Intervention de Marie-Hélène Des Esgaulx

Réunion du 19 décembre 2012 à 14h30
Programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 — Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

Photo de Marie-Hélène Des EsgaulxMarie-Hélène Des Esgaulx :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une loi de programmation des finances publiques, c’est à la fois un objectif et une trajectoire.

L’objectif – mais comment pourrait-il en être autrement ? –, nous le partageons évidemment. Le retour à l’équilibre de nos comptes publics est la clé de notre indépendance nationale, vis-à-vis des marchés financiers notamment. C’est ce qui permet d’enrayer la spirale infernale de l’endettement. Je rappelle que la charge de la dette représente 46, 4 milliards d’euros en 2012.

La trajectoire des finances publiques sur la période 2012-2017 prévoit un retour du déficit à 3 % en 2013 et l’équilibre structurel en 2016 et 2017. L’objectif d’équilibre est ainsi exprimé en solde structurel, et non effectif, soit corrigé des variations conjoncturelles.

Si le groupe UMP partage l’objectif, la trajectoire qui est proposée nous pose un sérieux problème, et ce pour trois raisons.

Premièrement, cette trajectoire se traduit par une évolution de l’équilibre entre efforts sur la dépense publique et hausse de la fiscalité fortement critiquable.

Deuxièmement, elle repose sur des hypothèses de croissance discutables.

Troisièmement, elle est pour le moins sinueuse, au regard des premiers mois de mise en œuvre de votre politique de retour à l’équilibre. Je commencerai par ce point.

Comme le prouve le virage à 180 degrés que vous avez opéré à la suite de la publication du rapport Gallois, la trajectoire que vous avez définie apparaît désormais effectivement pour le moins illisible et assez brouillonne. Elle va faire l’objet de facto de nombreuses contorsions, puisque les recettes attendues sur la fiscalité des entreprises, c'est-à-dire près de 20 milliards d’euros, seront déjà annihilées par un crédit d’impôt d’un montant équivalent.

Certes, le coût du crédit d’impôt sera compensé, notamment par une baisse des dépenses. Mais celle-ci est repoussée à plus tard, et nous n’avons toujours pas plus de précisions sur ce point.

En matière de dépenses, nous regrettons que, dans votre programmation, tous les efforts soient reportés à plus tard, au mieux à partir de 2014.

Il eût fallu au contraire concentrer les efforts sur la réduction des dépenses publiques dès le début du quinquennat, au lieu d’augmenter massivement les prélèvements obligatoires, ce qui va avoir un effet récessif.

Le matraquage fiscal des ménages et des entreprises en 2012 et 2013 – les augmentations d’impôts s’élèvent à 30 milliards d’euros –, en raison d’un effort sur les dépenses trop faible, risque en effet d’avoir un effet récessif important : diminution du pouvoir d’achat, donc de la consommation des ménages, baisse des investissements et fragilisation des entreprises, dont les marges n’ont jamais été aussi faibles, alors même que les chantiers structurels relatifs à la compétitivité et à la réforme de la flexibilité du travail ne cessent d’être reportés.

Les objectifs en termes de dette, prélèvements obligatoires et dépenses publiques, tels qu’ils sont définis à l’article 3, illustrent parfaitement l’hiatus qui existe entre la majorité et l’opposition pour parvenir à l’objectif d’équilibre de nos finances publiques. Vous conjuguez une absence d’effort sur la dépense publique avant 2014 à une hausse sans précédent des prélèvements obligatoires, à hauteur de 1, 4 point entre 2012 et 2013.

À propos de l’effort sur les dépenses, un certain flou ou, devrais-je plutôt dire, un flou certain entoure le détail des réductions que vous devrez pratiquer. Par exemple, à l’issue de trois ans d’ajustement budgétaire, il n’y aura plus de marge de manœuvre pour le Gouvernement sur les dépenses de personnel, sauf à reprendre les suppressions de postes dans les ministères prioritaires, c'est-à-dire l’enseignement, la justice ou la police. Qu’en sera-t-il alors ? Ou accepterez-vous de baisser les salaires à place ?

