Intervention de Francis Delattre

Réunion du 19 décembre 2012 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2012 — Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

Photo de Francis DelattreFrancis Delattre :

Au contraire, les dépenses s’alourdissent et la masse salariale augmente.

Est-ce avec la suppression de 100 conseils consultatifs, annoncée hier par M. Ayrault, que vous comptez nous faire croire au début d’une politique de rigueur dans la gestion des dépenses publiques ?

En quelques mots, la raison de notre opposition ne porte pas sur l’objectif du mécanisme, ou sur son principe, mais sur le choix du levier utilisé, c’est-à-dire le crédit d’impôt, dispositif que nous jugeons bien moins lisible et efficace qu’une exonération de CSG.

De surcroît, les effets de seuil et le ciblage de votre dispositif sur les rémunérations inférieures à 2, 5 fois le SMIC entraveront l’évolution des salaires. En dernier ressort, comme l’a remarqué M. le président de la commission des finances, les prévisions quant au coût de la mesure sont extrêmement variables, ce qui ne manque pas d’inquiéter.

L’autre versant de ce mécanisme est l’augmentation des différents taux de TVA.

Il est à croire que vous avez déterminé ces taux à partir de considérations plus esthétiques qu’économiques, vous conduisant à arrondir le taux intermédiaire de 7 % à 10 %, le taux normal de 19, 6 % à 20 % et le taux réduit de 5, 5 % à 5 %. Si, en politique, le faire-savoir est parfois aussi important que le savoir-faire, le caractère « publicitaire » de ces nouveaux taux n’aura échappé à personne.

Toutefois, au-delà de l’affichage, ces taux seront-ils efficients ?

Pour ce qui est du taux de 5 %, nous comprenons l’argument social ou « éthique », si je puis dire, qui vous amène à réduire le taux de TVA minimal. Cependant, le différentiel de 0, 5 % sera rapidement absorbé par l’inflation, hélas ! Ajoutons que la répercussion d’une baisse de 0, 5 point de la TVA sur les prix des biens de grande consommation tels que ceux qui bénéficient du taux de TVA réduit ne sera que de quelques centimes.

Le passage de 7 % à 10 % du taux intermédiaire, soit une augmentation de 40 % en une seule fois, est nettement plus intéressant. Il s’agit là de l’effort maximal que vous consentez, mais permettez-moi de vous dire que vous manquez votre cible ! Les produits et secteurs de consommation concernés par ce taux de TVA intermédiaire ont pour seul point commun de ne pas être délocalisables.

Le discours sur le logement social économe en énergie s’accommodera mal de décisions majorant la fiscalité sur les travaux. Quant aux travaux artisanaux, j’observe que l’application de taux réduits avait fait fortement reculer le travail non déclaré.

Enfin, la majoration de certains taux s’appliquant aux services publics locaux, tels que les transports publics, entraînera en réalité un transfert financier supplémentaire des collectivités territoriales vers l’État.

En fait, 25 % des produits que nous consommons sont importés ; or moins d’un cinquième de ces produits se voient appliquer le taux de TVA de 5, 5 %. À l’inverse, plus des quatre cinquièmes des biens que nous importons sont soumis au taux normal de 19, 6 %, que vous souhaitez porter à 20 %. Dans ces conditions, si vous entendez vraiment octroyer un avantage à celles de nos entreprises qui destinent leur production au marché français, face auxquelles se dresse une concurrence mondiale soutenue, c’est sur ces taux qu’il faut agir.

En d’autres termes, comme pour le CICE, il nous apparaît que le ciblage proposé par le Gouvernement pour l’évolution des taux de TVA ne correspond aucunement aux objectifs assignés, notamment par le fameux rapport Gallois, qui, comme la Cour des comptes, préconisait un effort également réparti entre la fiscalité et les économies sur les dépenses de l’État.

Que dire du dernier grand dispositif que vous introduisez au travers de ce projet de loi de finances rectificative : le durcissement de la taxation des plus-values immobilières ?

Que dire de la cohérence gouvernementale ? Comment peut-on justifier la cohabitation de l’abattement de 20 % sur les plus-values de cessions immobilières dans le projet de loi de finances pour 2013 et la surtaxation de ces mêmes plus-values dans le présent projet de loi de finances rectificative pour 2012, examiné simultanément ?

De plus, afin de compenser la disparition de la taxe sur les résidences secondaires proposée pourtant par le Gouvernement, les rapporteurs généraux des deux assemblées suggèrent de mettre en place une nouvelle tranche d’imposition sur les plus-values de cessions immobilières allant de 50 000 à 100 000 euros. Or il ne s’agit pas là de plus-values exceptionnelles ; la nouvelle tranche d’imposition concernera directement les contribuables des couches moyennes. En gelant le marché, cette tranche minimale viendra casser l’offre de logements de petite et moyenne taille dans les zones tendues, qui sont le cœur de cible d’une politique du logement raisonnée et efficace.

En réalité, le pacte de compétitivité, qui constitue l’innovation majeure du PLFR, s’apparente surtout aujourd’hui à des promesses mal financées, alors que vos hausses d’impôt, elles, sont bien réelles et pèsent sur les résultats de nos entreprises.

Par rapport à un PIB de 2 000 milliards d’euros et à un actif des entreprises privées de près de 6 000 milliards d’euros, un choc à 20 milliards d’euros sur quatre ans n’a pas grande signification, monsieur le ministre. Ce n’est pas l’État, aujourd’hui endetté à hauteur de 1 800 milliards d’euros, qui pourra financer les besoins d’une économie compétitive à l’échelle mondiale.

Pour rassurer la sphère privée et donner une chance au redressement productif, …

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion