Intervention de Joël Labbé

Réunion du 16 janvier 2013 à 15h00
Engagement des forces armées au mali — Lecture d'une déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Joël LabbéJoël Labbé :

Le véritable enjeu, au-delà de l’opération militaire en cours dans l’urgence, est de tirer des leçons de l’échec du simple soutien à un état de droit au Mali, sans véritable politique de développement pour l’accompagner.

Notre coopération avec le Mali doit s’inscrire sur le long terme et reposer sur des valeurs d’éthique et de respect de notre partenaire. C’est particulièrement important de le réaffirmer dans la mesure où le Mali est classé au 170e rang sur l’échelle de la pauvreté, alors que son sous-sol est riche en matières premières et que la tentation de certains est grande d’accaparer ces richesses. L’uranium de cette région, pour ne prendre qu’un exemple, attise les convoitises. Malheureusement, nous le savons, ces exploitations ne profitent quasiment pas aux populations locales.

Il se trouve que le département du Morbihan a une relation privilégiée avec l’ensemble de la région de Kidal. Voilà deux ans, nous avons reçu une délégation d’élus de la nouvelle génération de cette région dans le cadre de la décentralisation voulue par le gouvernement malien de l’époque. Nos interlocuteurs, notamment l’ancien président de l’assemblée régionale de Kidal, Abdoussalam Ag Assalat, qui nous a quittés accidentellement, nous avaient affirmé leur volonté, en tant que Touareg, de s’autodéterminer, d’avoir une certaine autonomie, tout en se reconnaissant Maliens. À l’époque, ils nous avaient mis en garde contre le risque représenté par les mouvements terroristes.

Le président de l’assemblée régionale nous avait par ailleurs expliqué son opposition à un projet d’achat de terres par une société australienne afin d’exploiter une mine d’uranium dans la région très proche de Kidal. Il leur avait répondu que la terre de ses ancêtres n’était pas à vendre et que le plus précieux des minerais était la ressource en eau. Il m’avait alors cité un proverbe touareg lourd de sens : « Tu peux dire ce que tu veux à celui qui a soif, il ne te demandera toujours que de l’eau ».

Il est temps de revoir, comme a commencé à le faire le ministre délégué chargé du développement, Pascal Canfin, sous votre autorité, monsieur le ministre des affaires étrangères, toute l’architecture des aides de la France aux pays qui en ont besoin, notamment ceux du Sahel. La future loi d’orientation et de programmation sur le développement devra tracer les lignes de nouvelles relations avec les pays les plus pauvres.

Je voudrais également m’exprimer ici au nom de ma collègue Kalliopi Ango Ela, sénatrice représentant les Français établis hors de France, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui a résidé plus de vingt-cinq années en Afrique subsaharienne. Elle tenait à ce que soient précisés divers points rendant compte de sa vision, que je partage évidemment.

Il nous semble effectivement important que l’accent soit mis sur la nécessaire reconstruction de la paix. L’aide au développement devra également prendre la forme d’un accompagnement de sortie de conflit ayant pour objectif le bien-être pacifié de tous les peuples et sociétés vivant au Mali, non seulement les Touareg, mais aussi les Maures, les Peuls, les Songhay et les Bozos, dans le respect des identités de chacun. C’est dans ce cadre que devra s’inscrire une paix durable.

S’il est fondamental que les actions menées sur le territoire malien le soient sous protection des forces africaines, la gestion du post-conflit devra, elle aussi, impliquer l’ensemble des différents acteurs du développement.

En conclusion, je dirai que, s’il est nécessaire d’intervenir dans l’urgence, il nous faudra ensuite permettre les conditions de mise en place d’un régime politique démocratique fort et stable au Mali, ce qui est encore possible. Nous devrons également œuvrer pour une véritable politique de développement autour des axes essentiels que sont l’alimentation et le droit à l’eau, à la santé et à l’éducation. Les conditions seront réunies sur les territoires malien et français, étant donné la richesse du réseau relationnel entre les collectivités locales, les associations françaises et les collectivités maliennes. Comme le dit Kofi Annan : « Il n’y a pas de développement sans sécurité et de sécurité sans développement et il ne peut y avoir ni sécurité ni développement si les droits de l’homme ne sont pas respectés. » §

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