Les vaccins obéissent à une relation bénéfices-risques qui doit être régulièrement réexaminée. Cela est le cas de tout médicament, mais les vaccins sont des médicaments particuliers parce qu'ils sont destinés à prévenir la maladie et administrés à des sujets sains. Sont en cause les maladies infectieuses transmissibles. Le risque épidémique fait des ravages dans le monde : il ne connaît pas les frontières et la prévention, pour être efficace, doit se déployer non sur le seul territoire national, mais bien à l'échelle mondiale.
Une cinquantaine de vaccins sont sur le marché en France, qui changent comme changent les virus et gagnent en sophistication. Ils sont faits pour prévenir vingt-cinq maladies ou groupes de maladies et éviter leur propagation épidémique. Fruit des progrès du XXe siècle, le vaccin, s'il est vrai qu'il suscite tout à la fois attentes et aversion, n'en apporte pas moins un bénéfice majeur à l'individu et à la société. L'objectif, porté par l'OMS, est d'éradiquer les maladies visées. C'est le cas de la poliomyélite, qui devrait avoir disparu en 2017.
Comment est assurée la sécurité des vaccins, en France et en Europe ? Ce sont des produits très particuliers puisqu'entre dans leur composition une culture de l'agent infectieux, ou de sa toxine, injectée pour provoquer une réaction immunitaire qui protège durant un temps déterminé. Les normes de sécurité doivent donc être très rigoureuses. Au stade de la production, deux dispositions sont prévues par la loi. En premier lieu, l'inspection régulière des sites par les autorités de contrôle nationale et européenne. J'ajoute qu'existe une reconnaissance mutuelle entre inspections américaines et européennes, pour mieux prévenir toute dérive, sachant que les risques sanitaires qui pourraient en résulter sont considérables. En second lieu, à la différence des autres médicaments, aucun vaccin n'est libéré sans vérification préalable de chaque lot. Et l'obligation vaut à l'échelle européenne. En France, l'ANSM fait contrôler chaque lot et vérifie les procédures de contrôle. Ainsi, aucun vaccin n'est libérable sans que l'usine ait été inspectée et le lot contrôlé. Ceci pour assurer la sécurité bactériologique du produit, déterminante. Auparavant, l'autorisation de mise sur le marché a constitué un premier verrou. La firme, pour l'obtenir, doit avoir démontré que le vaccin entraîne une réaction immunitaire contre la maladie visée et que cette protection est bien garantie par le mode d'utilisation préconisé. Une fois autorisé, le vaccin est commercialisé et distribué, le plus souvent à l'échelle européenne, car on s'achemine vers l'uniformisation.
Ensuite, la population vaccinée est surveillée. Il s'agit de dépister d'éventuelles toxicités. Cette surveillance repose sur trois piliers. D'abord, le recueil obligatoire des événements imprévisibles par les firmes, qui doivent produire, périodiquement, à l'échelle nationale, européenne et mondiale, les données d'exposition et les effets secondaires repérés. Le système de pharmacovigilance, ensuite, soit la déclaration spontanée par les professionnels de santé mais aussi par les usagers des événements indésirables, attendus ou non. Pour les professionnels de santé, cette déclaration auprès des centres régionaux est obligatoire. Troisième pilier, la réalisation d'études sur cohortes relativement aux effets secondaires. L'ensemble de ces données permet de corriger les modes d'utilisation du vaccin, voire de suspendre ou retirer l'autorisation.
Comment les vaccins sont-ils composés ? Pour certains agents infectieux, la culture de toxine suffit à assurer une protection. Mais il peut être nécessaire d'y ajouter des adjuvants, pour en assurer la stabilité et garantir une réaction immunitaire pérenne. Le débat à propos des vaccins tend à se déplacer sur la question des adjuvants, comme sur les excipients des médicaments. Et c'est bien l'ensemble qui est évalué, donc également la performance des adjuvants. Depuis 1995, les producteurs sont tenus d'élaborer pour chaque vaccin un plan de gestion des risques.
Les inquiétudes que suscitent les vaccins sont imputables à plusieurs facteurs. Une attitude égocentrique peut conduire à considérer que les autres étant vaccinés, on peut soi-même s'en passer. Mais c'est ignorer les circulations. Voyez la réapparition de l'épidémie de rougeole et les morts qu'elle a provoquées. En se vaccinant, on se protège en protégeant les autres, il faut le dire et le répéter. Notre rôle est d'éclairer, pour lever doutes et inquiétudes. Se pose également la question des effets à long terme de la vaccination. Il existe des maladies du système immunitaire, or c'est bien une réaction du système immunitaire que provoque le vaccin : pourrait-il y avoir un lien ? Il convient de s'interroger. Vient, enfin, un autre déterminant : alors que la France est le pays de naissance de la vaccination, la sensibilité de la société française au vaccin est particulièrement vive. Nous devons donc être d'autant plus attentifs à la transparence. Lorsque nous nous interrogeons, il faut rendre public le résultat de nos réflexions, comme celles que nous avons menées sur la vaccination contre les HPV.
Je conclurai en rappelant que le vaccin est un bien majeur pour la santé. Il faut se protéger.