Intervention de Philippe Pelletier

Commission des affaires économiques — Réunion du 16 janvier 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Philippe Pelletier président et de M. Jérôme Gatier directeur du plan « bâtiment durable »

Philippe Pelletier :

L'objectif de 38 % figure dans le Grenelle I du 3 août 2009 et concerne l'ensemble du parc français. La loi du 12 juillet 2010 ne dit nulle part que l'obligation de travaux dans le parc tertiaire doit permettre d'atteindre 38 %.

Il n'y a pas moins dirigiste que moi. Imposer des normes et des contraintes est à mille lieux de mon état d'esprit. Nous devons transformer la société autour du thème des bâtiments, et pour moi l'incitation, la recherche de l'adhésion, l'information, l'acculturation et l'appropriation sont les seules méthodes. Pour être franc, je n'étais pas très favorable à ce que l'obligation de travaux pour le parc tertiaire privé et public figure dans la loi de 2010 : il était trop tôt, et il fallait en rester au stade de l'incitation. Le gouvernement en a décidé autrement, sur un amendement parlementaire d'ailleurs. Mais le chiffre de 38 % n'est qu'indicatif.

Comment évincer les marchands de sommeil du parc locatif ? J'ai déposé une proposition sur le bureau de Valérie Létard qui à l'époque n'a pas été suivie d'effet... et j'ai récidivé : il s'agit d'inclure, dans la définition de la décence du logement, un critère sur la qualité thermique, en plus des critères sur la santé, la sécurité, la taille... Valérie Létard, qui était favorable à ma proposition, n'a pas eu l'arbitrage interministériel nécessaire. Je repose la question, car on ne peut pas louer n'importe quoi.

La TVA n'est pas de mon ressort, et les fédérations du bâtiment sont suffisamment mobilisées. Nous soutenons la baisse de la TVA, martelée tout au long de la semaine dernière au Conseil économique et social environnemental - nous l'avions glissée dans ses travaux... Avec vous, j'ai préféré évoquer les mesures pérennes.

25 % de gains d'énergie pour le programme « Habiter mieux », est-ce trop ? L'expérience des 30 000 premières rénovations du programme prouve qu'en fixant le taux à 25 %, on atteint facilement 35 à 38 %. J'en tire l'enseignement qu'en étant modeste sur les objectifs, les rendements se révèlent meilleurs, tandis que mettre la barre trop haut est dissuasif.

Quand les plafonds de ressources seront-ils relevés ? On me dit qu'un arbitrage interviendra en janvier.

Quant au service public de la performance énergétique, tout dépend ce que l'on entend par là. Avant l'été 2012, il était question d'un système uniforme appliqué par des sociétés d'économie mixte d'efficacité énergétique aux compétences incluant le financement : je trouve cela dangereux. Ne réinventons pas un mode de financement ex-nihilo à partir de structures artificielles qui seraient efficaces ici et pas du tout ailleurs. En revanche, s'il s'agit pour l'État de reconnaître qu'il a une obligation d'information, d'accompagnement, de financement et que ce service public peut être délégué à des acteurs sur le territoire, je suis pour, car un accompagnement est nécessaire. De manière générale, je suis, comme disent les Anglais, bottom-up, c'est-à-dire favorable à la valorisation d'expériences réussies sur le terrain.

Le diagnostic de performance énergétique, que vous critiquez, n'a pas été inventé pour accompagner la rénovation énergétique, mais pour sensibiliser les ménages à l'occasion d'une vente ou d'une location. Ses initiateurs étaient à la recherche d'un outil simple et informatif. Il y a bien eu un débat, qui revient régulièrement, pour savoir si ce diagnostic devait être rendu opposable et la réponse est non, pour l'instant. Etabli dans toute la France à un coût modéré, il est nécessairement réalisé par des acteurs multicartes, qui s'occupent du mesurage Carrez, de l'amiante, des insectes xylophages... et de la performance énergétique. La qualité en souffre, et c'est pourquoi Benoist Apparu, alors ministre du Logement, a ajouté trente rubriques à renseigner aux trente existantes.

En outre, lorsque le diagnostic va devenir un audit énergétique pour accompagner des travaux, il sera réalisé par d'autres acteurs : soit des bureaux d'études thermiques, soit des diagnostiqueurs de catégorie B, ayant des pré-requis et des formations supérieures aux diagnostiqueurs de base. Attendons de voir ce que donnent le diagnostic mieux renseigné, et le recours à des professionnels plus expérimentés pour les audits diagnostics accompagnant les travaux, et gardons, pour la vente et la location, cet outil simple et accessible, même s'il n'est pas parfait. Faire intervenir un bureau d'études thermiques à ce stade ne coûtera pas moins de 150 euros comme c'est le cas actuellement, mais plutôt 1 500 euros, sans compter que l'ensemble du territoire n'est pas couvert par ce type d'agences.

Faut-il préférer un bouquet de travaux ou procéder par étape ? Les deux écoles sont très braquées sur leurs positions, et je ne prendrais pas parti. En pratique, puisqu'il y a des incitations, les deux vont coexister.

Le parc HLM réalise plus de 100 000 rénovations par an. Après le premier prêt qui avait fait l'objet d'un quota pour 100 000 logements, un éco-prêt social basé sur des fonds d'épargne a été pérennisé. Les organismes HLM sont à la recherche d'une qualité élevée et leurs budgets de travaux sont supérieurs à ceux du secteur privé. A cela, il faut ajouter le coût élevé de la construction, qui tient moins à l'empilement des normes, qu'au fait que le processus de construction d'un bâtiment manque cruellement de rigueur dans notre pays. On se contente en effet d'aligner des procédés détenus par plusieurs corps de métier ; il n'y a pas l'embryon d'une démarche industrielle, comme dans d'autres pays. Pourtant, celle-ci autoriserait des gains de 40 % sur les coûts de construction. Il est faux de dire que la construction va coûter plus cher à cause des normes : celles-ci vont au contraire nous conduire à plus de rigueur et, partant, à des économies. Par exemple, pour réussir le test de perméabilité à l'air, il faudra que les entreprises se mettent à travailler ensemble. Les fédérations du bâtiment le savent. C'est une révolution culturelle, mais le bâtiment est si important en France qu'il faut réussir à entrer dans cette démarche industrielle.

Pèserons-nous sur le débat sur la transition énergétique ? Nous n'avons pas participé à la conférence environnementale. En revanche, je siège au comité des experts et nous ne manquons pas de porte-paroles.

Vous m'interpellez sur le niveau régional. Il ne s'agit pas pour moi d'inventer un nouvel échelon, et rien n'est obligatoire à ce stade. Les équipes qui travaillent au niveau national doivent se rapprocher du terrain. Le niveau régional n'est peut-être pas le meilleur, nous verrons cela dans le courant de l'année.

Enfin, le thème de l'accompagnement des ménages et de l'information sera prédominant en 2013.

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