Monsieur le président, monsieur, madame les ministres, mes chers collègues, je tiens d’abord à souligner l'ampleur du travail accompli par la mission commune d’information autour de ses présidente et rapporteur, Mmes Sophie Primas et Nicole Bonnefoy.
Je souhaite, par ailleurs, saluer le bon sens dont témoignent les recommandations émises par la mission. Comme c'est d’ailleurs souvent le cas au Sénat, c’est le bon sens qui a permis de fédérer l'ensemble des membres de notre assemblée, toutes sensibilités politiques confondues, autour d'une analyse convergente et partagée de la situation, ainsi que de l’ambition de donner aux préconisations du rapport, aussi rapidement que possible, une traduction concrète.
Cette vision commune tient certainement au fait que les membres de la mission ont partagé, avec lucidité et sans parti pris, plusieurs constats. J’en retiens principalement cinq.
En premier lieu, les dangers et les risques que représentent les pesticides pour la santé sont aujourd’hui sous-évalués.
En deuxième lieu, le suivi des produits après leur mise sur le marché, au regard de leurs incidences sanitaires réelles, n'est qu'imparfaitement assuré : ainsi, les effets des perturbateurs endocriniens sont insuffisamment pris en compte.
En troisième lieu, les équipements de protection contre les pesticides ne sont manifestement pas à la hauteur des risques encourus par ceux qui utilisent et manipulent ces produits.
En quatrième lieu, les pratiques industrielles, agricoles et commerciales actuelles n'intègrent pas suffisamment la question de l'innocuité des pesticides.
Enfin, le plan Écophyto 2018 doit faire l'objet d'une évaluation en vue de le conforter, voire de le renforcer.
Cela étant dit, il ne faut pas, à mon sens, voir dans ces constats, ni dans nos préconisations, le fruit du travail d'« empêcheurs de tourner en rond » qui seraient obsédés par le sacro-saint principe de précaution.
Notre volonté, dans l’esprit, d’ailleurs, du Grenelle de l'environnement, n'est pas de pointer un doigt accusateur sur les industriels ou de les fustiger ; simplement, il est de notre devoir, en responsabilité et en conscience, d'interpeller, de poser des questions et de soumettre au débat des pistes de réponse et des solutions.
Il y a certainement eu des excès en matière d'utilisation des pesticides et de l'imprudence dans certaines manipulations, voire des insuffisances concernant les aspects sanitaires ; je pense notamment à des phénomènes de pollution.
Je crois donc notre « interpellation » utile et salutaire. Il faudrait même, me semble-t-il, que nos industriels s’en saisissent pour amorcer une réflexion sur le devenir de leurs produits ou sur le formidable avantage compétitif que pourraient leur apporter des produits ou des techniques nouveaux, susceptibles de permettre de concilier la préservation de la santé publique et la protection de l'environnement.
Madame, monsieur les ministres, je pense, par exemple, à toutes les évolutions qui pourraient intervenir dans le domaine de la chimie « verte », plus respectueuse de la santé des femmes et des hommes, ainsi qu’à des innovations possibles en matière d’équipements de protection individuelle destinés aux personnes exposées aux pesticides.
Le Gouvernement a lui aussi, madame, monsieur les ministres, son rôle à jouer, en aidant à approfondir et à élargir les connaissances, grâce à des analyses et à des statistiques, en encourageant la recherche-développement, en soutenant les initiatives des entreprises qui innovent pour opérer les évolutions nécessaires. Je vous invite en conséquence, par exemple, à consacrer à ces actions une partie des fonds redéployés dans le cadre du Commissariat général à l'investissement. Oserez-vous faire ce choix ? Je le souhaite sincèrement.
Il est ici question de parvenir, grâce à une amélioration des connaissances, à une vision plus juste, fondée sur une appréciation à la fois objective et scientifique, des nécessaires adaptations à venir. Ce travail me paraît indispensable pour répondre, avec pragmatisme, aux préoccupations en matière d'écologie et de santé publique, dont la légitimité est telle que l'on ne doit surtout pas les laisser servir d'alibis à quelque dogmatisme que ce soit.
Aujourd'hui, si l'on veut concilier la protection de la santé publique et de l'environnement avec le développement agricole et industriel, il me semble que le sujet dont notre assemblée s'est emparée représente une véritable source d'espoir et d'ambition.
Tous ensemble, agriculteurs, industriels et pouvoirs publics, nous devons pouvoir, grâce à la réflexion de fond que nous conduisons, nous saisir concrètement de la problématique des pesticides pour en faire un sujet d'intérêt général et de santé publique à la fois.
Il s’agit d’amorcer le développement de nouveaux savoir-faire de « qualité française ». L’enjeu, ne nous y trompons pas, n'est pas national : tous nos voisins sont ou seront, tôt ou tard, confrontés à ces problématiques.
Faut-il rappeler que, d'après l'INRA, de 25 % à 75 % des pesticides appliqués se retrouvent dans l'atmosphère et que, l'air n'ayant pas de frontières, ces questions intéressent, par hypothèse, l’ensemble de notre planète et de ses habitants… À cet égard, je propose qu'une véritable stratégie nationale de suivi de la présence des pesticides dans l'air soit mise en place, à l'instar de ce qui est pratiqué pour le milieu aquatique, où plus de 100 000 prélèvements ont été opérés ces dernières années. Jusqu’à présent, les contrôles et les analyses sont trop rares. Dans ce domaine, les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air de nos régions me paraissent être des acteurs naturels, aptes à assumer cette mission d'intérêt public.
Madame, monsieur les ministres, je souhaiterais connaître lesquelles des recommandations du rapport de la mission commune d’information et des quelques propositions que je viens de formuler le Gouvernement serait prêt à mettre en œuvre dès à présent. Je vous remercie, enfin, de m'indiquer quelles actions vous entendez conduire à cet effet dans le cadre d'une nécessaire coordination interministérielle.