Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 16 janvier 2013 à 15h00
Engagement des forces armées au mali — Lecture d'une déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Laurent Fabius, ministre :

C’est la raison pour laquelle la décision d’intervenir a été prise.

M. Rebsamen a souligné la légalité internationale de cette intervention, le rôle des Maliens et celui des Européens. Il a rappelé, à raison, le rôle essentiel du Président de la République qui, en qualité de chef des armées, est amené, au fil des conseils de défense et des contacts internationaux, à réaffirmer ses décisions.

Comme l’a également rappelé M. Rebsamen à juste titre, nous n’avons au Mali pas d’intérêts, au sens étroit du mot, à défendre. Il n’y a pas de société, grande ou petite, que nous devrions préserver. D’aucuns ont évoqué l’uranium : à ma connaissance, il n’y a pas de mine d’uranium au Mali. Il y en a au Niger, mais nous n’intervenons pas au Niger.

De toute façon, ce n’est pas ce qui est en cause ici : le Mali est un pays ami, un pays martyr, dont la population risque d’être prise en otage. Il s’agit, pour la France, de défendre les principes du droit international : c’est le sens de notre intervention.

Monsieur Larcher, vous avez affirmé avec force votre confiance dans nos soldats et signalé qu’il existe depuis longtemps des trafics, et pas seulement dans cette région.

Vous avez cité, me semble-t-il, Boko Haram, l’organisation terroriste du nord du Nigéria, pays qui est assez loin du Mali. Et que veut dire Boko Haram en Français ? « Non à l’éducation » ! Le nom de ce groupe terroriste, lié à AQMI et à d’autres mouvements, est donc à méditer. Ce qui se cache derrière tout cela est évidemment redoutable.

Monsieur Larcher, vous avez souligné que, moins de cinq heures après la décision du chef de l’État, une partie de nos soldats étaient déjà sur place.

Vous m’avez interrogé sur les scénarios de sortie. Je crois y avoir répondu en répondant à d’autres intervenants.

Vous avez relevé à juste raison, non sans humour et une certaine distance –, l’amabilité dont nous faisons preuve envers Mme Ashton…Mais nous ne sommes pas aveugles, et l’amabilité n’exclut pas l’exigence : il faudra à la fois pratiquer l’une et rappeler l’autre !

Comme vous l’avez dit les uns et les autres, il convient évidemment de nouer des contacts politiques avec le gouvernement malien, et ensuite élaborer la feuille de route. Chaque chose en son temps, mais, dans la position qui est la nôtre, nous gardons cela présent à l’esprit.

Avant de conclure, je voudrais vous présenter mes excuses, mesdames, messieurs les sénateurs, si je n’ai pas répondu avec suffisamment de précisions à vos interrogations. J’y reviendrai quand vous le souhaiterez.

Pour terminer, j’évoquerai deux points, d’une part, les otages, d’autre part, le débat de cet après-midi.

Nous avons des otages au Mali. Compte tenu de ce qui s’est passé en Somalie, de la situation dans le monde, en particulier au Sahel, où 30 000 Français sont répartis entre les différents pays de ce vaste territoire, et compte tenu du comportement des groupes terroristes, nous savons que beaucoup de nos compatriotes sont exposés.

C’est la raison pour laquelle la France doit agir, que ce soit chez elle §(M. le ministre de l’intérieur acquiesce.) – je salue l’action du ministre de l’intérieur à cet égard – ou à l’étranger, et elle le fait.

Mais, au-delà de ces actions, au-delà de la solidarité dont nous devons faire preuve envers les otages et leurs familles, qui sont en général d’un courage admirable, il faut bien comprendre que, même si nous essayons de toutes les manières possibles de sortir les otages de leur situation tragique, il est très difficile, il est même impossible de céder, car, en cédant aux terroristes, nous condamnons davantage de personnes à devenir otages. C’est vrai dans le cas du Mali, mais c’est vrai ailleurs.

Ce n’est précisément pas lorsque le phénomène devient aussi général, lorsque les groupes sont à ce point armés, lorsque les rançons exigées atteignent des montants aussi inimaginables que l’on peut céder. Nous devons faire tout ce qui est possible pour libérer les otages, mais, dans le même temps, ce n’est pas en cédant aux terroristes que l’on peut protéger nos otages.

Cela doit être médité, car les questions ne seront pas tranchées en quelques jours. Nous espérons le meilleur, bien sûr, nous y travaillons de toutes nos forces, mais c’est une question avec laquelle nous aurons à vivre, mesdames, messieurs les sénateurs.

Enfin, comme je l’ai fait en commençant mon intervention, je tiens à remercier tous les groupes du Sénat de leur soutien et des interventions qui se sont succédé, pas seulement sur le fond, mais aussi pour la tonalité du débat. La Haute Assemblée, comme il est d’usage d’appeler le Sénat, a montré cet après-midi que ce titre était mérité.

1 commentaire :

Le 23/01/2013 à 09:40, chb17 a dit :

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Monsieur Fabius indique que "nous n’avons au Mali pas d’intérêts, au sens étroit du mot, à défendre" ?

Monsieur le Ministre est mal informé.

L'uranium est présent au Mali, comme cela a été évoqué, et aussi quelques autres ressources qui éveillent l'intérêt de ceux qui savent.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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