Le flou entoure votre trajectoire de réduction des dépenses et met également en lumière vos contradictions.

Dans la loi du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, la précédente majorité avait mis en place le gel, en valeur, de l’enveloppe des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales. Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 prévoit que les collectivités territoriales « contribuent à l’effort de redressement des finances publiques », ce qui se traduit, notamment, par la baisse de 1, 5 milliard d’euros de l’enveloppe entre 2013 et 2015, répartie à égalité, c'est-à-dire 750 millions d’euros, sur les années 2014 et 2015. Le chiffre de 2, 25 milliards d’euros est parfois évoqué, en cumulant les diminutions par rapport au niveau de 2013.

Pourtant, il y a un an, vous poussiez des cris d’orfraie quand nous proposions des diminutions de 200 millions d’euros seulement, c'est-à-dire un montant dix fois moindre. Il semblerait donc que l’exercice du pouvoir vous ait fait prendre quelque peu conscience des réalités. Nous nous en réjouissons.

Le rapport Gallois semble également vous avoir éclairés. Il prône de réduire drastiquement les dépenses publiques. Il a été visiblement à l’origine d’un véritable virage du Gouvernement.

Ainsi, dans le rappel des annonces en matière d’économies, François Hollande, dans sa conférence de presse du 13 novembre 2012, a annoncé que, avec le Pacte national pour la croissance et la compétitivité, l’effort total sur les dépenses s’élèverait à 60 milliards d’euros. Pour réaliser ces 12 milliards d’euros d’économies par an pendant cinq ans, comme s’y est engagé le Président de la République, c’est, en cumulé, 184 milliards d’euros d’économies qu’il faut obtenir.

Le projet pluriannuel transmis à Bruxelles a été de 150 milliards d’euros d’économies réelles. Le compte n’y est donc pas.

Selon les calculs de l’Institut français pour la recherche sur les administrations publiques, l’effort réel en dépenses – et non en y incluant les effets incertains d’une possible baisse des taux – sera non pas de 185 milliards d’euros, ce qui correspondrait à un effort réel pluriannuel aboutissant à 60 milliards d’euros d’économies en 2017, mais bien, en réalité, de 153 milliards d’euros.

Par avance, le Gouvernement intègre un effet taux pluriannuel cumulé de 31, 6 milliards d’euros.

Si les perspectives financières se dégradent à moyen terme, indépendamment des perspectives de croissance – qui produiraient elles-mêmes un besoin d’économies supplémentaires spécifiques –, il faudra alors trouver jusqu’à 31, 6 milliards d’euros d’économies réelles en plus, ce qui est considérable.

J’en viens à mon troisième point, concernant justement les hypothèses de croissance.

Le Gouvernement a adopté une approche volontariste impliquant une croissance de 0, 8 % en 2013, puis de 2 % au-delà. Toutefois, si, comme la plupart des économistes le prédisent, nous avons un taux de 0, 4 % de croissance en 2013, puis de 1 % de 2014 à 2016 et de 2 % en 2017, il faudra trouver 2, 3 milliards d’euros en 2013, 8, 1 milliards en 2014, 14, 2 milliards en 2015, 20, 5 milliards en 2016 et 21 milliards en 2017 !

Nous voyons donc à quel point un mauvais calibrage des prévisions macroéconomiques peut remettre complètement en cause la trajectoire et obérer la réalisation des objectifs.

Je souligne que, à la suite de la crise, le précédent gouvernement s’était fixé des objectifs de réduction du déficit qu’il a non seulement respectés chaque année, mais même dépassés ! Dans l’intérêt supérieur de notre pays, nous vous souhaitons également de parvenir à tenir vos objectifs, mais vous me permettrez d’émettre quelques doutes, au regard de votre manque de lisibilité, de vos revirements incessants de position, que j’ai rappelés ce matin en commission, de vos contradictions et de vos hypothèses macroéconomiques qui nous semblent mal calibrées.

C’est pourquoi le groupe UMP votera contre le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, dont, s’il partage les objectifs, il dénonce la trajectoire.

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