Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier les membres de la mission commune d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement du travail tout à fait remarquable qu’ils ont effectué.
J’adresse mes salutations toutes particulières à Mme Sophie Primas, présidente de cette mission, et à Mme Nicole Bonnefoy, son rapporteur. Je les remercie d’avoir précisé leur position au cours de leurs interventions. Je me réjouis que nous ayons pu, en amont, engager un dialogue fructueux et jeter les bases d’un travail de qualité.
Votre rapport est extrêmement documenté et riche en informations. Il nous permettra, j’en suis certaine, de tirer de nombreux enseignements en matière de santé-environnement et d’approfondir notre réflexion dans ce domaine qui occupe aujourd'hui le cœur de l’actualité.
Vous avez choisi de placer les enjeux de santé au centre de votre réflexion et des propositions que vous faites, ce dont je me réjouis. Le Gouvernement va en effet lancer une stratégie nationale de santé, ce qui nous conduira à réfléchir à la manière précise dont notre politique de santé doit, mieux qu’elle ne le fait, répondre aux défis tels que la qualité de l’environnement. Jusqu’à il y a peu, ce sujet apparaissait comme secondaire, marginal, quand il n’était pas tout simplement ignoré.
La prise en compte de l’impact sanitaire des risques environnementaux est devenue un sujet majeur. Le Gouvernement a la ferme volonté d’apporter une réponse à la hauteur de l’enjeu. À cet égard, et j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer en ce sens lors des débats parlementaires sur le bisphénol A, la surexposition à des agents physiques ou à des substances nocives doit être traitée en priorité.
Votre mission a également fait le choix de mener une réflexion large, allant du fabricant à l’utilisateur. De fait, l’impact des pesticides sur la santé doit être abordé de façon globale, en tenant compte de l’ensemble des parties prenantes de la filière.
Vous avez aussi très justement élargi votre travail aux impacts sur la santé des familles de ces professionnels, ainsi que sur celle des riverains.
En tant qu’élue d’un territoire, l’Indre-et-Loire, où l’on rencontre les diverses catégories de personnes concernées par ces sujets, je ne peux que me réjouir de cette approche globale. Il s’agit à la fois de protéger nos agriculteurs – par définition, tel n’est pas le cas dans tous les départements –, les consommateurs et, de façon plus générale, nos concitoyens.
La France est le premier pays agricole de l’Union européenne. Par conséquent, elle est aussi l’un des premiers utilisateurs de pesticides. Je rappelle qu’entre 80 000 et 100 000 tonnes de ces produits sont employées chaque année. Il s’agit donc d’un enjeu majeur de santé publique.
Les études relatives aux effets des pesticides sur la santé sont actuellement synthétisées par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM. Cette expertise collective met en lumière l’existence de nombreux travaux épidémiologiques. Ceux-ci sont parfois contradictoires, car les liens de causalité entre l’exposition aux pesticides et l’émergence de certains cancers sont difficiles à établir. Pour autant, nous en savons assez pour agir et pour engager une politique favorisant une meilleure protection de nos concitoyens. Lorsqu’un doute existe et que la santé des Français est en jeu, nous ne pouvons hésiter.
Certains sujets font d’ores et déjà consensus, et plusieurs maladies sont reconnues en tant que maladies professionnelles. C’est ainsi le cas, par exemple, de la maladie de Parkinson, comme cela a été dit. Ce point, qui n’allait pas de soi au départ, ne prête plus à discussion aujourd'hui.
Vous avez effectué un travail approfondi, que je ne chercherai pas à résumer ici, préférant m’attacher à quelques constats méritant d’être soulignés, car ils sont au cœur des réponses que j’entends apporter, dans le cadre de mon ministère, en lien avec le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Tout d’abord, nous devons approfondir la connaissance des risques sanitaires liés aux pesticides et poursuivre nos activités de recherche. La mission encourage des programmes de recherche qui soient coordonnés et pluridisciplinaires, dans différents domaines, notamment en épidémiologie, en toxicologie, en biologie, ou en génétique. L’objectif est de mieux comprendre les mécanismes d’action des pesticides et les liens de causalité entre l’exposition et les maladies.
