La Commission des affaires européennes a engagé ce travail au moment opportun : le sujet est d'actualité au niveau européen. Il est vrai qu'on en parle depuis plus de quatre-vingts ans, puisque Keynes fut le premier à évoquer cette idée, que Tobin a théorisée pour le marché des changes. La crise l'a ramenée au premier plan, en développant la volonté de lutter contre le trading à haute fréquence, ou les excès des marchés financiers. Je suis allée à Londres, rencontrer les lords, la City, les acteurs économiques et étudier le stamp duty ainsi que la taxe sur le passif des banques ; en Suisse, étudier le droit de timbre d'un pays qui abrite une grande partie des transactions sur le marché des commodities ; et au Luxembourg, pays qui concentre à peu près la moitié de la gestion d'actifs en Europe. Il y a un consensus fort sur le principe d'une taxe, mais plus on approfondit le travail et plus on s'aperçoit que la mise en oeuvre soulève de nombreuses difficultés. Si le principe a été défendu au G20, il n'a pas été possible de rassembler les États membres sur la proposition de la Commission européenne. Cela a été constaté à la fin du mois de juin, et l'on s'est replié sur la procédure de coopération renforcée, entre neuf États membres au moins, rendue possible par le traité de Lisbonne.
Le conseil « Ecofin » du 22 janvier doit décider d'autoriser ou non cette coopération renforcée. En l'absence de nouvelle proposition de la Commission, le seul texte disponible est son texte initial. L'ensemble des vingt-sept États membres doivent autoriser les onze ou douze Etats qui le souhaitent à mettre en oeuvre cette coopération renforcée : en effet, les Etats peuvent craindre d'être concernés par le dispositif même s'ils n'entrent pas dans la coopération.
Cette coopération s'inscrit dans un contexte nouveau, puisque les deux grandes directives financières sur les infrastructures de marché (EMIR) et sur les marchés d'instruments financiers (MiFID) seront alors vraisemblablement mises en oeuvre. Les opérations de gré à gré ou sur les dérivés seront davantage connues, parce qu'elles auront fait l'objet de déclarations ou qu'elles auront été traitées sur des plateformes structurées : ces flux, que l'on croyait ne pouvoir connaître, seront maîtrisés.
Les sujets majeurs de cette directive, que je vous propose de rendre offensive, afin d'ouvrir le débat, sont la protection de l'épargne : la TTF doit être une contribution du secteur financier et non des épargnants ; la territorialité : dans la proposition actuelle, la simple entrée en relation avec un ressortissant d'un Etat-membre appliquant la TTF suffit à déterminer son application ; et, enfin, l'utilisation des fonds, sur lequel il y a un vrai débat. La commission des affaires européennes a souhaité que celle-ci soit européenne, comme préfiguration d'une contribution propre au budget européen, le rapporteur général se replie sur un abondement des budgets nationaux ; j'avais proposé d'ouvrir à un troisième usage : l'aide Nord-Sud a été l'un des motifs invoqués pour la création de la taxe, et faciliterait sans doute son élargissement à l'échelle mondiale. Une première TTF a été mise en place à l'échelle nationale. Nous pouvons maintenant aller plus loin.