Voilà pour la conversion des deux députés égarés.
Le rendez-vous législatif prévu dans la loi Bataille a donc eu la vertu d'établir la confiance. Ne croyez pas pour autant qu'en l'absence d'un tel rendez-vous il ne se serait rien passé. Simplement, le débat n'aurait pas eu lieu au Parlement, qui est l'enceinte naturelle d'un débat national, et il serait resté sur le terrain de la manifestation, de la pétition, du référendum local, avec tous les aléas, les imprécisions, les contradictions, l'émotion aussi, propres à cette forme de dialogue.
Je suis profondément républicain, partisan d'un système parlementaire dans lequel les élus prennent leurs responsabilités. Les électeurs ont, le cas échéant, la possibilité de les désavouer, ce qu'ils ne se privent d'ailleurs pas de faire. Mais au moins ont-ils des interlocuteurs qui assument leurs responsabilités !
La décision, considérable, que constitue le passage d'un centre d'études à un centre de stockage mérite un débat parlementaire. Ce débat, monsieur le ministre délégué, vous l'avez accepté, mais sous une forme restreinte, en le cantonnant à la question de la réversibilité.
Il s'agissait d'un débat in abstracto. Grâce au sous-amendement n° 167 rectifié, il s'agit désormais d'un débat in concreto, qui vise le seul site susceptible d'accueillir dans l'avenir un centre de stockage permanent. Nous avons donc progressé, mais je reste frustré d'un débat global.
Le débat législatif que vous nous proposez ne portera que sur la réversibilité. Mais vous n'empêcherez pas - et je le souhaite d'ailleurs profondément - que l'on aborde alors non seulement la réversibilité technique, c'est-à-dire la capacité à récupérer des fûts dans des galeries qui n'auraient pas été trop déformées, mais aussi la réversibilité sous tous ses aspects.
Le débat sur la réversibilité débouchera alors sur un débat global sur la gestion des déchets nucléaires, compte tenu de la progression observée dans les deux autres voies que sont la séparation-transmutation et l'entreposage, avec la perspective de pouvoir entreposer sur des périodes plus longues que celles que nous maîtrisons actuellement.
Puisque le débat sera global, pourquoi diable ne pas accepter les amendements qui y font référence, et qui prévoient que seule une loi pourra autoriser la transformation du laboratoire en centre de stockage ?
De cette façon, les électeurs, nos compatriotes, nos concitoyens, et j'utilise ce terme à dessein, auront la certitude que, le moment venu, c'est le problème dans son ensemble qui sera examiné par le Parlement. Et nous ne faisons rien d'autre aujourd'hui !
Chacun a reconnu que le débat de 1991 fut de qualité. Celui de 2006 n'est pas médiocre, bien au contraire. Il est respectueux et représentatif de tous les points de vue. Il n'aurait pas été choquant de prévoir, en 2015, un débat sur la transformation d'un centre d'études en un centre de stockage.
Vous nous proposez une solution intermédiaire. En d'autres termes, vous reconnaissez que nous avons raison mais, pour des considérations qui sont sans doute d'ordre juridique, vous ne pouvez pas accéder à notre demande.
Je reste néanmoins persuadé que l'amendement n° 37 rectifié, comme tous les amendements qui portent cette conviction, et que je voterai obstinément, même s'ils ne sont pas adoptés, a l'immense mérite de préconiser le recours à la loi dans un domaine de tradition administrative. Mais pouvons-nous avoir la certitude que les établissements classés seront encore présents dans plusieurs milliers d'années ? La réponse est bien évidemment négative.
J'aurais préféré que, dans un, deux ou cinq siècles, on puisse dire que la représentation nationale a su prendre ses responsabilités plutôt que de laisser à un Premier ministre le soin de signer un décret, rédigé sur proposition des administrations compétentes.
En d'autres termes, j'aurais préféré que les parlementaires prennent leurs responsabilités.
En 1991, les députés ont pris leurs responsabilités en adoptant, en première lecture, dans un climat responsable, le projet de loi relatif aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs. Les sénateurs feront de même, et plus encore en 2015, en s'appuyant sur neuf années supplémentaires d'expériences et de dialogues.
Si vous ne pouvez pas l'accepter aujourd'hui, monsieur le ministre délégué, vous en reconnaissez cependant la nécessité en fixant ce rendez-vous législatif à propos de la réversibilité. C'est une moitié du chemin. Si vous aviez parcouru tout le chemin, vous auriez sans doute contribué, peut-être à apaiser d'éventuelles inquiétudes, mais aussi et surtout à satisfaire le besoin de dialogue et de considération qu'expriment les populations concernées directement par le laboratoire.