Intervention de Jean-Noël Cardoux

Réunion du 23 janvier 2013 à 14h30
Débat sur les pesticides et leur impact sur la santé et l'environnement

Photo de Jean-Noël CardouxJean-Noël Cardoux :

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le très dense rapport d’information qui nous a été remis est le fruit d’un travail intense sur un sujet éminemment complexe : les travaux précédemment accomplis sur ce thème n’avaient pas permis d’aboutir à une synthèse aussi complète, assortie de telles préconisations.

Compte tenu de l’ampleur de la problématique, ce rapport d’information se borne à aborder le volet relatif à la santé humaine, dans ses dimensions préventive, curative et informative.

Néanmoins – M. le ministre l'a souligné –, il faut également envisager une démarche incitative visant à modifier les pratiques actuelles de culture afin de réduire le recours aux pesticides.

J'ai relevé, dans le rapport d’information, quelques éléments qui s’inscrivent dans une telle démarche. Je pense notamment au quatrième constat, particulièrement important à mon sens : les pratiques actuelles ont été conçues après la Seconde Guerre mondiale, à une époque de renouveau économique où il fallait produire davantage et donc accroître les rendements pour satisfaire la demande.

Le cinquième constat du rapport d’information porte sur le plan Écophyto, qui avait pour objet de réduire de 50 % l'utilisation des pesticides à l’horizon de 2018 mais dont les résultats sont pour le moins décevants, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre.

Devant ce constat, les recommandations n° 9 et 10 du rapport d’information portent sur le renforcement des mesures de formation et, surtout, la réorientation des aides publiques vers l'agriculture biologique, par le biais d’une augmentation de la redevance pour pollution diffuse, afin de structurer les filières. Nous sommes là au cœur du problème, car celui-ci est avant tout économique et financier, qu’on le veuille ou non. Il ne sera jamais possible de réduire significativement l'utilisation des pesticides sans donner de contreparties aux agriculteurs.

Sur ce point, deux doctrines s'opposent. Certains prônent l'augmentation de la redevance pour pollution diffuse. Pour ma part, j’estime qu’il conviendrait plutôt d’adapter la fiscalité actuelle afin de l'améliorer et de la rendre plus efficace. J'ignore ce qui est ressorti de la table ronde sur la fiscalité écologique organisée par la commission des finances ce matin, mais il serait à mon sens souhaitable de jouer sur deux leviers : la TVA et la redevance pour pollution diffuse.

En ce qui concerne la TVA, son taux est actuellement fixé à 7 % pour les produits phytopharmaceutiques utilisables en agriculture biologique et à 19, 6 % pour les autres pesticides dangereux, à savoir les produits phytopharmaceutiques et biocides.

Lors du débat sur la TVA « antidélocalisations » qui a eu lieu voilà quelques mois, nous n’avons fait qu’effleurer la question de la mise en place d'une véritable TVA écologique. Nous ne pourrons cependant pas faire l'économie d'un débat sur cette question.

L’un de nos collègues vient de demander que l'utilisation de pesticides soit interdite aux jardiniers du dimanche et aux collectivités locales. Pour ma part, je pense qu'augmenter significativement le taux de TVA pour ces produits, en le portant par exemple à 25 %, serait une mesure moins brutale, mais néanmoins efficace dans le temps. En effet, les jardiniers du dimanche et les collectivités territoriales sont des consommateurs finaux, qui ne récupèrent pas la TVA, contrairement à la plupart des agriculteurs, pour qui ce relèvement du taux n’aurait donc que peu d'incidences. L’idée d’augmenter de façon ciblée les taux de TVA mérite d’être creusée.

En ce qui concerne la redevance pour pollution diffuse, ses modes de recouvrement et de répartition sont incroyablement complexes. Je rappelle qu’elle est acquittée par les négociants et représente de 1 euro à 5 euros par kilogramme de produit. J'ai essayé d'obtenir des chiffres plus précis, mais c’est la bouteille à l’encre !

Le produit de cette taxe est versé aux agences de l'eau, l'agence de l’eau Artois-Picardie le centralisant avant de le reverser à l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA, qui abonde le plan Écophyto… On mesure la simplicité du dispositif !

Il est vrai que c’est un sport typiquement français que de multiplier les étapes administratives, avec des déperditions liées aux coûts de fonctionnement et de gestion. Est-ce bien raisonnable ? En 2010, la Cour des comptes a mis en exergue ce problème. Monsieur le ministre, a-t-il été procédé à une évaluation de ces déperditions financières ? Le rapport d'information estime à 41 millions d'euros le versement de l’ONEMA au plan Écophyto 2018, alors que l'annexe au projet de loi de finances pour 2013 annonce un reversement de 34, 2 millions d'euros, pour une collecte de 37, 8 millions d'euros : comment expliquer ces écarts ? Je n’avais ni le temps ni les moyens d'approfondir cette question, mais je pense qu'une réflexion doit être menée sur ce sujet afin d’essayer de rendre plus efficace le système et, partant, l'utilisation des fonds publics. Il ne serait alors pas nécessaire d’augmenter la redevance pour pollution diffuse et peut-être pourrait-on envisager, dans le cadre du plan Écophyto 2018, une démarche pragmatique qui consisterait à reverser directement, dans des conditions à déterminer, son produit aux agriculteurs acceptant de jouer le jeu. Ainsi, les déperditions financières seraient moindres.

Un tel mécanisme serait peut-être complexe à mettre en œuvre, mais j’ai confiance en la capacité d’initiative de nos administrations. Il est temps de s'attaquer à ce problème, car, aujourd'hui, l’aspect économique et financier est incontournable. Nous disposons d’éléments pour travailler à l’élaboration d’une politique volontariste. Ce sera long et difficile, car il faudra convaincre, mais c'est la seule solution si nous voulons être efficaces et donner une traduction concrète aux préconisations du rapport d'information. §

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