommunaux puisque ce scrutin n'est pas distinct de l'élection municipale.

Je vous proposerai de supprimer le principe du regroupement en tête de liste des candidats fléchés pour l'intercommunalité. Si l'équipe candidate souhaite réserver les sièges au conseil de la communauté à ceux qui ne sont pas membres de l'exécutif municipal, elle doit pouvoir flécher les candidats sur la liste au-delà de la limite résultant du nombre de sièges revenant à la commune au sein de la communauté.

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