L'équipe de la Délégation est composée de huit personnes, déléguée comprise. Notre programmation budgétaire pour 2013 avoisine les 150 000 euros, sur lesquels est prise une partie des crédits de fonctionnement. J'ai l'habitude de travailler avec peu de crédits, puisque ceux d'une délégation régionale aux droits des femmes sont du même ordre de grandeur. Nous avons une structure interministérielle : notre action est relayée dans tous les cabinets par des référents outre-mer, dont j'ai rencontré le plus grand nombre. Ils sont tout à fait disposés à porter nos messages en interne, ainsi qu'à accompagner nos actions de promotion de l'égalité des chances en métropole à destination de structures associatives ou d'entreprises partenaires. Avec le ministère de la jeunesse et des sports, nous avons entrepris une expérimentation avec les centres régionaux d'information jeunesse autour de la promotion de l'égalité en faveur des ultramarins. L'expérience de l'« expo pour l'égalité » conduite à la Réunion pourrait être reprise dans ce cadre, qui aborde ces questions sous un angle ludique et pédagogique. Il reste à formaliser nos accords avec les référents, et à communiquer - une fois que c'est su, nous sommes tenus...
En revanche, la Délégation ne dispose pas des moyens de récolter toutes les données statistiques dont elle aurait besoin. Celles-ci existent pourtant ; simplement elles ne sont pas exploitées, sauf quand l'Insee s'en saisit. L'étude que j'ai mentionnée ne concerne que les départements d'outre-mer. Néanmoins, il y a des chiffres pour les collectivités d'outre-mer à l'INSEE, à l'INED, à l'Observatoire de la diversité, sans doute aussi, malheureusement, à l'Observatoire de la délinquance. Nous devons nous rapprocher de ces instances pour partager et exploiter les données qui nous intéressent. Nous en tirerions des conclusions dans trois domaines : d'abord sur la connaissance que nous avons de ces populations, et des différences qui séparent un Mahorais d'un Saint-Pierrais. Ensuite, en matière d'aide à la prise de décision : nous manquons d'informations sur la santé des ultramarins en métropole. Enfin, il convient d'en tirer des conséquences en matière d'évaluation. Bref, nous avons un besoin impérieux de tableaux de bord opérationnels relatifs à la place des ultramarins sur le territoire hexagonal.
La Délégation interministérielle existe depuis un certain temps, et si les résultats ne sont pas encore tous visibles, c'est parce que l'on touche à des stéréotypes et à des préjugés. Changer le regard des métropolitains sur les ultramarins n'est pas chose facile. Nous travaillons à leur faire comprendre que ce sont des personnes audacieuses : certaines quittent leur territoire pour chercher une formation ou un avenir professionnel meilleur sans même savoir où elles vont s'installer, sans y connaître personne. Certains parcours sont d'ailleurs remarquables, et mériteraient d'être davantage montrés en exemple. Je me rends tout à l'heure au vernissage d'une exposition d'artisans d'art parmi lesquels des ultramarins : il serait bon de le dire. D'autres s'engagent dans le combat politique... Tous participent à une construction positive de ce que sont les ultramarins, et diffusent un message qu'il nous faut relayer. Nous ne sommes pas des « espère-cuit », comme on dit chez moi, c'est-à-dire des personnes qui attendent que les choses leur tombent dans le bec. Nous sommes inventifs, innovants, nous participons au rayonnement de la France et, lorsque nous nous installons dans des pays étrangers, nous donnons à voir un autre visage de la France.
Les préjugés contribuent à des discriminations indirectes, qu'il faut corriger par des actions positives. Dans ma fonction de déléguée à l'égalité des chances, je parlerai non de discrimination positive, mais d'action positive, c'est-à-dire d'une action mise en oeuvre pour un temps donné à l'attention d'un public cible, et faisant à terme l'objet d'une évaluation. À mon sens, la discrimination positive a deux inconvénients : d'une part, elle instaure une manière de faire qui perdure et dont on ne mesure pas les effets, au risque de tomber dans l'excès inverse ; d'autre part, elle met sur le devant de la scène des personnes-alibis : après la première loi sur la parité en politique, on a dit que certaines femmes avaient été nommées parce que femmes et non pour leur compétence. Je ne souhaite pas reproduire ce schéma pour les ultramarins.
Enfin, il n'y a pas, à ma connaissance, de moyens dédiés à l'information des ultramarins sur leurs droits. J'ai parlé du réseau associatif et de bénévoles du Défenseur des droits répartis sur tout le territoire : j'ai l'aval de M. Dominique Baudis pour travailler avec eux afin de remédier à cette situation. Nous devons en outre diffuser nos messages par l'intermédiaire de tous les médias, pas exclusivement communautaires.