Je serai particulièrement attentive aux efforts réalisés dans le champ de la recherche, notamment sur trois points : premièrement, l’expertise collective de l’INSERM sur les effets sanitaires des pesticides ; deuxièmement, les études épidémiologiques, dont l’étude AgriCan relative aux cancers chez les agriculteurs, particulièrement significative – le Plan cancer qui sera reconduit au cours de l’année devra prendre en compte les contextes environnementaux – ; enfin, troisièmement, les études de biosurveillance coordonnées par l’Institut de veille sanitaire, l’InVS, afin d’estimer les niveaux d’imprégnation de la population à certaines substances chimiques, dont les pesticides. Nous avons besoin de cette connaissance.
En ce qui concerne ensuite l’impact de certains pesticides comme perturbateurs endocriniens, la Conférence environnementale, ainsi que la loi visant à la suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A, rappellent à cet égard la détermination sans faille du Gouvernement en la matière.
Je me suis engagée à mettre en place un groupe de travail associant l’ensemble des parties prenantes. Ce groupe élaborera, d’ici au mois de juin 2013, une stratégie nationale qui nous permettra de coordonner efficacement des actions de recherche, d’expertise, d’information du public et de réflexion sur l’encadrement réglementaire.
Par ailleurs, vous avez rappelé que le système communautaire de mise sur le marché des pesticides repose sur la confiance accordée aux dossiers déposés par les fabricants. Ils échappent ainsi à des procédures d’évaluation des risques suffisamment étayées. Un tel cadre ne nous permet pas de nous assurer que ces produits répondent à des exigences de sécurité sanitaire, notamment selon les conditions d’utilisation par les agriculteurs.
Les instances européennes, en l’occurrence la Commission, ont pris conscience des failles du système tel qu’il est mis en place au niveau européen. Je pense donc que nous allons pouvoir avancer.
En relation avec le ministère de l’agriculture, qui est chargé des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires, nous travaillerons pour mieux encadrer ces autorisations et renforcer le suivi sanitaire de leur mise sur le marché. Les procédures d’autorisation de mise sur le marché doivent comporter un volet sanitaire plus développé.
Enfin, vous insistez sur l’importance d’une mise en cohérence des données existantes afin de mieux déterminer la connaissance des risques sanitaires liés aux pesticides. La mission a jugé prioritaire « la nécessité de mettre en place des outils de surveillance, de veille et d’épidémiologie concertés, uniques et efficaces sur l’ensemble du territoire ».
La question des vigilances, vous l’avez parfaitement énoncée, est une priorité de santé publique. Compte tenu des enjeux pour la sécurité sanitaire, une refonte du système des vigilances est en cours de réalisation, qui doit aboutir dès cette année.
Parmi ces vigilances, un projet de décret relatif à la toxicovigilance est en cours de finalisation. Il a pour objectifs d’améliorer l’organisation de la toxicovigilance sous le pilotage de l’Institut de veille sanitaire, de développer l’information aux autorités sanitaires et d’élargir les obligations de déclaration des industriels concernant la composition de leurs produits. Il sera fondamental de veiller à une bonne articulation entre les risques au travail et les risques environnementaux au travers des différents plans, par exemple le Plan national santé-environnement et le Plan de santé au travail.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je puis vous assurer de ma détermination. Vos recommandations nous inciteront davantage encore à mener des actions coordonnées entre les ministères. Il sera nécessaire de porter ces enjeux au niveau européen, en faisant preuve d’une forte volonté.
Par ailleurs, une charte précisera les modalités de choix des experts, le processus d’expertise et ses rapports avec le pouvoir de décision, ainsi que les cas exceptionnels dans lesquels il peut être tenu compte des travaux réalisés par des experts présentant un conflit d’intérêt.
À plusieurs reprises, j’ai rappelé ma volonté de faire de la prévention des risques sanitaires environnementaux un axe majeur de ma politique de santé. Le combat mené pour l’interdiction du bisphénol A dans les contenants alimentaires et mon engagement en ce sens en sont un exemple récent.
Je suis convaincue que, dans le champ des risques dits « émergents », il nous revient d’anticiper et de travailler en amont. La conférence environnementale a traduit cette ambition ; elle nous a notamment permis de fixer des objectifs clairs et d’établir une méthode pour faire face aux risques sanitaires environnementaux. La stratégie nationale de santé permettra de leur donner une traduction concrète dans notre politique de santé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre engagement et de votre contribution.